Conférence de presse du 29 janvier 2018, 11 heures.
Club de la Presse, Bruxelles, rue Froissart, 95 1040, Bruxelles, Belgique
Khaled El Hamedi (*) poursuivra son action contre l’OTAN et mènera jusqu’au bout la bataille juridique établissant la responsabilité de cette organisation dans les préjudices subis par sa famille. La Cour d’Appel de Belgique a pris la regrettable décision de maintenir l’immunité de l’OTAN, responsable de la mort de toute une famille pendant la campagne militaire libyenne. Les victimes se sont constituées en Association des victimes de l’OTAN, en vue de poursuivre leur action en justice.
Le 23 novembre 2017, la Cour d’Appel de Bruxelles (Belgique) a pris la décision de maintenir l’immunité de l’OTAN dans le dossier déposé par un ressortissant libyen, Khaled el Hamidi, qui a perdu toute sa famille le 20 juin 2011 au cours d’un bombardement aérien de l’OTAN sur sa maison, dans la ville de Sorman en Libye. Ce qui a coûté la vie à l’épouse de M. El Hamedi, Mme Safae Ahmed Azawi, à ses deux jeunes enfants, Khaled et Alkhweldi, à sa petite nièce Salam, à sa tante Najia, à son cousin Mohamed, aux enfants de son voisin et aux employés qui travaillaient chez lui.
A la suite de quoi, Khaled el Hamedi a demandé à ce que l’OTAN soit tenu pour responsable de la perte des siens. Il a saisi la Cour de Bruxelles pour qu’elle statue sur la responsabilité de l’OTAN et sur les compensations relatives à cette perte. L’OTAN a décliné la compétence des tribunaux belges et a fait prévaloir l’immunité que lui confèrent les statuts d’Ottawa de 1951, date de sa création.
El Hamedi ne saurait accepter un état de fait où une organisation telle que l’OTAN, qui a pouvoir de vie ou de mort sur une grande partie des habitants de la planète, puisse bénéficier d’une totale impunité pour les opérations qu’elle mène. Cette demande que des comptes soient rendus est conforme à la jurisprudence récente nationale et internationale. L’immunité de l’OTAN constitue notamment une violation du droit d’accès aux tribunaux, inscrit dans la Convention européenne des Droits de l’Homme et dans d’autres instruments internationaux relatifs aux Droits de l’Homme. Dans un arrêt antérieur, la Cour de Cassation de Belgique a décidé que l’immunité des organisations internationales pouvait être remise en cause, si ces dernières ne mettaient pas en place un mécanisme interne accessible aux citoyens ayant subi des préjudices du fait de leurs opérations. L’OTAN n’a mis en place aucun mécanisme relatif à ses opérations en Libye.
La Cour d’appel de Bruxelles a fort regrettablement décidé le 23 novembre dernier de maintenir l’immunité de l’OTAN, manquant ainsi l’occasion historique de faire une grande avancée dans l’application de la législation internationale des droits de l’homme et de la législation humanitaire internationale.
La Cour d’appel de Bruxelles a décidé que l’immunité dont jouit l’OTAN était une restriction acceptable du droit d’accès à la justice. A ses yeux, l’immunité est en rapport avec les visées qu’elle poursuit : permettre à une organisation internationale de réaliser ses objectifs. Pour prendre cette décision, la Cour d’Appel de Bruxelles s’est appuyée sur la jurisprudence néerlandaise relative à l’immunité des Casques Bleus des Nations Unies.
Mais une comparaison de cet ordre n’est pas correcte. La Charte des Nations Unies est la source même du droit public international contemporain. L’ensemble du système juridique international est basé sur cette Charte, l’organisation des Nations Unies ayant été fondée et rejointe par presque tous les Etats du monde en vue d’appliquer la Charte. Cette dernière était l’expression commune des peuples du monde qui s’étaient battus contre la tyrannie du fascisme et les guerres d’agression commises par l’Allemagne nazie, l’Italie, le Japon et leurs alliés. La Charte des Nations Unies s’applique à tous les pays du monde. L’OTAN est une organisation internationale d’une toute autre nature. Elle est à l’origine une alliance militaire d’un nombre très limité de pays privilégiés. Le caractère illégal de cette alliance, dont la principale mission est l’entraînement à l’usage de la force dans les relations internationales, a été pointé du doigt, dans la mesure où cette mission représente une violation de la Charte des Nations Unies qui, elle, interdit l’usage de la force dans les relations internationales à l’exception des situations d’auto-défense, et, dans ce dernier cas, seulement jusqu’à ce que le Conseil de Sécurité soit en capacité d’adopter les mesures nécessaires pour restaurer la paix. Une décision de Cour de justice n’est donc pas fondée à établir une comparaison entre l’organisation des Nations Unies, qui est le garant de la justice internationale, et une alliance militaire limitée, plus susceptible d’agir illégalement sur le plan du droit international.
La question est de savoir si une organisation qui décide de la vie ou de la mort de nombreuses personnes à travers le monde peut continuer à le faire sans avoir aucun compte à rendre et en bénéficiant d’une impunité totale, ou si, au contraire, elle aura à répondre de ses agissements. L’actuel état de choses est dangereux car il entérine une situation dans laquelle l’OTAN n’est nullement incité à respecter le droit international.
C’est pour cette raison que M. El Hamedi poursuivra son action afin de parvenir à établir la responsabilité de l’OTAN dans les préjudices subis par sa famille. L’équipe de juristes qui l’appuie examine actuellement la faisabilité de la poursuite de l’action en justice en Belgique et, le cas échéant, devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Mais son combat ouvre la voie à toutes les autres victimes de l’OTAN.
C’est pourquoi il a décidé de créer, en lien avec les nombreuses autres personnes victimes des crimes de l’OTAN en Libye, l’Association of Victims of NATO and War on Libya – Association des Victimes de l’OTAN et de la guerre en Libye. (http://www.anvwl.com/). Cette association est envisagée comme moyen d’unir les forces de toutes les victimes de l’OTAN, en Libye et dans le reste du monde.
Leur combat se poursuivra jusqu’à ce que soit créé un dispositif permettant d’établir les responsabilités de l’OTAN.
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Pour plus d’informations, contacter l’avocat de Khaled El Hamedi : Jan Fermon, +32475441896, jan.fermon@progresslaw.net
Texte original en anglais
(*) Voir aussi:
«Mon père a dit à Sarkozy: je ne serai pas un traître» et sa maison en Libye a été rasée
Seeking Justice: Victim appeals to EU court claiming NATO killed his entire family
Khaled K. El-Hamedi has filed a lawsuit against NATO for killing his family
« J’ai tout perdu. Ma femme. Mes enfants. Mon pays »
Traduction: Sylvie Jolivet