Israël Shamir | 9 novembre 2016

Original original publié par The Unz Review.

Quel bonheur, de s’être levés assez tôt pour suivre les dernières minutes de la course historique entre le champion des « déplorables » et la meilleure amie des banquiers, et de voir Trump en sortir vainqueur ! Merci Seigneur de m’avoir permis de voir toutes ces scènes, et qui plus est, depuis Jérusalem, où je me trouve en ce moment, au soleil. Et merci à nos amis américains, d’avoir remporté cette victoire. Vous n’avez pas eu peur quand on vous a traités de racistes ringards, vous n’avez pas flanché quand CNN a dit, encore hier, que la Clinton avait 96% de chances de gagner. Vous ne vous êtes pas rassis avec une bouteille de bière, vous êtes quand même allés voter, que Dieu vous bénisse.

Et merci aussi à ceux qui ont voté contre Trump. L’ex-président Bush a dit qu’il n’avait pas voté pour Trump, et là, je me suis senti gâté. Je suis tellement heureux à l’idée que nous ne devions rien, pas le moindre petit bulletin de vote, aux belliqueux bushistes. Ce serait très gênant de se retrouver dans le même camp que le boucher de l’Irak. John McCain a même essayé de poignarder Trump, et ne l’a pas soutenu, excellente nouvelle. Le patron du FBI a succombé aux pressions et a soutenu la Clinton au lieu de s’en tenir à la loi, bon débarras !

Dieu vous bénisse, mes collègues et éditorialistes de ces vrais grands médias américains que sont Ron Unz de Unz.com, Jeffrey St Clair de Counterpunch.org, Justin Raimondo d’Antiwar.com. En attaquant les médias officiels corrompus, vous avez sauvé la dignité et le sens de votre profession, vous avez fourni des analyses et des opinions aux travailleurs qui réfléchissent en Amérique.

Dieu te bénisse, Julian Assange de Wikileaks, depuis ta chambre sans fenêtre à l’ambassade équatorienne de Londres ! Tu as tellement fait en publiant les documents auxquels personne n’osait toucher. Sans toi, le peuple américain ne saurait rien des sales manigances de la Convention démocrate, et des complots de Podesta. Tu as étalé leurs plans secrets. Ces découvertes donneront beaucoup de grain à moudre aux médias de demain. Que le président Trump pardonne à Julian, parce que tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour nous, dans la grande bataille contre les sinistres globalistes. Et, dans la foulée, qu’il pardonne aussi à Edward Snowden et à Bradley Manning, qu’ils puissent rentrer chez eux avec les honneurs mérités.

Aujourd’hui, le monde a évité un grand danger. Nous avons scruté les abîmes de l’Armageddon, et nous en sommes écartés en vitesse. Maintenant, le monde va pouvoir régler ses nombreux problèmes. Les guerres du Moyen Orient vont bientôt prendre fin. Avec la déroute de la reine de Daech Killary, les rebelles fanatiques vont quitter Alep et regagner leurs bases dans le désert d’Arabie, ce qui permettra aux Syriens de reconstruire leur magnifique pays. Que les Saoudiens hébergent et se chargent de nourrir les gangs d’Isis, ils deviendront peut-être de bons conducteurs de chameaux. Il y a assez de place en Arabie saoudite pour tous les djihadistes, laissons-les s’y rendre et y rester.

L’amitié avec la Russie va désarmer l’autre source de danger, l’Europe de l’Est. Les va-t-en guerre de l’Otan partiront à la retraite cultiver leurs concombres. L’Estonie sera bien plus en sécurité, de fait, sans les chars US. Le monde n’a pas besoin de toutes ces armes de destruction massive ; les financements peuvent servir à autre chose, comme des soins médicaux abordables pour la moyenne des Américains. ; ou pour mettre à jour les infrastructures, comme l’a dit Trump.

La stratégie visant les minorités n’a pas marché. Les femmes, les femmes blanches d’Amérique, ont voté pour Trump, alors même qu’on leur ordonnait de marcher derrière la petite sœur de madeleine Albright. Les citoyens US d’origine mexicaine savaient qu’ils étaient utilisés par des gens qui ne se soucient nullement d’eux, et ils n’ont pas éprouvé le moindre besoin d’aller voter pour Clinton.

Et les juifs ? Je vais vous étonner : malgré beaucoup de sombres pronostics dans l’autre sens, les Israéliens ont été satisfaits de la victoire de Trump. Les citoyens US vivant en Israël ont voté pour Trump. Les juifs religieux (en Israël et aux US) ont voté pour Trump. Il y a eu une grande hystérie dans le camp progressiste juif, chez les juifs gays et ostentatoires, ou parmi les juifs financiers, mais ce n’est qu’une petite partie de la population juive, quoique teigneuse.

Naturellement, les propagandistes à gage d’Hillary prétendaient que tous les juifs soutenaient Billary, et redoutaient Trump. Mais toutes les femmes juives ne s’appellent pas Janet Yellen ; tous les hommes juifs ne s’appellent pas George Soros (qui est très impopulaire en Israël) ou Lloyd Blankfein, le directeur général de Goldman Sachs. Les juifs conservateurs et pratiquants n’aimaient pas qu’on les embringue dans les attaques contre la normalité en matière de genre, ce qui semble être le sujet favori dans le camp Clinton.

L’idée de Trump d’un mur frontalier est déjà une réussite en Israël, parce qu’il en existe déjà un, entre Israël et le Sinaï égyptien. Avant que le mur soit construit, des dizaines de milliers d’Africains inondaient Israël, à la recherche d’un emploi ; depuis que le mur a été achevé, ils ne sont plus guère qu’une centaine à avoir réussi à passer. La gauche israélienne demandait qu’on reconnaisse tous les droits aux réfugiés Érythrée et du Soudan, qui logeaient dans le voisinage des quartiers juifs pauvres. Cela aggravait encore les choses, et le mur a tout réglé d’un coup.

Bref, le « soutien de tous les juifs » était aussi mensonger que le « soutien de toutes les femmes ». On peut s’attendre à ce que les juifs se dotent de nouveaux dirigeants communautaires, pour remplacer l’ancienne direction, fortement entachée de haine envers la classe ouvrière blanche et l’église chrétienne. C’est possible, car les juifs sont très flexibles, et en général ils perçoivent très bien la différence entre ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils peuvent obtenir dans les faits.

Les Palestiniens que j’ai rencontrés ces jours-ci à Jérusalem, à Bethléem et à Ramallah ne regrettent pas du tout la chute de la maison Clinton. Ils n’ont rien obtenu des présidents démocrates. Ils obéissaient à l’Aipac, et s’empressaient d’opposer leur veto à chaque résolution pro-palestinienne. Y a-t-il une solution au conflit israélo-palestinien ? Oui, et elle s’appelle la solution à un seul Etat. Qu’Israël finisse d’absorber tous les territoires palestiniens avec leurs populations et leur donne l’égalité des droits, comme les Américains l’ont fait avec leurs minorités. La campagne pour l’égalité des droits aux US a été très populaire chez les juifs américains, ils vont certainement adorer remettre ça en Israël…

Les Russes sont abasourdis par la victoire de Trump. Certes, bien des gens la souhaitaient et priaient pour Trump, mais pratiquement tous les Russes que je connais étaient archisûrs que la Clinton gagnerait malgré les vœux du peuple. Après avoir été manipulés pendant des années, les Russes avaient perdu leur foi dans les processus démocratiques. Ils étaient certains que les banques, le Pentagone, la Cour suprême et les médias feraient passer la Clinton en force. Mes amis des médias russes pro-Kremlin ne croyaient pas qu’aux US, les gens pourraient passer outre les Maîtres du Discours. Gens de peu de foi, leur disais-je, tout peut arriver si nous le voulons. Maintenant ils ont appris que tout n’est pas « sxyacheno » (plié, concerté et décidé d’avance).

La victoire de Trump est le grand triomphe de la démocratie, le second après le Brexit. Deux fois en un an, Anglais et Américains ont fait la preuve qu’ils peuvent réaliser ce qu’ils veulent, même si les élites globalisantes des banquiers et des médias se dressent face à eux. Espérons que les élections en Europe vont suivre ce nouveau schéma de la vraie démocratie, à la place des singeries de ces dernières années. La France pourrait être la première à décrocher son Trump, sa Marine.

Si la Clinton avait gagné, il y aurait plus de wc transgenre, plus d’immigrants et plus de guerres. Rien de très réjouissant. Nous entrons maintenant dans tout un monde de nouvelles idées et de nouvelles actions d’éclat. Il y a des centaines de suggestions mûres à mettre en œuvre. Donald Trump peut s’inspirer de Kennedy, et mettre en route immédiatement un débat à l’échelle du pays sur ce qui peut être fait. Trump peut capter l’énergie des masses comme cela n’a pas été fait depuis un siècle. Et les partisans de Sanders qui ont été trahis la veille peuvent prendre une place éminente dans cette transformation.

C’est la partie la plus intéressante et la plus dangereuse qui commence maintenant, après l’élection. Le New York Times a déjà fait une proposition : “Trump peut être un bon président. Il faut juste qu’il oublie la plus grande partie de ce qu’il disait pendant la campagne”. Ce qui est bon pour le New York Times est mauvais pour ceux qui ont voté Trump et ceux qui le soutiennent. Espérons qu’il saura éviter le danger de se faire coopter par les gens qui l’ont conspué hier. Laissons-le donner forme à ses idées. Et aidons-le à nous conduire vers un monde meilleur et plus neuf.

Israël Shamir

Original original publié par The Unz Review.