Le rôle proactif qu’ont joué certaines chaines de télévision satellitaires arabes dans les évènements qui ont secoué les pays arabes ˗ improprement baptisés « printemps » arabe ˗ a été longuement discuté par de nombreux observateurs. Il est actuellement de notoriété publique que des chaînes comme la Qatarie Al Jazira ou la Saoudienne Al Arabiya ne sont que de puissants instruments médiatiques au service d’agendas politiques concoctés par les pays qui les ont créées, financées et idéologiquement orientées et ce, bien avant les révoltes « printanières » [1]. Comme le reconnait si bien un analyste saoudien : « Les deux chaînes se préoccupent davantage de véhiculer les points de vue de leurs bailleurs de fonds que d’informer d’une manière professionnelle et objective » [2]. Cet alignement contraire à l’éthique journalistique a été non seulement flagrant dans la couverture du printemps arabe, mais aussi dans d’autres dossiers comme celui du massacre de Gaza [3] ou de l’éviction de Mohamed Morsi, le président égyptien issu des Frères musulmans [4].
Concernant la Syrie, Sultan Al Qassemi affirme que « dans leur tentative de soutenir la cause des rebelles syriens, ces géants des médias ont abaissé leurs normes journalistiques, abandonné les contrôles rudimentaires des faits et se sont appuyés sur des appels anonymes et des vidéos non vérifiées […] » [5].
La partialité politiquement téléguidée de ces médias qui, auparavant, jouissaient d’une crédibilité sans précédent dans le monde arabe [6] a effrité leur crédibilité [7] et provoqué l’effondrement de l’audience de la chaîne qatarie [8].
En réalité, le « printemps » arabe et ses dramatiques conséquences n’ont été que les révélateurs des agendas politiques établis depuis la création de ces médias.
Al Jazira et Wadah Khanfar
Al Jazira a été fondée en 1996 par l’émir du Qatar, cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani qui avait pris le pouvoir une année plus tôt en renversant nul autre que son père. Dotée d’une allocation de 150 millions de dollars à sa création, les dépenses du groupe ont été estimées à 650 millions de dollars en 2010 [9].