EIIL

L’une des principales sources de financement des extrémistes de l’«Etat islamique» (EI, ou Daech) d’Abou Bakr al-Baghdadi, en plus des dons d’associations salafistes du Golfe, des pillages, et du racket, est la contrebande du pétrole.

Jeudi, l’organisation terroriste a pris le contrôle des principaux champs pétroliers et gaziers de la province de Deir Ezzor, dans l’est de la Syrie et à la frontière avec l’Irak. Il s’agit du champ d’Al-Omar, le plus grand du pays, avec une capacité de production de 75000 barils par jour avant la guerre. Aujourd’hui, le site produirait quelque 10000 barils. Quelques heures plus tard, l’EI s’est emparé du champ d’Al-Tanak dans la zone désertique d’Al-Chouaitat, dans l’est de Deir Ezzor. Al-Tanak et Al-Omar étaient les derniers grands champs de cette province pétrolifère qui échappaient encore au contrôle de l’EI. Ils ont été pris au Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, qui s’est quasiment effondrée à Deir Ezzor. Aujourd’hui, l’EI contrôlerait 8 des 11 champs de pétrole de Deir Ezzor.

Depuis mi-2012, les membres de tribus syriennes et les «rebelles» se sont lancés dans la contrebande, après avoir pris le contrôle des pipelines, des sites de forage et des réservoirs de stockage.

Des milliers de barils de brut sont acheminés illégalement en Turquie, à l’aide de petits navires sur l’Euphrate ou des camions-citernes empruntant des chemins de ferme. Le prix du baril dépend de la qualité du pétrole brut et du coût du transport. Il varie entre 5 et 50 dollars. On estime à un million de dollars par jour les rentrées générées par ce trafic lucratif. Le même phénomène a lieu en Irak. Fin 2006, un conflit a opposé les extrémistes de l’Etat islamique en Irak ( EII, devenu aujourd’hui l’Etat islamique) aux tribus irakiennes pour le contrôle de la contrebande pétrolière le long de la route qui relie Amman à Bagdad. Plus tard, l’EII a mis la main sur la contrebande pétrolière dans la province d’Al-Anbar et plus au nord, avec des points de passage entre l’Irak et la Syrie.

Partage avec les tribus

Par la politique du bâton et de la carotte, l’organisation d’al-Baghdadi a progressivement pris le contrôle de toute l’infrastructure de contrebande, soit en partageant les bénéfices avec les tribus, soit en s’accaparant la totalité des recettes. Des milliers de barils de pétrole syrien et irakien sont donc vendus sur le marché turc, via des intermédiaires. Ceux-ci sont bien connus des autorités turques, et il s’agit souvent de personnes proches du régime ou de l’AKP, le parti au pouvoir de Recep Tayyeb Erdogan. Le brut de contrebande transite par les régions de de Tall Abiad ou d’al-Bab.

Le pétrole est écoulé sur le marché local et l’huile est raffinée en Turquie, une partie du brut trouve son chemin vers les marchés de certains pays européens.

La Turquie profite de la décision prise par l’Union européenne (UE), le 22 avril 2013, de lever partiellement son embargo pétrolier à l’encontre de la Syrie afin d’aider «l’opposition» dans sa guerre contre le président Bachar al-Assad. Réunis à Luxembourg, les ministres européens des Affaires étrangères de l’UE ont décidé d’autoriser, «sous conditions», l’importation de brut produit en Syrie, l’exportation d’équipements dans le secteurs pétrolier et gazier ainsi que les investissements dans ces domaines.

Selon l’Agence France presse (AFP), les ministres ont jugé «nécessaire» d’«introduire des dérogations» aux sanctions dans le but d’«aider la population civile syrienne, en réponse aux problèmes humanitaires et pour restaurer une activité économique normale», ont-ils indiqué dans les conclusions de leur réunion.

Cette décision d’alléger l’embargo est toujours en vigueur aujourd’hui. L’argent du contribuable européen et américain qui finance l’Otan, dont la Turquie est l’un des principaux membres, fini donc dans les poches du «calife» Baghdadi. Ce dernier utilise cet argent pour entrainer des milliers de «jihadistes» occidentaux, qui rentreront un jour dans leurs pays d’origine pour commettre des attentats terroristes.

Voilà comment l’Europe est en train de financer sa propre destruction. Une situation d’une absurdité sans limite.

Samer R. Zoughaib – 07-07-2014