Président Macron. (Image officielle)

Après le coup d’État au Niger, le président de la République a déclaré que la France répliquerait « de manière immédiate et intraitable » si ses intérêts étaient attaqués.

La France n’a rien vu venir comme le rapporte Jean-Dominique Merchet dans cet article de L’Opinion, qui n’est pas réputé être un journal d’opposition au régime. Selon le journaliste, « l’état-major des armées reconnait à demi-mot qu’il n’était pas forcément au courant que quelque chose se tramait ces derniers jours ». L’état-major des armées et les services de renseignements n’ont donc rien vu venir. A moins que, comme le souligne l’article précité, « l’analyse des faits collectés n’a pas été la bonne, parce qu’elle ne correspondait pas aux vues du pouvoir politique ».

M. Macron condamne le coup d’État au Niger « avec la plus grande fermeté », cela va sans dire. Il le juge d’ailleurs « parfaitement illégitime ». Il y aurait donc des coups d’État « légitimes ». Celui de mai 1958 en France qui a donné naissance à la Vème République par exemple ? Et le président de la République « ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêts ». Évidemment.

On se souvient qu’en mai 2021, M. Macron avait « condamné » le coup d’État au Mali et déclaré que la France était prête « dans les prochaines heures à prendre des actions ciblées contre les protagonistes ». Que s’est-il passé depuis ? Rien. Ou plutôt si : la France a retiré ses troupes du Mali comme l’exigeait le gouvernement issu du coup d’État et les a transférées … au Niger.

On se souvient aussi qu’en janvier 2022, le président de la République avait « condamné » le coup d’État au Burkina Faso qui a renversé le président Kaboré, celui-là même qu’il avait humilié devant une assemblée d’étudiants à Ouagadougou en novembre 2017 (« il est parti réparé la clim »). Nouveau coup d’État en septembre 2022. Que s’est-il passé depuis ? Rien. Ou plutôt si : la France a retiré ses troupes du Burkina Faso comme l’exigeait le nouveau gouvernement burkinabé. Comme elle l’avait fait au Mali. Comme elle va sans doute le faire dans quelques mois au Niger.

A chaque fois, M. Macron « condamne avec la plus grande fermeté », « exige sans délai », « se tient prêt à agir dans les prochaines heures », etc. etc. Bref, M. Macron macronne comme disent les Ukrainiens : il gesticule, il fait des déclarations martiales, trois petits tours et puis s’en va. On songe au pamphlet d’Hugo sur « Napoléon le petit » : « Certes, [il] s’agite, rendons-lui cette justice ; il ne reste pas un moment tranquille ; (…)  il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide. »

L’analyse de ces évènements est aussi indigente que celle des mouvements sociaux en France. Les gilets jaunes, c’était la main de Moscou à travers RT, Sputnik et les trolls russes sur Twitter. La révolte dans les banlieues, c’est la faute des parents et des réseaux sociaux encore une fois. En Afrique, c’est tout aussi simple : c’est bien entendu la Russie par l’intermédiaire du groupe Wagner qui est derrière ces coups d’État anti-français. Comme le remarque judicieusement Jean-Dominique Merchet, les mêmes arguments étaient invoqués pendant la guerre d’Algérie : à l’époque, c’était la main de Nasser que l’on voyait derrière le FLN.

Que la Russie profite de la déconfiture de la France en Afrique pour y pousser ses pions, c’est une évidence. Mais elle n’est pour rien dans le soutien que la France a apporté à tous les régimes corrompus de la région depuis leur indépendance, dès lors et tant qu’ils servaient ses intérêts. On verra sans doute apparaitre une « Russafrique » dans les années qui viennent mais c’est bien la Françafrique que subissent les peuples des anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest depuis des lustres. Ce n’est donc pas la Russie qui est à l’origine de l’exaspération des citoyens de ces pays à l’égard de la France. La présence militaire de la France depuis des décennies et les exactions qui l’accompagnent, son interventionnisme pour faire et défaire les régimes à sa convenance ne sont plus tolérés. Si les militaires putschistes qui prennent le pouvoir à la faveur de ces coups d’État instrumentalisent la colère de leur peuple, celle-ci n’en est pas moins réelle et légitime.

Faute d’avoir compris à temps cette colère des peuples d’Afrique francophone et d’avoir revu de fond en comble sa politique africaine, la France n’a plus qu’à plier bagage, chassée d’un pays, puis d’un autre et puis encore d’un autre… Et M. Macron peut retourner faire des ronds sans l’eau sur son jet-ski au fort de Brégançon.

MARUGIL – 1 AOÛT 2023

Source: Blogs.mediapart