Par David Cronin
Paru le 11 mai 2021 sur The Electronic intifada sous le titre Butchers of Gaza viewed as partners by EU
Malgré toutes leurs tentatives de paraître objectifs, les diplomates de l’Union européenne ne sont pas des observateurs neutres, en Palestine. La majeure partie de ce qu’ils racontent tend à légitimer un mensonge.
De façon typique, les diplomates ont présenté une image faussée, au moment où la police israélienne a fait irruption dans la mosquée Al-Aqsa lundi matin. Plutôt que de condamner la brutalité d’Israël, l’UE a préféré faire allusion aux « affrontements en cours ».
Quelque 400 Palestiniens ont été blessés, quand ils ont été attaqués à coups de grenades assourdissantes et de balles d’acier enrobées de caoutchouc. Et l’UE d’insinuer qu’ils ne l’ont pas volé.
Les déclarations conventionnelles des diplomates ne disent pas le fin fond de l’histoire sur la façon dont l’UE prend le parti d’Israël.
La force de police qui est montée à l’assaut de la mosquée Al-Aqsa cette semaine est placée sous le contrôle du ministère israélien de la « sécurité publique ». Ce ministère a reçu directement plus de 2 millions de USD de donations scientifiques depuis 2014.
L’importance de ces donations va bien au-delà des sommes impliquées.
L’UE s’enorgueillit de gérer des programmes de recherche de renom mondial. En impliquant le ministère israélien de la « sécurité publique » dans ces programmes, l’UE confère de la respectabilité à un pilier incontournable du système d’apartheid israélien.
Un département du gouvernement activement impliqué dans l’expulsion des Palestiniens de Jérusalem a été traité comme un acteur important dans les activités financées par l’UE. Ces activités ont également été décrites comme nécessaires dans la lutte contre la criminalité internationale.
Un pion
Au nombre des pires diplomates figure Emanuele Giaufret, l’envoyé de l’UE à Tel-Aviv. Il veut être utilisé comme un pion dans les exercices de propagande d’Israël.
La semaine dernière, il a posé pour les photographes en compagnie de Ghasan Alyan, de l’armée israélienne.
Alyan est littéralement le chef de l’occupation infligée aux Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.
Tout récemment encore, Alyan dirigeait un organe à l’appellation trompeuse – l’Administration civile israélienne. Le mois dernier, il était désigné à la tête d’un autre organe du même genre – la Coordination des activités gouvernementales dans les territoires (la COGAT).
La rencontre entre Giaufret et Alyan portait sur la coopération potentielle en vue de promouvoir « la stabilité et la prospérité », suggérait un bref rapport.
Si Alyan est vraiment engagé en faveur de la stabilité et de la prospérité, il le montre de très curieuse façon.
Une partie de son travail ces quelques dernières années a consisté à faire en sorte que les ordonnances de démolition soient bien mises en application en Cisjordanie.
En 2020, s’adressant à des membres de la Knesset, le Parlement israélien, il s’était bel et bien vanté de ce qu’il mettait tout en œuvre pour compliquer l’aide internationale au profit des Palestiniens.
Vu qu’Israël détruit une si importante partie de cette aide, les donateurs ont réduit le nombre de projets qu’ils financent en Cisjordanie.
Les donateurs ont été prévenus : « Nous ne tolérerons aucun projet » non approuvé par Israël, a déclaré Alyan.
L’UE aurait dû interpréter cela comme une insulte calculée. Il s’agissait là d’un général qui tirait son plaisir de tous les dégâts infligés par ses troupes aux projets d’aide financés par les contribuables européens.
En dehors d’une évaluation des destructions et de la rédaction d’une lettre de temps à autre, les gouvernements et institutions de l’UE n’ont jamais entrepris la moindre action. Personne, parmi ces gens, n’a jamais intenté un procès à Israël.
Une prédilection pour la violence
Ghasan Alyan est aujourd’hui le principal moteur du blocus imposé à Gaza. Il est plus que probable, toutefois, qu’il ne se décrira pas en ces termes.
En lieu et place, nous pouvons attendre de lui qu’il entretienne la fiction selon laquelle la COGAT abonde en bienfaiteurs. Les pages des médias sociaux de la COGAT insistent régulièrement sur le fait que l’institution permet à des produits essentiels d’être acheminés vers Gaza.
Permettre à un peuple assiégé de manger quelques miettes est censé représenter un grand geste humanitaire.
Alyan n’était guère prodigue de gestes humanitaires quand il commandait la brigade Golani, une division d’élite de l’armée israélienne.
C’est en tant que tel qu’il participa à l’énorme offensive israélienne contre Gaza au cours de l’été 2014.
Alyan fut chargé de « nettoyer » Shujaiya, un quartier de la ville de Gaza, affirme le journal français Libération.
« Nettoyer » est un euphémisme bizarre pour désigner une boucherie délibérée. Quelque 55 civils, dont 19 enfants, furent tués dans le massacre de Shujaiya au cours de deux journées de ce mois de juillet.
Lors d’un incident particulièrement sordide qui suivit directement le massacre, un jeune homme, Salem Shamaly, fut tué de sang-froid par un sniper israélien, alors qu’il cherchait des survivants parmi les membres de sa famille ensevelis dans les ruines de leur maison.
Du fait qu’il avait été blessé, Alyan fut salué comme un héros pour son rôle dans le nettoyage complet d’al-Shujaiyeh. Le site internet de l’armée israélienne a dit de lui qu’il était une « personnalité parfaite ».
Alyan fut évacué de Gaza pour recevoir des soins en juillet 2014. Il revint promptement sur les lieux parce que, selon ses propres termes, il voulait que son bataillon « détruise le plus de terroristes possible ».
Une armée d’invasion qui massacre des enfants ne peut être prise au sérieux lorsqu’elle qualifie de terrorisme la résistance qu’elle rencontre.
À leur grande honte, les diplomates de l’UE prennent Israël au sérieux.
Une fois de plus, cette semaine, Gaza subit une agression. Une fois de plus, des enfants palestiniens se font tuer par Israël.
Et, une fois de plus, Emanuele Giaufret, de l’UE, décrit les Palestiniens comme les agresseurs et Israël comme la victime.
Quand on lui a demandé un commentaire, Peter Stano, le porte-parole de la politique étrangère de l’UE, a répondu que cela faisait partie du « boulot quotidien » de Giaufret d’avoir des rencontres avec « toute une série de partenaires ».
Remarquez le choix des termes. Les diplomates de l’UE considèrent les criminels de guerre israéliens comme leurs partenaires.
Publié le 11 mai 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction Jean-Marie Flémal