Joe Biden par son image consensuelle cache une grande faiblesse qui le rend dangereux.

Par Pierre Verhas – 9 juillet 2022 – Blog Uranopole

Joe Biden est un homme dangereux. Il est faible à l’intérieur et fort à l’extérieur de la faiblesse des autres. À l’intérieur des Etats-Unis, ce président démocrate octogénaire réagit mollement aux coups de boutoir de l’aile la plus conservatrice des Républicains. L’arrêt de la Cour Suprême autorisant les Etats à interdire l’IVG n’a suscité en Biden qu’une réponse indignée, certes, mais sans envisager la moindre riposte. Ce président commence à inquiéter même dans son propre camp. Cette faiblesse ne fait que renforcer le camp adverse et risque de lui faire perdre sa faible majorité aux élections à mi-mandat et dans trois ans ramener les conservateurs républicains au pouvoir à Washington.

Sur le plan extérieur, après l’humiliante débandade de Kaboul, Biden tente de renforcer l’influence étatsunienne particulièrement en Europe et aussi dans le Pacifique en se basant sur l’OTAN.

L’OTAN – Organisation du Traité de l’Atlantique Nord – fut l’instrument américain de domination militaire de l’Europe occidentale pendant la guerre froide. Elle eut ensuite tendance à s’étendre à tous les théâtres d’intervention militaire US au Moyen-Orient. Aujourd’hui, on l’a vu au tout récent Sommet de l’OTAN à Madrid, deux pays d’Asie ont été invités. Biden cherche aussi à neutraliser la Chine et donc y associer l’OTAN. Dans le cadre de la guerre en Ukraine, la Suède et la Finlande ont adhéré à cette organisation dans des conditions pas très honorables qu’on évoquera plus loin. Joe Biden s’est réjoui en disant qu’on a « otanisé la Suède et la Finlande ». Des pressions sont exercées sur la Suisse et l’Autriche qui sont les deux derniers pays d’Europe à ne pas être « otanisés » …

Pour bien comprendre, il nous faut remonter le temps. Le Traité de l’Atlantique Nord a été signé à Washington le 4 avril 1949 par douze pays. Le but officiel est de défendre le « monde libre » face au glacis communiste. Notons qu’un pays, le Portugal alors sous la dictature de Salazar en fait partie. Et tout récemment, la Suède et la Finlande ont dû accepter d’extrader des réfugiés politiques kurdes pour que la Turquie leur accorde son vote pour l’adhésion. Ainsi, la notion de « monde libre » est assez fluctuante !

La réalité est que l’OTAN est une organisation politique et militaire placée sous le commandement américain. « Toute la politique des Etats-Unis au sein de l’OTAN repose sur la conviction que la défense du « monde libre » est un tout indivisible et que la défense de l’Europe occidentale ne peut être dissociée de celle de Washington. » écrit Harry B. Ellis en 1950, texte réédité par Manière de Voir, juillet 2022, le bimestriel du Monde diplomatique. C’était l’époque où il y avait deux blocs de forces équivalente, le soviétique et l’occidental. La situation était donc figée en Europe. Il y eut aussi un autre épisode. Sans l’affirmer ouvertement, l’OTAN a aidé les colonels grecs en 1967 à fomenter un coup d’Etat contre le régime démocratique d’Athènes jugé trop faible face à la « menace communiste ». Les colonels restèrent au pouvoir jusqu’en 1974.

Ce n’est qu’en 1955 que l’autre « côté » réagit en fondant le Pacte de Varsovie. Ainsi, deux blocs étaient constitués et seront consolidés par la construction du Mur de Berlin en août 1961. L’année suivante, la crise des missiles de Cuba renforça la séparation des blocs. La même année 1962, commença la guerre du Vietnam provoquée par un incident monté de toutes pièces par la CIA, l’affrontement maritime du Golfe du Tonkin. Elle se solda par un échec colossal des Américains après la chute de Saïgon en 1975.

En Europe, tout en maintenant son adhésion au Traité de l’Atlantique Nord, le général de Gaulle décide en 1965 la sortie du commandement militaire allié de l’OTAN et fonde le principe de la défense « tous azimuts » après que la France se fut dotée de l’arme nucléaire. D’autre part, en réponse à la constitution des deux blocs, s’est formée à Cuba en 1966 la Tricontinentale qui regroupe 82 pays non alignés d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. Auparavant, en 1955, eut lieu la conférence de Bandung qui regroupa 29 pays d’Afrique et d’Asie qui décidèrent du non-alignement. Cependant, ces initiatives ont échoué. Les « non-alignés » n’ont jamais réussi à constituer un bloc face aux deux autres. Par après, il s’est constitué une association informelle qu’on appelle le BRICS (Brésil Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui organise régulièrement des Sommets pour répondre au fameux G7. L’Iran vient d’y demander son adhésion. C’est une riposte évidente au bloc occidental.

Le général de Gaulle avait bien compris, il y a plus d’un demi-siècle, que l’ordre du monde ne pouvait être dominé par les « blocs ».

Après la chute de l’URSS en 1991, c’est surtout le bloc occidental qui s’est renforcé. Gorbatchev, le dernier président soviétique, était partisan de la « maison commune », c’est -à-dire d’un rapprochement entre l’Europe et la Russie. Son successeur Eltsine a supplié Clinton à plusieurs reprises pour que les blocs ne se reconstituent pas. En vain. On sait la promesse qui a été faite à Gorbatchev après la chute du Mur de Berlin en 1989 de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est. Paroles, paroles ! Et l’actuelle guerre en Ukraine renforce encore l’OTAN après l’adhésion de la Suède et de la Finlande.

Mikhail Gorbatchev a été trompé par les occidentaux avec leur fausse promesse de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est.

Donc, à part la Chine et la Russie, il n’y a aucune puissance qui est à même de rivaliser avec les pays membres de l’OTAN. Cette organisation est devenue incontournable. Elle peut déclencher des guerres sans l’aval du Conseil de Sécurité de l’ONU, ce qui a été le cas en Afghanistan et en Irak au mépris total du droit international. Pourtant, l’occident s’affaiblit. Le reste du monde ne le suit plus ou ne se plie plus à ses diktats.

L’ordre occidental qui se renforce ne correspond plus à la réalité du monde. L’émergence de la Chine, bien sûr, mais aussi de puissances régionales comme l’Iran, la Turquie, le Mexique et même des puissances africaines qui se révèlent. Regardons aussi l’Arabie Saoudite qui s’éloigne de la sphère occidentale et qui va même jusqu’à renoncer en partie au « roi » dollar. L’occident n’est plus le maître du monde. En attendant, en « s’otanisant », l’Europe se tire une nouvelle balle dans le pied. Elle se vassalise en étant à la merci des diktats des néo-conservateurs américains et du complexe militaro-industriel.

L’Europe ne pourra se sauver que si elle comprend qu’elle n’est pas occidentale mais européenne.

Pierre Verhas

Source: Blog Uranopole