Audition du Général de division (r) Vincent Desportes, professeur associé à Sciences Po Paris, [17 décembre 2014] en vue du débat en séance publique sur la prolongation de l’opération Chammal en Irak, en application de l’article 35 de la Constitution.
Général de division (r) Vincent Desportes:
Avant de revenir vers les critères d’évaluation des opérations extérieures, je crois qu’il faut dire, affirmer et répéter sans faiblesse : « Daech delenda est ». Ayons la force de Caton l’Ancien.
Daech est aujourd’hui le danger majeur. Nous n’avons certes pas les moyens de tout, en même temps. Les menaces doivent être priorisées, quitte à consentir quelques compromis avec les moins brûlantes : dans le monde réel, dans un contexte de ressources et de moyens limités, notre politique ne peut être que réaliste.
« Daech delenda est » … mais nous ne pourrons répandre le sel sur le sol de l’Irak et de la Syrie. Il faudra au contraire le rendre fertile pour de nouvelles semences.
« Daech delenda est » … et pourtant votre interrogation demeure fondamentale : personne ne doute ici qu’il faille détruire Daech, mais devons-nous participer nous-mêmes à cette destruction ?
Un mot sur Daech, d’abord.
Ne doutons pas de la réalité de la menace directe pour nos intérêts vitaux, dont notre territoire et notre population. Daech est le premier mouvement terroriste à contrôler un aussi vaste territoire (35% du territoire irakien, 20% du territoire syrien). Ce qui représente 200 000 km² (soit l’équivalent de l’Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes réunis) et une population de l’ordre de 10 millions de personnes. Ce territoire est imparfaitement mais réellement « administré » par un « ordre islamique », fait de barbarie et de rackets. Daech dispose d’un véritable « trésor de guerre » (2 milliards de dollars selon la CIA), de revenus massifs et autonomes, sans comparaison avec ceux dont disposait Al-Qaïda. Daech dispose d’équipements militaires nombreux, rustiques mais aussi lourds et sophistiqués. Plus que d’une mouvance terroriste, nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des militaires professionnels.
Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les Etats-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les Etats-Unis. Ce mouvement, à la très forte capacité d’attraction et de diffusion de violence, est en expansion. Il est puissant, même s’il est marqué de profondes vulnérabilités. Il est puissant mais il sera détruit. C’est sûr. Il n’a pas d’autre vocation que de disparaître.
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