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Bruno Guigue | 08/11/2016

Normalien, énarque, aujourd’hui professeur de philosophie, auteur de cinq ouvrages, dont “Aux origines du conflit israélo-arabe, l’invisible remords de l’Occident” (L’Harmattan, 2002).

On pensait que la priorité était de recentrer l’école sur les apprentissages fondamentaux, de délivrer un enseignement de qualité afin de promouvoir l’égalité des chances. Mauvaise pioche ! La priorité, c’est de pourfendre les “conspis”. Une prose interminable est déversée sur les messageries des enseignants, depuis des mois, pour les convaincre de cette nouvelle urgence.

Pourquoi un tel acharnement ? La réponse est fournie par un dossier publié le 3 novembre par le site mediaeducation.fr. Dans ce dossier revêtu de l’imprimatur officiel, on apprend que les “pouvoirs publics” se sont émus, “après les attentats de l’année 2015”, de la prolifération des “théories complotistes”. Il paraît même qu’on a diffusé sur la toile “des scénarios peu soucieux des faits”. Bigre. On comprend mieux.

Dans cette prose, on trouve surtout de creuses généralités sur la nécessité de “déconstruire les théories complotistes” et de “prendre du recul à l’égard de la complosphère”. Puis, en guise d’exemples, on trouve deux références précises. D’abord, la fable des “Illuminati”. Et pratiquement à égalité, celle des “reptiliens”. Bref, des idioties notoires, des sornettes pour ados “new age” passablement décérébrés, mais pas de quoi fouetter un chat. Au vu de ces exemples, on se demande pourquoi le gouvernement déploie autant d’énergie.

C’est là que les choses deviennent intéressantes. Bien sûr, la mention des attentats de 2015 nous avait déjà mis la puce à l’oreille. Mais en poursuivant la lecture de ce dossier, on découvre le pot aux roses. A côté des Illuminati et des reptiliens, une troisième théorie jugée “complotiste” est citée, habilement, à la fin du texte. On y lit ceci : ” 66 % des sondés estiment toujours que l’on nous a caché des choses sur les attentats de New-York”.

Horreur ! Les deux tiers des Américains ne croient pas à la version officielle du 9/11. Ils pensent que leurs dirigeants ne leur disent pas la vérité. Le scepticisme sur la responsabilité des attentats, le voilà ramené, par les bouffons de l’anticomplotisme, au niveau de la croyance débile aux reptiliens. L’esprit critique est aligné, par ces imposteurs, sur une fable grotesque. Le Congrès américain vient de voter une loi autorisant les familles des victimes du 9/11 à poursuivre en justice l’Etat saoudien. Il faut croire qu’il n’a pas consulté les petits génies qui traquent les “conspis” pendant que M. Valls livre des armes aux sponsors du terrorisme.

Soyons clairs. Le “conspirationnisme” n’existe pas, c’est une farce, une supercherie monumentale. C’est une ruse servant à discréditer par amalgame le discours critique sur les relations internationales. C’est un moyen d’intimidation qui vise à tétaniser l’opinion en lui faisant croire qu’il y a des idées qui sentent le soufre et qu’il faut disqualifier avant tout examen. Car ces idées dérangent, elles échappent à l’emprise de l’oligarchie dont les anticonspis sont les larbins. L’anticomplotisme est le nouvel instrument de la doxa impérialiste, et le cache-sexe de la nullité intellectuelle des nouveaux censeurs.

Bruno Guigue | 08/11/2016

Normalien, énarque, aujourd’hui professeur de philosophie, auteur de cinq ouvrages, dont “Aux origines du conflit israélo-arabe, l’invisible remords de l’Occident” (L’Harmattan, 2002).