Israël s’occupe de plusieurs dossiers simultanément. Il n’interrompt pas son projet colonial lorsqu’il lance une guerre sur Gaza et peut même aggraver la situation dans un endroit pour couvrir ses actions dans un autre. C’est le cas depuis des années. C’est la façon dont la direction de la sécurité à Tel Aviv dessine sa carte favorite de la Cisjordanie occupée. Ne pas pouvoir trouver ses colons disparus sur cette carte l’a rendu furieux.

A quoi ressemble la Cisjordanie occupée après 47 ans d’occupation ? L’Etat palestinien était sur le point d’être annoncé mais les négociations ont à nouveau échoué. Les deux principaux partis politiques, le Fatah et le Hamas, ont déclaré qu’ils acceptaient, implicitement et explicitement, et approuvaient un Etat dans les frontières du 4 juin 1967.

D’un autre côté, un rapide coup d’œil à la situation montre que la demande fait partie du passé, en raison des changements majeurs et continuels de la carte de cet Etat. Tout ceci est le résultat de l’accélération du processus israélien de colonisation et des incursions répétées dans des zones censées être sous contrôle de l’autorité de Ramallah.

On a pu mesurer l’ampleur de la catastrophe avec la déclaration faite par le ministre israélien du Logement, Uri Ariel, début mai 2014. Il a dit qu’il n’y avait besoin d’aucune négociation sur un Etat palestinien. “Dans cinq ans, il y aura entre 550.000 et 600.000 juifs en Judée et Samarie [la Cisjordanie ] et non les actuels 400.000,” a-t-il précisé.

Ceci soulève une question importante : Comment a commencé l’histoire et comment en est-on arrivé à cette situation malgré le vaste soulèvement populaire ?

Les Accords d’Oslo ont découpé les terres palestiniennes en trois zones. La Zone A, composée de 18% de la Cisjordanie , est tombée sous le contrôle total de l’Autorité palestinienne, en termes de sécurité et d’administration. En Zone B, la responsabilité de l’ordre public a été accordée aux Palestiniens. La Zone C, la plus grande avec 61% des terres, est restée sous contrôle israélien total.

Les pourcentages montrent que, depuis 1994, les Palestiniens n’ont obtenu que 18% de la superficie totale de la Cisjordanie pour vivre. Cependant, de 2001 et l’Opération Bouclier défensif en 2002 jusqu’à la disparition des trois colons en juin, il est évident que les Palestiniens ne contrôlent même pas les miettes qui leur restent, au vu des incursions israéliennes dans chaque centimètre des territoires.

Un pays sans routes

La planification d’un réseau de routes reliant les colonies israéliennes a accompagné la division. Les villages et les villes palestiniens sont isolés dès qu’une de ces routes est bloquée pour les Palestiniens. Il y a par exemple une route principale reliant Bethléem à Hébron, et qui conduit à Hébron et Beersheba d’un côté, et à Bethléem et Jérusalem de l’autre. Tout bouclage de cette route isolerait Hébron de Bethléem et de Jérusalem, en plus de Ramallah et du nord.

Sur le plan économique, le réseau routier israélien contrôle la vie quotidienne et l’économie de près de 2,5 millions de Palestiniens. L’Autorité nationale palestinienne, d’autre part, manque de souveraineté et du pouvoir d’ouvrir les routes.

Même lorsque les Palestiniens sont autorisés à les utiliser, ils restent entravés par nombre d’obstacles et sont obligés de chercher des itinéraires alternatifs. Les autoroutes n’ont pas de sorties vers les zones palestiniennes. Les routes qui mènent aux villes palestiniennes sont encombrées de herses et de blocs de béton. Ceci en plus des checkpoints volants et des ordres militaires qui leur interdisent l’utilisation de certaines routes.

L’autre objectif d’une telle conception du réseau routier est la confiscation et l’annexion des ressources en eau. Les colonies reçoivent les deux-tiers de l’eau de Cisjordanie , et les projets ont pris cette donnée en considération. Même les routes destinées aux Palestiniens sont actuellement confisquées pour un usage israélien. Une seule jeep militaire bloquant l’extrémité d’une route allonge à 2 ou 3 heures un trajet de 10 à 20 minutes. 

La division des territoires selon les Accords d’Oslo, la multiplication des colonies, le mur d’apartheid et les routes pour les colons entraînent la fin du rêve palestinien d’un Etat viable. Un millier de cartes ne peuvent défaire la dislocation de la Cisjordanie par Israël en poches géographiques séparées, sous la forme de trois cantons principaux et 95 cantons secondaires créés par le mur de séparation et les zones militaires fermées.

Profondeur sécuritaire et avenir de l’Etat

Malgré les déclarations du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sur l’idée d’un retrait unilatéral de Cisjordanie , en pratique, l’occupation ne peut pas renoncer à l’annexion de blocs de colonies à son propre territoire, à savoir Maale Adumim, Gush Etzion, Ariel et Givat Zeev, en plus de Beit El et Kiryat Arba, qui forment un rempart stratégique en raison de leur proximité avec les territoires occupés en 1948.

Les déclarations de Netanyahu sur l’abandon de certaines des colonies se sont avérées n’être que destinées aux médias. Il ne parlait que des petites colonies, qui n’ont aucune valeur économique ou sécuritaire. Elles sont similaires aux quatre colonies du nord de Gaza, qui ont été évacuées lors du retrait unilatéral de la Bande en 2005.

Pendant et après le dernier round de négociations, le gouvernement israélien a présenté plusieurs plans et propositions, approuvant la construction d’environ 13.581 nouvelles unités de logement, mise en œuvre progressivement, comme d’habitude. Au début, il était question de 50 nouveaux logements construits par jour, pour atteindre 1.540 par mois. Finalement, 4.973 logements ont été planifiés en dehors des grands blocs qui contiennent 73% des unités totales en Cisjordanie et à Jérusalem.

La duplicité de la politique israélienne vis-à-vis des colonies est visible. Sur le plan théorique et public, Netanyahu a adopté la solution à deux Etats dans son célèbre discours à l’Université de Bar-Ilan, le 14 juin 2009. Cependant, il a rapidement approuvé toute démarche qui pourrait enraciner davantage l’occupation dans les territoires palestiniens occupés.

Les plans de Netanyahu ont coïncidé avec les appels réitérés par les forces de sécurité israéliennes de garder le contrôle des lieux “stratégiques” au cœur de la Cisjordanie . Ils comprennent les collines surplombant le centre d’Israël et une grande partie de la Vallée du Jourdain, qui s’étant du nord de la Mer Morte jusqu’à la ville de Beissan. Ils incorporent les blocs de colonies d’Ariel, au sud de Naplouse, au centre de la Cisjordanie , de Gush Etzion entre Bethléem et Hébron au sud, et les colonies qui encerclent Jérusalem de tous les côtés.

Les recommandations des forces de sécurité contredisent l’accord entre Israël et l’Autorité palestinienne, qui appelle à maintenir la Cisjordanie et la Bande de Gaza “comme une seule unité régionale et à ne pas chercher à les diviser.”

Essayons d’imaginer

Si le cadre états-unien est mis en œuvre, seuls 2.000 km² de la Cisjordanie seront sous contrôle des Palestiniens, tandis que 70% des blocs de colonies seront annexés par Israël et l’autonomie sera accordée à certains. De plus, l’occupation s’appropriera la Vallée du Jourdain.

Sur la base de ce qui précède, l’Etat promis devient une illusion. La Cisjordanie restera, dans la pratique, sous occupation directe. Le cadre est dans la ligne de la réalité coloniale qu’Israël a imposée depuis 1967. La construction des colonies se poursuit sans relâche. 

D’un autre côté, le plan du secrétaire d’Etat américain John Kerry indiquait clairement que les principaux blocs de colonie de Cisjordanie , habités par 80% de colons, seraient annexés à Israël. Les Etats-Unis, qui parrainent les négociations, continuent d’insister pour un contrôle israélien sécuritaire dans les zones des colonies à l’intérieur d’un futur Etat palestinien, ainsi que le réseau de routes qui les relient à Israël. L’armée israélienne aura également des bases militaires à l’intérieur des territoires de l’AP, pour protéger les colons.

Les dizaines d’avant-postes coloniaux réduiront la superficie réelle de l’Etat palestinien et maintiendront les restrictions actuelles imposées à la liberté de circulation de ses citoyens.

Jérusalem occupée ne sera pas la capitale de l’Etat promis. Des fuites récurrentes ont indiqué que le périmètre de la capitale sera fixé par le gouvernement israélien, pas par les Palestiniens. Selon la définition israélienne, ce périmètre ne comprendra pas simplement les zones occidentales occupées en 1948 ou même les zones orientales occupées en 1967, il englobera également des villes palestiniennes comme Shuafat, al-Isawiye, Abu Dis et Beit Hanina. La plus grande concession qu’Israël peut faire, c’est de nommer l’une des villes environnantes comme capitale de l’Etat palestinien.

Si Israël devait être d’accord pour que Jérusalem Est soit la capitale palestinienne, cela signifierait de déplacer les poches de colonies qui encerclent la vieille ville sur trois côtés, habitées par environ 2.000 colons israéliens. Et jusqu’à nouvel ordre, ces colonies ne sont pas en discussion.

Quant à Jérusalem même, quatre poches de colons contrôlent le vieux secteur commercial de la ville. Ceci a eu lieu dans le cadre du protocole d’Hébron de 1997, qui stipulait la division d’Hébron en deux secteurs, H1 et H2. Le second secteur abrite 30.000 Palestiniens et 500 colons dans 4 colonies. Mais cette ville est une autre histoire.

Par Ola al-Tamimi – Al Akhbar – 3 juillet 2014

Traduction de l’anglais MR pour ISM

Source : ISM France