L’assassinat, le 27 novembre 2020, de Mohsen Farizadeh, principal scientifique nucléaire iranien n’est vraisemblablement que le dernier des innombrables assassinats commis ou commandités par le Mossad contre les ennemis désignés par Israël.

Dans l’article du 3 février 2020, intitulé « Le retour des assassins », que nous reproduisons ci-dessous, Israël Shamir revenait sur les pratiques glaçantes des agents du Mossad. [ASI]

Par Israël Shamir

Paru le 3 février 2020 sur The Unz Review sous le titre The Assassins Are Back

Ron Unz, notre intrépide perturbateur du dogme établi, vient de publier un long essai où il fait le lien entre plusieurs de ses textes précédents sous l’intitulé Mossad Assassinations [Les Assassinats du Mossad]. J’aime son style naturel, l’absence de pathos et de dramatisation, dans ce qu’il écrit. Quand on le lit, on a l’impression de bavarder avec un agréable voisin, qui gagne à être connu. Dans un biopic, c’est Henry Fonda qui devrait jouer le rôle. Pour moi, la longueur de ses essais ne constitue pas un défaut mais un avantage, et j’en fais tout de suite un résumé. Il s’agit de le suivre dans sa lecture du gros volume de Ronen Bergman Rise and Kill First (750 p.), l’ouvrage qui vient de paraître sur les assassinats par le Mossad, à partir d’une enquête serrée [en français, Grasset: Lève-toi et tue le premier]

Unz a fait le tri dans cette montagne, et il est resté sur sa faim, pour une excellente raison: Bergman a volontairement soumis son étude des assassinats commis par le Mossad à la… censure du Mossad. Une telle prudence a épargné à Bergman la fureur du Kidon, comme on appelle l’unité des assassinats du Mossad, mais cela a rendu l’énorme pavé bien moins utile. Un livre sur des assassins, corrigé par un comité d’assassins, est un exercice d’hagiographie, mais non une évaluation historico-critique. Unz s’en est allé fouiller dans les lacunes du livre de Bergman, les sombres histoires où l’on n’a pas entendu aboyer les chiens, et, tel un glosateur médiéval, il a ajouté sa compréhension inestimable à un texte qui sans lui resterait fort obscur (peut-être à dessein).

Pourquoi devrions-nous nous intéresser au sujet, au fait? Unz donne une réponse aussi courte que tranchante. Le Mossad a assassiné plus de gens que tous les services spéciaux des autres pays (plus que le sinistre KGB, la CIA déchaînée et le MI6 de James Bond) tous ensemble. « Le comptage de cadavres (par le Mossad) est supérieur au total de celui des autres grands pays du monde. Je pense que toutes les révélations scabreuses sur la CIA létale ou les complots du KGB pendant la Guerre froide que j’ai vues commentées dans les récits des journaux  ne feraient guère qu’un chapitre ou deux dans le livre interminable de Bergman« , écrit Ron Unz.

Ce genre de faits s’était déjà produit par le passé, il y avait les Assassins d’Alamut qui jadis contrôlèrent le Moyen Orient. Les Assassins tiraient leur pouvoir de leur habileté et de leur disponibilité pour aller assassiner les chefs des Croisés comme les Sarrazins, ne laissant en vie que les gouvernants faibles et passifs qui obéiraient à leur commandement. En menaçant (et en tuant à l’occasion) les leaders européens et américains, ces nouveaux Assassins, nous ont ouvert la porte sur le monde des politiciens frileux et corrompus, qui bavent d’amour pour eux au lieu de se soucier de leurs électeurs.

Et voici qui tout aussi important: si les USA régis par les WASP avaient globalement évité d’assassiner leurs opposants, avec l’ascendant juif, les tactiques du petit Etat d’Israël ont fini par être adoptées par le plus grand Etat, les USA. L’administration Bush avait mené à bien 47 de ces assassinats-sous-un-autre-nom, tandis que son successeur Barack Obama, lui, en faisait abattre 542 de son propre chef, lui, l’éminent constitutionnaliste et prix Nobel de la Paix, tandis que Donald Trump a battu tous les records avec l’assassinat du général iranien. C’est pour cette raison que cette étude sur les assassinats du Mossad est à lire d’urgence, et que nous devrions suivre Unz dans sa lecture critique de Bergman.

Il n’y a pratiquement pas de nouvelle révélation dans le livre de Bergman, première révélation de Ron Unz. Toutes ces histoires, tous ces détails, mais pas un seul grand cas qui n’ait été déjà connu. Les objectifs suspectés restent cachés et non mentionnés. Il aurait pu évoquer le meurtre (ou soupçonné tel) d’Arafat, exécuté à l’aide du même isotope rare qui a tué le déserteur russe du KGB Litvinenko (un meurtre qui a été imputé aux Russes, alors qu’ils rejetaient avec insistance l’accusation), et un officier de l’Armée de l’air brésilien qui avait été assassiné de la même façon par le Mossad pour empêcher le Brésil de devenir une nation nucléarisée. Il semblerait que l’empoisonnement radioactif soit une marque de fabrique du Mossad. « Bergman se borne à rapporter les démentis israéliens catégoriques, puis il souligne que même s’il savait la vérité, il ne pourrait pas la publier dans la mesure où son livre a été entièrement rédigé dans le cadre du strict visa de censure israélien. »

Bergman fait de son mieux pour effacer le livre glaçant de Victor Ostrovky By Way of Deception, livre d’un déserteur du Mossad qui a miraculeusement évité le Kidon pour nous raconter ces coups mémorables. Le livre est à peine mentionné une fois dans une note en bas de page, tandis que son second livre, encore plus effrayant, n’est pas mentionné du tout, quoique ses révélations reçoivent un certain espace chez le prudent Mr Bergman. Tandis qu’Ostrovsky explique certains des succès du Mossad par son emploi prolifique de sayanim, c’est-à-dire de juifs locaux prêts à offrir toute aide éventuelle, qu’il s’agisse d’un toit sûr, d’une voiture, d’un prêt, d’un transfert, le terme sayan ne figure même pas dans l’index du livre de Bergman.

Il ne mentionne pas l’assassinat très sophistiqué du président pakistanais, le général Zia ul-Hak, qui fut tué par l’injection d’un gaz létal dans la cabine d’un avion de ligne, ce qui provoqua le crash de l’avion, alors que cette technique pourrait éclaircir le mystère dans le cas de nombreuses catastrophes aériennes. Le général Zia avait créé la bombe nucléaire musulmane, chose qu’Israël voulait arrêter à tout prix.

Bergman ne parle pas du meurtre d’hommes politiques israéliens et palestiniens qu’ils considéraient trop « mous » et favorables à la paix. Aucun feu rouge ne les avait arrêtés, les tueurs. Ils sont fortement soupçonnés d’avoir abattu Yitzhak Rabin, le premier ministre israélien relativement intéressé par la paix; ils n’hésitèrent même pas à tuer le dirigeant désigné du Mossad, le héros de guerre Yekutiel Adam, général et chef d’état-major adjoint, parce qu’ils considéraient qu’il ne tolèrerait pas leurs massacres gratuits. Ostrovsky parle de meurtre déguisé en suicide dans le cas du magnat de la presse britannique Robert Maxwell, que Bergman ne mentionne même pas. Il avait, après bien des années passées à servir le Mossad, eu la témérité de leur demander un prêt.

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