Hugo Chavez* est un démon. Pourquoi ? Parce qu’il a alphabétisé deux millions de Vénézuéliens qui ne savaient ni lire ni écrire, bien qu’ils vécussent dans un pays qui a la richesse naturelle la plus importante du monde, qui est le pétrole.

J’ai vécu dans ce pays quelques années et j’ai très bien connu ce qu’il était. Ils la nomment la « Venezuela Saoudienne » pour le pétrole.

Il y avait deux millions d’enfants qui ne pouvaient pas aller à l’école parce qu’ils n’avaient pas de papiers d’identité. Et puis un gouvernement est arrivé, ce gouvernement diabolique, démoniaque, qui fait des choses élémentaires, comme dire « Les enfants doivent être acceptés à l’école avec ou sans papiers ». Et là, le monde s’est écroulé : c’est une preuve de ce que Chavez est un méchant méchantissime.

Puisqu’il a cette richesse, grâce au fait, qu’à cause de guerre d’Irak, le prix le pétrole est monté très haut, il veut profiter de cela à des fins solidaires.

Il veut aider les pays sud-américains, principalement Cuba. Cuba envoie des médecins, lui paie en pétrole. Mais ces médecins ont aussi été sources de scandales. On dit que les médecins vénézuéliens étaient furieux par la présence de ces intrus travaillant dans les quartiers pauvres.

A l’époque à laquelle je vivais là-bas comme correspondant de Prensa Latina, je n’ai jamais vu un médecin. Maintenant, oui, il y a des médecins. La présence des médecins cubains est une autre évidence de ce que Chavez est sur la Terre de passage, parce qu’il appartient à l’enfer.

Alors, quand on lit les nouvelles, il faut tout traduire. Le démonisme trouve cette origine, pour justifier la machine diabolique de la mort.

Eduardo Galeano |2012

Eduardo Galeano, [1940 – 2015] est un écrivain et journaliste uruguayen, célèbre pour avoir écrit « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine » que nous avons (ndlr, SC) eu la chance de connaitre à Genève. Gagnant du prix Stig Dagerman, il est considéré comme l’un des écrivains les plus remarquables de la littérature latino-américaine.

Traduit de l’espagnol par  Estelle et Carlos Debiasi

Publié par El Correo  le 11 janvier 2013

*Hugo Rafael Chávez Frías, né le 28 juillet 1954 à Sabaneta, dans les Llanos, au sud du Venezuela est mort le 5 mars 2013 à Caracas.


« Fidel », par Eduardo Galeano


par Eduardo Galeano

Extrait Du livre « Espejos. Una historia casi universal » , 2008.


Ses ennemis disent qu’il a été un roi sans couronne et qu’il confondait l’unité avec l’unanimité.

Et en cela ses ennemis ont raison.

Ses ennemis disent que si Napoléon avait eu un quotidien comme le « granmma », aucun français n’aurait appris la débâcle de Waterloo.

Et en cela ses ennemis ont raison.

Ses ennemis disent qu’il a exercé le pouvoir en parlant beaucoup et en écoutant peu, parce qu’il était plus habitué aux échos qu’aux voix.

Et en cela ses ennemis ont raison.

Mais ses ennemis ne disent pas que ce fut pas pour poser pour l’Histoire qu’il a offert la poitrail aux balles quand est survenue l’invasion, qu’il a affronté les ouragans d’égal à égal, d’ouragan à ouragan, qu’il a survécu à 637 attentats, que son énergie contagieuse a été décisive pour transformer une colonie en patrie, et que cela ne fut pas par la sorcellerie de Mandinga ni par un miracle de Dieu que cette nouvelle patrie a pu survivre à 10 présidents des États-Unis, dont le couvert était mis pour le déjeuner.

Et ses ennemis ne disent pas que Cuba est un des rares pays qui ne participe pas la coupe mondiale du paillasson.

Et voilà qu’ils ne disent pas que cette révolution, qui a grandi dans le châtiment, est ce qu’elle a pu être et non ce qu’elle a voulu être. Ni ne disent qu’en grande partie le mur entre le désir et la réalité est devenu plus haut et plus large à cause du blocus impérial, qui a noyé le développement d’une démocratie à la Cubaine, qui a obligé à la militarisation de la société et a octroyé à la bureaucratie, qui pour chaque solution a un problème, l’alibi dont elle a besoin pour se justifier et pour se perpétuer.

Et voilà qu’ils ne disent pas que malgré tous les chagrins, malgré les agressions venant de dehors et les décisions arbitraires de dedans, cette île en souffrance mais obstinément joyeuse a généré la société latino américaine la moins injuste.

Et ses ennemis ne disent pas que cet exploit fut l’œuvre du sacrifice de son peuple, mais aussi l’œuvre de la volonté têtue et de l’antique sens de l’honneur de ce caballero qui s’est toujours battu pour les perdants, comme son fameux collègue des champs de Castilla.

Extrait Du livre « Espejos. Una historia casi universal » , 2008.
[« Miroirs. Une histoire presque universelle ». Non traduit en français et c’est dommage.]

Traduction de l’espagnol par Estelle et Carlos Debiasi

Source: http://www.elcorreo.eu.org/Fidel-par-Eduardo-Galeano-2008