Par Dominique Muselet – 19 octobre 2022

La convergence de la guerre en Ukraine et de l’arrivée au pouvoir de plusieurs représentantes de la classe dirigeante toutes plus bellicistes les unes que les autres provoque une forme de prise de conscience et de libération de la parole.

Deux articles sortent pratiquement en même temps sur le sujet. « Femmes au pouvoir » de Salvatore Bravo paru originellement sur le site italien Sinistra en Rete d’extrême gauche et sur le site Le grand soir, dans une traduction française qui ne lui rend pas justice, et « L’incroyable insignifiance du personnel politique français » paru sur le site Profession gendarme qui, selon Libération, « relaie fréquemment des thèses complotistes ou des fake news », vous êtes prévenus !

La Verte va-t-en-guerre Annalena Baerbock. Ministre fédérale allemande des Affaires étrangères. Crédit Wikimedia

On nous avait juré, expliquent en substance ces deux auteurs que, si les femmes étaient au pouvoir, elles se conduiraient comme des anges, à la différence des hommes, connus pour leur nature perverse et agressive. Et patatras, que constate-t-on, maintenant que grâce à la parité de nombreuses femmes ont accédé aux plus hautes fonctions ? Eh bien, que

« Les grands noms de cette gent féminine sont d’un bellicisme absolu. Une qui est prête à appuyer sur le bouton nucléaire, l’autre à abolir la liberté d’expression. La chef suprême de la commission européenne veut la guerre, et les autres, en France comme en Italie, courbent l’échine du poids de la soumission. Nous faisons abstraction des positionnements des femmes aux USA tant le délire va-t-en-guerre est à son comble. Pour des pacifistes, les femmes se posent là, sur le trône de la malveillance ! »

Finalement, donc, à l’usage, les femmes politiques ne vaudraient pas mieux que les hommes politiques… Ça alors !

Pour ce qui est des causes l’auteur de l’article, paru sur le site Profession gendarme, se contente de dénoncer « la corruption et les prises d’intérêt frauduleux » de toute cette « clique politique » plus ou moins « maffieuse », mais Salvatore Bravo pousse plus loin la réflexion. À qui profite le crime ? se demande-t-il. Quelles sont les raisons de l’arrivée des femmes au pouvoir et de leur brutalité surprenante ? Elles sont de trois sortes, économiques, politiques et spirituelles.

Pour lui, « Les femmes au pouvoir sont le spot publicitaire du pouvoir néolibéral ». Il s’agit d’un pouvoir au sens d’« autoritarisme hiérarchique et raciste », de dissimuler son entreprise de transformation des êtres humains en esclaves consentants d’oligarques tout puissants « derrière le voile de l’inclusion », du progressisme et du féminisme. La ploutocratie occidentale veut détruire la concurrence que représentent principalement la Russie et la Chine, pour s’approprier leurs ressources, car les États-Unis n’en ont jamais assez et l’Europe n’en a pas du tout.

« Le but caché de cette sensiblerie obscène, et mortelle pour les Ukrainiens et pour les Russes, est d’intimider l’Est et de faire des affaires avec les États-Unis qui nous vendront généreusement du gaz au prix du marché qu’ils auront établi » ajoute Salvatore Bravo qui fait allusion au deuxième aspect de cette lutte à mort, à savoir « l’extraordinaire opportunité » dixit Antony Blinken, de détruire en même temps la concurrence européenne.

Ursula von der Leyen

L’occident, par la voix des femmes au pouvoir, pleurniche sur le sort de l’Ukraine tout en se vautrant allègrement dans les torrents de sang principalement ukrainien que sa soif de pouvoir et de profit fait couler en Ukraine. L’hypothétique renversement de Poutine vaut sûrement la peine de sacrifier jusqu’au dernier Ukrainien aux yeux de nos vampires féminines, tout comme le renversement du dictateur Saddam Hussein pour piller l’Irak justifiait la mort de 500 000 enfants irakiens pour la furie sanguinaire Madeleine Albright.

On connait le sort que les élites occidentales réservent aux populations sous leur contrôle, surtout que, depuis la réussite de l’opération Covid qui les a rendues fous d’orgueil, elles ne s’en cachent plus. Leur projet pour l’humanité s’étale en long et en large sur le site du Forum économique mondial : Vous n’aurez rien, et vous serez heureux de travailler pour nous comme les esclaves des plantations de coton, sur le dos desquels s’est édifiée une grande partie de la richesse étasunienne. D’autant plus heureux que l’alternative sera sans doute l’euthanasie.

Et pourquoi les femmes seraient-elles meilleures ?

Donc les femmes de la classe dominante occidentales ont été catapultées aux postes de commande par les oligarques qui tirent les ficelles pour donner une apparence de douceur maternelle aux exactions tous azimut de l’Empire étasunien fascisant et de ses larbins européens. D’accord, mais pourquoi se sentent-elles obligées de faire mieux que les hommes en matière de cynisme, de bêtise, d’hypocrisie ? Pourquoi ont-elles à cœur de se montrer plus royalistes que le roi ? Se sentent-elles forcées de donner des gages de leur cruauté à la ploutocratie de peur de perdre leurs privilèges et leurs postes ou de décevoir les puissants réseaux qui les ont placées là ? Ou ne valent-elle finalement pas mieux que les hommes ?

Et pourquoi devrions-nous être meilleures ? La biologie répartit les rôles des hommes et des femmes dans la société primitive. Les femmes font et élèvent les enfants, se chargent des petits travaux et régentent le domaine familial. Les hommes font la guerre, vont à la chasse et protègent la tribu. La maladie de la comparaison et de la classification n’avait pas envahi ces sociétés. Il ne venait à personne l’idée de comparer un homme et une femme. Un homme était un homme et une femme était une femme. Ils avaient des points communs et des différences, mais rien ne rendait l’un des deux sexes supérieurs à l’autre. Les bouddhistes ont conservé cette attitude saine et se méfient des comparaisons.

Aujourd’hui nous voulons échapper à tous les déterminismes, la race, le sexe, l’âge, la santé, la naissance, pour être libre. Le malheur, c’est qu’un tel refus d’appartenance laisse l’individu sans port d’attache. S’il n’a pas une solide colonne vertébrale, fruit d’une authentique vie intérieure et d’une profonde confiance en soi, consolidée par l’étude et la méditation, il se retrouve comme une coquille de noix balloté par les eaux déchaînées de la vie et n’a d’autre choix que de se précipiter dans le giron rassurant de la majorité, dont les opinions, les aspirations et les actes sont modelés par le pouvoir en place.

Si nous tombons dans tous les pièges de l’oligarchie, si nous croyons à toutes leurs narratives (comprendre mensonges), si nous nous laissons impressionner par leurs prétentions et leurs menaces, si nous courbons la tête et nous laissons abuser, maltraiter, esclavagiser, c’est parce que nous n’avons plus de « fondement métaphysique universel » comme dit Salvatore Bravo, à cause du « nihilisme identitaire qui hante l’Europe ». C’est un fait que nous n’avons plus de socle spirituel ni individuel ni commun, à la différence des Amérindiens et des gens du Moyen Age. Les Amérindiens que les blancs à la langue fourchue appelaient sauvages, étaient des êtres profondément spirituels. La spiritualité n’est pas la croyance éthérée en un Dieu lointain et arbitraire, ni son culte formel. La spiritualité c’est quelque chose de très concret. C’est le fait de se sentir relié à soi-même, aux autres, à l’univers, de se sentir partie prenante de la création, et non pas au-dessus ou hors de la création. C’était au départ l’ambition de notre religion de nous y aider, puisque religion vient de religare, relier, mais elle a échoué. Actuellement il faut mieux aller en Inde pour comprendre tout cela. Quoique les Évangélistes fassent une percée en France mais je n’en sais pas plus.

Lorsqu’on est conscient d’être une composante de la nature et de ne faire qu’un avec les autres et le monde, lorsqu’on est conscient qu’on ne peut pas survivre sans les autres et sans la nature, lorsqu’on en est profondément conscient, je ne parle pas d’une connaissance superficielle, non, mais quand tout notre être est imprégné de cette évidence, alors notre cœur se remplit d’amour, de reconnaissance et d’émerveillement, et on n’a plus, mais plus du tout, envie de dominer qui ou quoi que ce soit et encore moins de leur nuire. Les Amérindiens, quand ils faisaient un trou dans la terre pour arracher une plante médicinale le rebouchaient en s’excusant de l’avoir blessée. Voilà ce que cela signifie de se sentir partie prenante de l’univers.

Hommes, femmes ou enfants, on ne peut être manipulés par le pouvoir secondé par les médias, les écoles, les parents, que si nous sommes coupés de nous-mêmes, des autres et de la nature. Si nous renonçons à nous-mêmes et à tout ce qui fait de nous des humains pour un plat de lentilles comme le pauvre Esaü de la Bible, nous ne valons pas mieux que les oligarques de « Triangle of sadness » le savoureux film de Ruben Östlund, oscarisé par les bons soins de notre Vincent Lindon national.

D’ailleurs, on le voit bien dans le film, Abigaël a beau être une femme pauvre et d’origine asiatique, dès que les circonstances lui donnent un peu de pouvoir, elle reproduit, à son profit, la hiérarchie sociale dont elle était victime, et on sent bien que le pouvoir va vite tuer en elle le peu de sensibilité que toute une vie d’exploitation et de mépris social n’avait pas réussi à éradiquer. Et c’est normal, car nous ne connaissons pas autre chose. La compétition, la guerre de tous contre tous, l’idée que tout se résout par la force, tout cela nous est inculqué tout petit et devient vite une seconde nature. C’est pourquoi les sociétés amérindiennes se méfiaient du pouvoir et de la richesse. Leurs chefs n’avaient aucun pouvoir, comme le montre Pierre Clastres. Ils étaient chargés de la cohésion de la tribu et du respect des traditions et c’est tout. Et ils étaient pauvres car on attendait d’eux qu’ils partagent tout ce qu’ils avaient.

Condoleeza Rice, Secrétaire d’Etat des Etats-Unis

C’est pourquoi le sexe, l’âge, la race et la naissance n’ont rien à voir avec la qualité humaine. On perd son humanité lorsque, coupé de la création et de tout ce qu’elle contient (soi y compris), on devient une créature du système pétrie de son idéologie, de ses préjugés et de ses réflexes et qui hurle en cadence avec les loups. Notre éducation, ou plutôt notre conditionnement fait de nous des êtres avides, cyniques, agressifs, vaniteux, manipulateurs, lâches, peureux, frivoles et mesquins qui se prennent pour la mesure de toutes choses, sauf rares exceptions. C’était tout le contraire des Amérindiens qui s’efforçaient de développer chez leurs enfants le respect, la reconnaissance, l’émerveillement, la droiture, la fraternité, l’authenticité, la bravoure.

La bonne nouvelle, c’est qu’on peut redevenir humain à chaque instant, en prenant conscience du mal qu’on fait à soi-même et aux autres en se servant au lieu de servir.

Dominique Muselet