L’esprit de Jacques Vergès [1925 – 2013]
L’avocat Jacques Vergès – mort le 15 août 2013 à Paris – a été l’objet de campagnes politiques et médiatiques dégradantes. Il y a eu fort heureusement des personnes qui l’ont reconnu, qui l’ont aimé et qui n’ont pas eu peur de le dire. Parmi elles le merveilleux cinéaste suisse Barbet Schroeder, qui lui a consacré un film. Nous avons eu le privilège de rencontrer Jacques Vergès. De nous entretenir longuement avec lui dans son célèbre bureau.
Jacques Vergès et Djamila Bouhired
C’est une histoire qui mêle, une fois n’est pas coutume, l’amour et la justice. Lorsque l’avocat Jacques Vergès rencontre Djamila Bouhired, il a à peine 30 ans. Djamila a été arrêtée en 1957 par la 4e compagnie du 9e Zouave. Elle est soupçonnée d’être une militante du FLN et elle est inculpée puis condamnée à mort.
«J’avais 30 ans lorsque j’arrivais à Alger et que j’ai rencontré pour la première fois Zohra Drif (militante du FLN), qui, au nom du parti, a sollicité mes services, afin de prendre en charge la défense de Djamila Bouhired qui a été capturée par l’armée française durant la bataille d’Alger» a expliqué Jacques Vergès à barbet Schroeder dans son film « L’avocat de la Terreur ».
Grâce à l’action de Jacques Vergès et à la campagne très médiatique qu’il lance avec George Arnaud, dont le manifeste « Pour Djamila Bouhired » qu’ils co-écrivent sera l’une des plus fortes expressions, Djamila n’est pas exécutée. C’est en fait davantage par voie de presse que dans le prétoire que se joue l’avenir de Djamila Bouhired. Il s’agit de convaincre l’opinion publique et Vergès y parvient parfaitement. Devant l’émotion internationale qu’a suscité la condamnation de Djamila (à l’image de la merveilleuse chanson que lui dédit la chanteuse libanaise Feirouz), les autorités françaises reculent et, finalement, en 1962, elle est graciée et libérée.
Leur rencontre fut pour le meilleur et pour le pire enchevêtrée dans l’histoire de la libération de l’Algérie.
«Si j’ai accepté ce dossier, a déclaré Vergès dans le film de Barbet Schroder, c’est parce que je comprenais la lutte algérienne, je vivais d’ailleurs dans l’obsession de cette affaire.»
Pendant la détention de Djamila, ils n’affichèrent jamais leurs sentiments l’un pour l’autre et ce n’est qu’à sa libération, en 1962, qu’ils purent réellement démarrer une relation. Ils se marièrent en 1965 mais, après 7 ans de vie commune et deux enfants, ils se séparèrent. En 1970, l’appel du large, et de l’Histoire, fut plus fort pour Jacques Vergès. Il quitta Alger et, pendant environ dix ans, il disparut pour ainsi dire de la surface du monde.
Voir également: Jacques Vergès – Face au chantage à l’antisémitisme d’un journaliste