Ce qui semble manquer dans le débat autour de la cause palestinienne au sein du mouvement de solidarité est  l’obstacle posé par les groupes de pression qui appuient Israël dans de très nombreux pays, c’est-à-dire au niveau mondial, et dont nul autre État colonial n’a jamais disposé. Et de quelles conséquences cette particularité unique est-elle porteuse.

Pour illustrer ce point crucial nous présentons quelques extraits d’une conversation avec Gilad Atzmon (*).

 

Pourquoi le BDS n’a-t-il pas encore fonctionné ?

La réponse est simple : c’est parce qu’Israël n’est pas entièrement une entité coloniale – comme nous entendons historiquement ce terme – et qu’il faut comprendre que son pouvoir et ses liens avec l’Occident sont maintenus par les plus puissants lobbies à travers le monde.

Donc, si la gauche veut vraiment stopper Israël, alors elle doit poser ouvertement la question du « pouvoir juif » et de son rôle dans la politique et les médias occidentaux. Mais la gauche peut-elle le faire ? Je n’en suis pas si sûr.
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Le « paradigme colonial » est donc invoqué pour soutenir également l’idée qu’Israël est un État d’apartheid, très semblable à la plupart des autres entreprises coloniales du passé. Mon approche est totalement différente, parce que je dirais qu’Israël et le sionisme représentent un projet unique dans l’histoire, et que la relation entre Israël et l’action des lobbies juifs en Occident est également tout à fait unique dans l’histoire.
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Curieusement, beaucoup de ceux qui soutiennent avec enthousiasme le « paradigme colonial », ont également été très prompts à dénoncer le travail de John Mearsheimer et Stephen Walt sur le lobby israélien. Si Mearsheimer et Walt sont dans le vrai, et je pense qu’ils le sont, alors c’est le « pouvoir juif » que nous avons à affronter. Et c’est précisément pour nous empêcher de le faire que la « gauche juive » et l’intelligentsia juive sont là.
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En outre, au fil des années, l’État juif s’est servi de très puissants lobbies et think tanks dans nos capitales occidentales. Ces organismes s’emploient à promouvoir les intérêts sionistes mondiaux tels que la confrontation sans fin avec l’Islam et le monde musulman.
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Alors qu’à ses débuts, le sionisme se présentait comme une promesse de racheter tous les juifs de la diaspora par le biais de leur installation sur la « terre promise », au cours des trois dernières décennies le sionisme a changé à certains égards ses objectifs. L’État juif préfère en effet que certains des juifs de la diaspora restent exactement où ils sont de façon à pouvoir faire pression sur leurs gouvernements respectifs pour le bien de ce qu’ils interprètent comme leurs intérêts juifs.

Le rôle des lobbies juifs, comme l’AIPAC, J-street (USA) et les Conservative Friends of Israel (Grande Bretagne), est beaucoup plus avantageux pour Israël que n’importe quelle vague d’immigration juive en Palestine ne pourrait l’être. Cette transformation de la pensée sioniste marque un glissement du plan local au plan mondial et, de ce fait, le sionisme ne devrait plus être perçu uniquement comme la demande d’un foyer juif dans la « terre promise ». Il devrait bien plutôt être saisi comme une opération mondiale, à la recherche d’un refuge pour les juifs à l’échelle de la « planète promise ».
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J’essaie de comprendre ce qui fait avancer le sionisme et lui sert de carburant : Israël, le lobbying juif, les guerres expansionnistes des néoconservateurs, et même l’antisionisme juif.

(*) Israël et le sionisme : Un projet unique dans l’histoire http://www.silviacattori.net/article1543.html

Lire également pour comprendre pourquoi les Palestiniens n’ont jamais rien obtenu :

Gilad Atzmon parle de son livre « The Wandering Who ? » http://www.silviacattori.net/article2077.html