
Fiona Scott Morton a été nommée directrice générale de la concurrence européenne mardi 11 juillet. WIKIMEDIA COMMONS
Nomination d’une américaine à la Commission européenne: «un choix absolument hallucinant »
Mardi, la commission européenne a annoncé avoir nommé Fiona Scott Morton, une économiste états-unienne, économiste en chef de la Direction générale de la concurrence européenne.
Chose rare, cette décision a soulevé une critiques unanime en France, de Jordan Bardella pour le RN, à Manon Aubry, pour LFI, en passant par Nathalie Loiseau, ou le ministre du numérique, pour la minorité présidentielle, ainsi que Yannick Jadot ou Geoffroy Didier, pour LR. Une décision aussi révoltante que révélatrice.
La commission au service de l’oligarchie sous influence US
Ce choix est absolument hallucinant. Tout dans le CV de Fiona Scott Morton devrait la disqualifier pour un tel poste, extrêmement important dans l’UE. En effet, la politique de la concurrence est une des compétences réservées de l’UE, clé dans une économie globalisée où les grandes multinationales cherchent des positions toujours plus oligopolistiques. C’est un des rares domaines où l’UE pourrait peser face aux intérêts des USA, même s’il faut bien constater que jusqu’à présent, c’est le laisser-faire qui règne, même quand de grandes multinationales rachètent des concurrents directs pour renforcer plus encore leur emprise sur leur marché, à de rares exceptions près… La commission justifie ce choix par son expertise, mais l’argument est un peu court et ne suffit pas à cacher toutes les failles d’une telle décision.
Principal problème : c’est une citoyenne états-unienne. D’ailleurs, normalement, pour travailler pour l’UE, il faut avoir un passeport européen : il a donc fallu faire une exception pour la nommer. Et cette règle est plus que légitime : à quoi bon créer un ensemble aussi vaste si c’est pour avoir besoin d’étrangers pour des rôles aussi importants ? Le choix d’une citoyenne états-unienne est d’autant plus injustifiable qu’il s’agit d’un pays qui s’est fait une spécialité dans l’extra-territorialité de son droit. Comment penser une seconde qu’un citoyen de ce pays pourrait avoir un jugement parfaitement indépendant et neutre à l’égard de son pays d’origine dans les dossiers qu’elle pourrait traiter ? Comment lui faire confiance quand elle traitera d’entreprises de son pays, d’autant plus qu’elle a déjà travaillé pour 3 des GAFAM ?
En outre, son passé dans l’administration Obama n’est guère plus rassurant, ajoutant des liens politiques aux lliens économiques. Comment croire une seconde que Fiona Scott Morton défendra l’intérêt général européen (à supposer qu’il existe et soit défendu par l’UE, ce que je n’ai jamais cru) et pas les intérêts de son pays et ses entreprises ? Ce choix est aussi extraordinairement révélateur du fond idéologique de l’UE, comme le souligne justement Natacha Polony dans un éditorial sur Marianne TV. En effet, cela souligne sa vision d’un marché européen totalement globalisé où la nationalité des talents n’a pas d’importance : l’UE n’a même pas de préférence européenne pour sa haute fonction publique. Autant dire que la souveraineté européenne est une vaste blague dans une UE qui n’est qu’un marché offert, où la nationalité des parties-prenantes n’a strictement aucune importance, au seul service de l’oligarchie globalisée. Quel contraste avec les Etats-Unis et les grandes puissances asiatiques, qui savent être protectionnistes !
Pour finir, cela renforce les critiques, exprimées dès les années 1960 par le Général de Gaulle, de la construction d’une Europe étatsunienne et non d’une Europe européenne. Le TCE, devenu traité de Lisbonne, a malheureusement renforcé ce biais d’origine en inscrivant dans le marbre des traités européens le rôle de l’OTAN dans la défense des pays européens. On peut aussi rappeler le choix de Javier Solana, ancien secrétaire général de l’OTAN comme haut représentant de l’UE pour la PESC… Ce choix est d’autant plus troublant qu’Ursula Von der Layen est donnée comme possible candidate pour la tête de l’OTAN. On pourrait alors voir dans la nomination de Fiona Scott Morton une forme d’allégeance et de contre-partie donnée à Washington pour appuyer sa candidature à l’OTAN en 2024…
Cette nomination représente tout ce qui ne va pas avec cette construction européenne : un détachement complet des intérêts des pays européens qui la composent, une technocratie qui prend des décisions clés au mépris de l’avis des politiques ou des peuples, et une organisation sous forte influence états-unienne, où les conflits d’intérêt sont légion. Y-aurait-il seulement une chose à sauver de l’UE ?
Papier publié sur le FigaroVox le 17 juillet
Source: Blog Gaulliste Libre – 16 juillet 2023