J’ai fait la connaissance de Bassem Naim en Avril 2006, au son du canon*.
Chirurgien de formation, Bassem Naim était ministre de la santé. Le Hamas venait de remporter les élections parlementaires et Israël bombardait Gaza. Le bruit des explosions, toutes proches du ministère de la santé, nous parvenait avec une régularité de métronome, sans perturber nos interlocuteurs. Plusieurs chirurgiens de mon équipe étaient allemands, et très vite la conversation s’est faite dans cette langue car Bassem et son directeur de cabinet avaient étudié dans ce pays.
Bassem est resté longuement ministre de la santé. Pendant la guerre de 2008-2009 il dirigeait les secours depuis l’hôpital Shifa, principal hôpital de la Bande de Gaza. Il a identifié, au milieu des cadavres, le corps de son neveu ambulancier. Sa femme est morte d’un cancer de l’estomac. L’un de ses fils, étudiant en Egypte, a longuement été torturé à l’électricité dans l’Egypte de Moubarak, ce même fils qui, au coup d’état de juillet 2013 a été expulsé hors d’Egypte par le nouveau dictateur.
Malgré ces épreuves, qui sont à peu de choses près le lot de toutes les familles palestiniennes, Bassem est toujours debout. Ses analyses politiques sont subtiles et modérées.
Bassem est donc une cible pour Israël. Sa maison a été bombardée cette nuit. Comme l’a été la maison de Nasser Eid Tatah cardiologue et directeur de l’hôpital Shifa, celle de Jamila Ashanti ancienne ministre de la condition féminine, celle de mon ami le Dr Mahmoud Zahar. Ils en ont réchappé, mais pour combien de temps ?
Une fois de plus Israël s’en prend aux politiques et aux intellectuels, et parmi eux aux plus modérés. Mais qu’on ne s’y trompe pas : la jeune génération est là : Gaza fourmille de cerveaux éminents et dignes. Contre la pensée les bombes sont inefficaces.
Christophe Oberlin – 16 juillet 2014
*Voir : Chroniques de Gaza, Edition Demi-lune