
Les Palestiniens retournent à Jabalia au moment du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, dans le nord de Gaza, le 19 janvier 2025. (Omar El Qataa)
Le journaliste Robert Inlakesh analyse les tactiques de guerre « lâches » d’Israël contre Gaza, en mettant l’accent sur ses stratégies génocidaires visant les civils plutôt que de combattre véritablement les groupes de résistants
Voici pourquoi Israël a échoué
Contrairement à ce qui a été communiqué au public occidental, les militaires israéliens n’ont jamais mené de guerre dirigée contre le Hamas, ils ont au contraire poursuivi leur génocide, et utilisé des stratégies lâches afin de minimiser les pertes en soldats.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les Israéliens n’ont jamais diffusé d’images de combats réels montrant leurs soldats engagés dans des batailles avec des combattants palestiniens ? L’une des explications pourrait être que la bande de Gaza n’a jamais été le théâtre de combats, ce qui est pourtant contredit par le flux quasi quotidien de vidéos, produites par une douzaine de groupes de Résistance, qui présentent des attaques contre l’armée d’invasion.
En analysant les vidéos publiées par les groupes armés palestiniens tels que les Brigades al-Quds, les Brigades al-Qassam, les Brigades des Martyrs d’al-Aqsa, les Brigades Abu Ali Mustafa, les Brigades Mujahideen, les Brigades Salah al-Din et d’autres, nous pouvons en déduire qu’il y a eu trois grandes catégories d’attaques : les embuscades, les opérations de snipers et les frappes au mortier et à l’artillerie.
D’après les communiqués et la documentation vidéo publiés par les groupes à Gaza, le type d’attaques le plus fréquent concerne les opérations au mortier et à l’artillerie, qui ont eu lieu tous les jours. Plus de 10 000 roquettes ont également été utilisées, mais au fur et à mesure que la guerre se déroulait, on a vu que la plupart des roquettes tirées étaient de courte portée. Bien que ce type d’attaques utilise des armes assez imprécises, elles ont été constantes pendant 15 mois.
Ensuite, nous avons le flux constant de vidéos tout au long de la guerre, qui présentent des embuscades, qui pourraient également être séparées en deux sous-catégories principales : les embuscades contre des convois et les positions stationnaires de l’armée israélienne.
La première catégorie, celle des embuscades contre les convois, inclut l’utilisation de la désormais célèbre grenade propulsée par fusée (RPG) Yassin-105 contre chars, bulldozers, jeeps et véhicules blindés de transport de troupes (APC). Des systèmes antichars guidés et des drones ont également été utilisés à l’occasion contre des véhicules militaires, mais il semble qu’ils aient été beaucoup moins nombreux.
Le porte-parole des Brigades al-Qassam, Abu Obeida, a annoncé dans son allocution sur le cessez-le-feu que plus de 2 000 chars israéliens ont été endommagés ou détruits par les combattants du groupe. Bien que les Israéliens n’aient pas admis ce chiffre, les rapports publiés dans les médias israéliens suggèrent que les chars se font rares. En fait, plusieurs officiers supérieurs de l’armée israélienne ont réclamé le déploiement de chars en Cisjordanie après avoir constaté que les groupes de la Résistance y disposent d’explosifs lourds, mais ces demandes ont été rejetées en raison des besoins à Gaza ou au Liban.
Une autre tactique s’est avérée plus efficace pour neutraliser les chars israéliens plus tard dans la guerre : les engins explosifs improvisés (EEI), stratégiquement placés sur les routes où passaient les convois militaires. Des groupes comme les Brigades al-Quds du Jihad islamique palestinien (PIJ) et les Brigades al-Qassam du Hamas ont même réutilisé de nombreux engins non explosés, y compris les fameuses bombes de 2 000 livres, pour les utiliser contre les convois militaires israéliens.
Ensuite, des attaques ont été menées contre l’armée israélienne entrant dans des zones pour y établir des positions, ou qui utilisaient déjà un site comme base militaire temporaire, ou centre de commandement. Ces embuscades ont nécessité des engins explosifs improvisés placés à l’avance dans une zone, mais aussi d’autres types d’armes. Par exemple, les attaques de snipers ont eu lieu tout au long de la guerre, et on peut voir sur les vidéos de nombreuses attaques de ce type, certaines montrant des tirs à la tête et des balles perforantes qui touchent deux soldats d’un seul tir.
Les variantes des ogives RPG utilisées étaient également différentes, lorsqu’elles étaient en nombre suffisant, pour ce type d’assauts qui visaient souvent des rassemblements de soldats ou des personnes retranchées à l’intérieur de bâtiments. Un obus RPG thermo-barique apparaît fréquemment dans les vidéos publiées de ces opérations d’embuscade. Nous avons également constaté l’utilisation d’armes automatiques et semi-automatiques lors de ces affrontements. Il y a également eu des attaques au couteau et l’utilisation occasionnelle de kamikazes.
L’armée israélienne a admis avoir enregistré une moyenne de 1 000 blessés par mois au cours de la guerre, ce qui semble pourtant contredire les annonces antérieures sur le nombre total de blessures répertorié. Ces chiffres ont évolué tout au long du conflit et ne semblent pas fiables, notamment en raison de la censure militaire de Tel-Aviv sur la question. Quoi qu’il en soit, si l’on en juge par le nombre total de soldats israéliens tués, qui s’élève à environ 800, le ratio entre le nombre de blessés et le nombre de morts fait douter.
Jusqu’à présent, les groupes armés palestiniens n’ont pas fourni leurs propres estimations du nombre de soldats israéliens tués par leurs soins. Il est donc difficile d’avancer des chiffres, mais si l’on se base sur les statistiques de 1 000 blessés par mois à Gaza, cela équivaudrait à 33 soldats israéliens blessés chaque jour. Si l’on considère que la plupart du temps, l’armée d’occupation ne lançait d’invasions massives que dans deux ou trois zones à la fois, cela témoigne d’une résistance importante.
Cependant, à l’exception de quelques exemples où les combattants de la Résistance palestinienne ont choisi d’essayer de tenir certaines zones, ou de retarder l’entrée d’Israël dans un quartier spécifique – comme ce qui s’est produit lors de la deuxième grande invasion du camp de réfugiés de Jabalia en mai 2024 – l’opposition à l’armée d’invasion a été presque entièrement constituée d’attaques surprises et de frappes d’artillerie.
Les combats palestiniens sont logiques pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est évident que même si l’armée israélienne avait cherché à combattre directement les groupes palestiniens et à engager des combats, la capacité à tenir tête à une armée d’invasion soutenue par la plus grande superpuissance militaire du monde aurait été difficile à mettre en œuvre. Par conséquent, l’idée de pouvoir fonctionner de la même manière que le Hezbollah, en freinant la progression de l’armée israélienne, aurait été pour les Palestiniens une stratégie suicidaire.
Même si la Résistance palestinienne avait réussi à se maintenir temporairement, la perte massive de combattants aurait été un désastre. Ce constat nous amène à la deuxième raison justifiant ces actions, à savoir l’absence de toute source de ravitaillement à Gaza. Les groupes palestiniens ont été contraints d’utiliser des armes essentiellement fabriquées à l’intérieur de la bande de Gaza, et ont donc dû soigneusement ménager les munitions disponibles. Leur force a résidé dans l’utilisation du réseau complexe de tunnels que les Israéliens n’ont tout simplement pas voulu emprunter à pied, dans la plupart des cas.
Tel-Aviv et Washington n’ont toujours aucune idée de l’étendue du réseau de tunnels sous Gaza, et se contentent d’estimations approximatives. À quelques exceptions, les Israéliens n’ont jamais pris la peine de pénétrer dans les tunnels et, lorsqu’ils l’ont fait, ils ont eu recours à des otages palestiniens pour les précéder, ou à des chiens d’attaque. La grande majorité des tunnels découverts étaient déjà abandonnés, bombardés et inutilisables, ou les accès étaient simplement condamnés à l’aide de charges explosives. Les tentatives d’inonder les tunnels avec de l’eau de mer et du gaz ont toutes deux échoué.
Non seulement les Israéliens eux-mêmes admettent que la plupart des tunnels n’ont pas été détruits, mais même dans les zones où l’armée d’invasion a été stationnée pendant plus d’un an et a détruit toutes les structures en vue, des roquettes longue portée ont été tirées. En décembre, les Brigades Qassam ont même tiré des roquettes M75 sur les colonies israéliennes d’Al-Qods occupée depuis Beit Hanoun, dans le nord de Gaza. Fait révélateur, les premiers prisonniers israéliens ont également été libérés par l’unité d’élite des Brigades Qassam depuis le nord de Gaza, ce qui a surpris aussi bien les Palestiniens que les Israéliens.
En réalité, si les Israéliens n’ont pas vaincu les factions de la Résistance palestinienne, c’est parce qu’ils n’étaient pas là pour les combattre. La cible principale de chacune de leurs invasions, dans l’ensemble de la bande de Gaza, a toujours été les infrastructures civiles. Chaque invasion s’est terminée par la prise de contrôle d’un hôpital comme Al-Shifa, Kamal Adwan ou le complexe médical Nasser, entre autres. Ils ont rassemblé des civils retenus en otage dans leurs maisons, ou des déplacés vivant dans des écoles, des hôpitaux ou des complexes de l’ONU.

(Omar El Qataa)Des Palestiniens retournent à Jabalia pendant le cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, dans le nord de la bande de Gaza, le 19 janvier 2025. (Omar El Qataa)
Les frappes aériennes israéliennes ont été menées sans discernement et, s’il y a eu quelques opérations plus ciblées, il s’agissait d’anomalies. Il suffit de regarder des images de drone ou de satellite de la bande de Gaza pour s’en convaincre au-delà de tout doute raisonnable. La grande majorité des soldats déployés à Gaza n’a jamais vu un seul combattant palestinien, et ce même lors des tirs. Ils étaient là pour vandaliser et détruire des bâtiments, tout en tirant sans discernement sur les cibles de leur choix. Ils se sont comportés de manière incontrôlée, tels une horde de pillards mongols du XIIIe siècle, sans avoir eu à se battre contre une armée moderne.
Il est clair, d’après le langage employé par chaque Israélien, de son Premier ministre Benjamin Netanyahu aux soldats qui ont diffusé des vidéos TikTok d’eux-mêmes, faisant exploser des bâtiments et portant des sous-vêtements féminins de femmes palestiniennes, qu’ils étaient en train de commettre un génocide contre ceux qu’ils appellent les “Amalécites”. Leur véritable objectif n’était pas de remporter une victoire militaire sur le Hamas, ce que nous pouvons prouver par l’absence de plans clairs à tous les stades de la guerre, il ne s’agissait que de massacres et de destructions incontrôlés. Ils ont cherché à pulvériser et à terroriser, en se servant de la propagande pour justifier leur action à leurs propres yeux.
Le monde entier s’est laissé convaincre que la guerre était spécifiquement destinée à détruire le Hamas, ce qui n’a jamais été le cas : ils ont cherché à détruire la population de Gaza et ses moyens de subsistance. Ils n’ont pas envahi la région pour combattre les groupes de résistance palestiniens, et c’est pourquoi il n’y a pratiquement pas d’images le documentant, et même les quelques rares images de combat diffusées finissent par faire passer les combattants palestiniens qu’ils ont tués pour les héros de films d’action.
Maintenant que le cessez-le-feu se maintient, la société israélienne semble déconcertée, croyant que l’assaut meurtrier de leur gouvernement sur Gaza allait écraser le Hamas et leur rendre leurs otages par la force. Or, ils ont vu des combattants et des policiers palestiniens se déployer rapidement dans tout Gaza, avec des armes, des véhicules et des tenues militaires/de sécurité, apparemment indemnes. Pourtant, pour ceux qui ont suivi le conflit de près, ce déploiement est tout à fait logique, et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles les dirigeants israéliens ont redouté un cessez-le-feu.
Les Israéliens ont utilisé une stratégie de lâcheté maximale afin de minimiser à tout prix les pertes de leurs propres combattants. Par exemple, selon la doctrine contre-insurrectionnelle des États-Unis et d’Israël, les chars doivent traditionnellement suivre les unités d’infanterie dans les zones de guerre urbaine, ou tout au moins, des soldats sur le terrain devraient accompagner les chars, ce qui n’a pas été le cas à Gaza. Les soldats israéliens se sont cachés à l’intérieur de leurs chars et véhicules lourdement blindés, comptant sur leurs blindages et leurs systèmes de protection active (APS) pour les protéger.
Malgré notre incapacité à estimer avec précision les pertes militaires israéliennes, le ratio morts/blessés est bien supérieur à celui d’autres contextes de guerre urbaine similaires. Et pour cause, car les Israéliens se sont cachés la plupart du temps dans des zones fortifiées ou à l’intérieur de véhicules très bien protégés. En réalité, même si un char est touché, cela ne signifie pas nécessairement que des soldats ont été tués au cours de l’attaque.
La plupart du temps, lorsque les soldats entrent dans de nouvelles zones ou de nouveaux bâtiments, ils envoient d’abord un drone ou un robot pour inspecter les lieux, avant que les soldats ne prennent d’assaut la zone. Cependant, cela ne fonctionne pas toujours, et il peut arriver que des embuscades soient tendues après une erreur de localisation d’explosifs ou de tunnels. La plupart des tâches accomplies par les soldats n’ont pas nécessité beaucoup de courage ou de techniques de combat. Ils ont également fait preuve d’une grande désinvolture, comme en témoignent les vidéos qui, au cours des 15 mois qu’a duré la guerre, ont montré à plusieurs reprises des soldats nonchalamment accoudés à des fenêtres ouvertes. Un Israélien a même été filmé en train de fumer un bang avant d’être touché par une ogive thermo-barique.
Tel-Aviv a cherché à ne pas sacrifier ses soldats comme cela aurait été le cas s’ils avaient réellement mené une guerre contre le Hamas. Ils ont donc choisi la voie de la lâcheté, et la population qui a gobé tous les mensonges qu’on lui a vendus est aujourd’hui choquée que les tactiques employées se soient avérées inefficaces pour atteindre les objectifs de guerre publiquement déclarés. Malgré tous les avantages militaires possibles, la destruction ou le saccage de presque tous les bâtiments de Gaza ainsi que le massacre de la population dans des conditions constituant peut-être la pire atrocité depuis la Seconde Guerre mondiale, les Israéliens n’ont même pas réussi à sortir de Gaza en affichant un semblant de victoire.
La lâcheté totale du régime génocidaire contraste avec l’étonnante détermination de l’ensemble de la population de Gaza. Les Israéliens n’ont pas mené de guerre contre le Hamas ou l’un des autres groupes de la Résistance palestinienne. On notera au passage qu’ils ne produisent même pas de statistiques sur le nombre de combattants supposés abattus appartenant à un groupe spécifique autre que le Hamas, à l’exception de la mention occasionnelle du JIP dans le bilan des morts du Hamas. Les groupes de Résistance palestiniens se sont battus, en se servant des moyens limités dont ils disposaient, contre une armée israélienne qui commettait un génocide, voilà ce qui s’est réellement passé.
Robert Inlakesh, le 28 janvier 2025
Article original en anglais publié sur Al Mayadeen.net