Annalena Baerbock, Ministre des Affaires étrangères, elle connaissait immédiatement les coupables disant: «Il n’y a qu’un seul responsable de cette catastrophe d’origine humaine: la guerre d’agression criminelle de la Russie contre l’Ukraine.»
Gros titre récent: «Rien n’est prouvé, mais de toute évidence, il faut partir du fait que la rupture du barrage est l’œuvre criminelle des Russes»
En fait, c’est devenu habituel: il se passe quelque chose de grave en Ukraine, quelque chose qui émeut la plupart des gens, à juste titre, et peu de temps après, l’opinion divulguée occidentale sait déjà qui est le coupable: la Russie – et bien sûr Poutine, en premier lieu. En 1895, Gustave Le Bon a formulé une phrase clé de la propagande de masses dans son livre «La psychologie des masses»: répétez une affirmation, les masses finiront par y croire même si c’est un mensonge.
Bien entendu, je ne sais actuellement non plus qui et quoi est responsable de la rupture du barrage de Kachowka et des inondations qui ont suivi. Il existe des médias mainstream germanophones qui appellent à la prudence lorsqu’il s’agit de déterminer les responsabilités. Par exemple, dans le «Badische Neueste Nachrichten», publié à Karlsruhe, on y lit en date du 7 juin 2023: «En Occident et à Kiev, il ne fait apparemment aucun doute que Moscou est responsable de la rupture du barrage. La Russie rejette la faute sur le gouvernement ukrainien. Jusqu’à présent, aucune de ces accusations n’était toutefois étayée de manière convaincante.» Tel est à ce jour l’état réel des choses. Le «Passauer Neue Presse» le savait également. Ce qui ne l’a toutefois pas empêchée de formuler en grosses lettres, le 8 juin, exactement la phrase intenable, reproduite dans le titre de cet article.
Les Russes sont toujours blâmés
Trois membres du gouvernement ont martelé la logique allemande face à l’événement. Le chancelier Olaf Scholz, qui ne s’est pas borné à voir sa «nouvelle dimension» dans la conduite de la guerre, a fait remarquer que cet acte «correspondait à la manière dont Poutine fait la guerre». Il ajoute en guise d’explication: «C’est quelque chose qui s’inscrit dans le cadre de nombreux crimes que nous avons vus perpétrer par des soldats russes en Ukraine». Quant à Annalena Baerbock, Ministre des Affaires étrangères, elle connaissait immédiatement les coupables disant: «Il n’y a qu’un seul responsable de cette catastrophe d’origine humaine: la guerre d’agression criminelle de la Russie contre l’Ukraine.»1 Dans l’édition de «Spiegel-Online» du 8 juin 2023, on a lu: «Les raisons exactes de la rupture du barrage de Kachovka ne sont pas encore claires. Le ministre allemand de la Défense [Pistorius] ne laisse planer aucun doute sur la personne à qui il attribue cet acte»: La Russie et Vladimir Poutine.
Le 7 juin 2023, le magazine d’information allemand «Focus» a même donné la parole à un «expert», titulaire de la chaire de politique internationale et de politique étrangère à l’université de Cologne. Comme s’il avait été lui-même présent et qu’il était expert en explosifs, il a écrit: «Entre-temps, on peut considérer comme certain que le barrage de Kachowka a été dynamité par la Russie.» L’article du Focus ne contient pourtant pas non plus d’indices étayant cette hypothèse.
Il faut des lecteurs avertis pour douter, lorsque trois membres du gouvernement fédéral et un professeur de Cologne font preuve d’une telle assurance, bien qu’elle ne soit qu’arrogée.
Tout cela est essentiellement grotesque!
Qu’est-ce qu’une grotesque? Considérées isolément, de nombreuses scènes d’une grotesque ont l’effet quasiment contraignant de nous faire rire, ou presque. Mais prises dans leur contexte global réel, l’horreur domine, si bien que le rire reste coincé dans la gorge.
C’est ce que je ressens quand je pense aux hommes (et aux femmes!) politiques et aux médias allemands qui donnent le ton et qui la divulguent. Leur attitude – même s’il s’agit d’affirmer qui est responsable de la catastrophe du barrage – est en partie ridicule à outrance. Mais quand on réfléchit à ce qui suivra, le rire se défend. La guerre en Ukraine provoquée par l’Occident a commencé bien avant le 24 février 2022, et bien avant le printemps 2014 – comme tout le monde devrait savoir – avec la politique de la «seule puissance mondiale», la prétention à la domination mondiale et les troubles qui en découlent, les «changements» violents de gouvernement, l’exploitation meurtrière et les guerres. Tout cela signifie déjà des millions de victimes, d’énormes destructions, des injustices à tous les niveaux.
Un concitoyen allemand m’a récemment dit qu’il trouvait sérieux que les discussions allemandes soient dominées par le noir et le blanc. Ce qui aboutirait à l’impossibilité de dialoguer. Voilà donc le fruit amer de la propagande. Il n’y a plus que le noir et le blanc, pas de nuances, pas de pondération, pas de différenciations, pas de prises en compte des autres, pas de ponts, pas d’approches historique et politique.
Pas de réflexion politique signifie absence de tout lien humain.
Karl-Jürgen Müller
1) Scholz et Baerbock cités par .Zdf.de/nachrichtendu 6/06/23
2).Anti-spiegel.ru du 28/05/23
Source: Horizons et Débats