Dans le palpitant film d’action turc La Vallée des Loups, un médecin juif américain en poste à la prison d’Abu Ghraïb (en Irak, ndt) prélève délicatement un rein sur un prisonnier arabe vivant et souffrant, après quoi il dépose précautionneusement ce rein dans un récipient spécial portant l’étiquette : « To Tel Aviv », renforçant, ce faisant, le lien d’amitié éternelle entre Israël et l’Amérique. La vie réelle imite parfois le cinéma, comme nous l’apprend l’effroyable histoire de ces jeunes palestiniens descendus comme des lapins, afin de récupérer leurs organes internes, par l’armée la plus éthique qui soit au monde, j’ai nommé celle d’Israël, comme l’a rapporté un quotidien suédois à grand tirage.
Donald Boström, un photoreporter suédois, qui a travaillé en Cisjordanie en 1992, avait reçu de responsables de l’Onu le tuyau de suivre les traces sanglantes laissées par des soldats israéliens qui avaient kidnappé de jeunes Palestiniens et qui avaient rendu leurs corps sans vie à leurs proches, cinq jours plus tard, « avec une entaille du bas de l’abdomen jusqu’au menton ». Les familles de Cisjordanie et de la bande de Gaza avaient la quasi-certitude de savoir ce qu’il s’était passé : « Nos fils ont été utilisés comme des donneurs d’organes involontaires ; ils ont disparu pendant un certain nombre de jours pour ne nous être rendus qu’au plus profond de la nuit, morts et autopsiés. Pourquoi ont-ils gardé leurs corps cinq jours durant, avant de nous laisser les enterrer ? Qu’est-il arrivé à leur dépouille, pendant ce temps-là ? Pourquoi pratiquent-ils des autopsies, contre notre volonté, alors que la cause de la mort est par trop évidente ? Pourquoi nous rendent-ils les corps nuitamment ? Pourquoi cela a-t-il été fait sous garde militaire ? Pourquoi la zone était-elle militairement interdite, durant l’enterrement ? Pourquoi avaient-ils coupé l’électricité ?
Ces interrogations ont continué à hanter Boström. Il a pris des photos gore des cadavres restitués. Comme Vanunu, il a pu faire sortir ses films d’Israël clandestinement. De retour en Suède, il a proposé son reportage à Dagens Nyheter , un journal progressiste qui, mentionnons-le au passage, est la propriété des Bonnier, une famille juive. Ce DN a refusé de le publier. L’histoire avait donc été remisée dans une armoire, jusqu’au jour, tout récemment, où le quotidien suédois social-démocrate Aftonbladet a décidé de le balancer.
En Israël, la réaction est hystérique : le pays encourt le grave danger de se faire sauter les boyaux, de rage. Une pression énorme a été exercée sur les autorités suédoises afin qu’elles condamnent le journal, qu’elles châtient l’auteur impudent et qu’elles implorent le pardon à genoux. L’ambassadrice de Suède à Tel Aviv, membre de la riche et influente famille juive des Bonnier, déjà mentionnée, qui se trouve, je le mentionne en passant, posséder la majorité des journaux, des chaînes de télévision et des cinémas de la Suède, a exprimé son « état de choc » et sa « désapprobation » sur un site ouèbe. Mais son obtempération au diktat de Tel Aviv a fait long-feu : le gouvernement suédois a, en effet, rejeté son interférence avec la liberté de la presse ; les éditeurs d’ Aftonbladet ont insisté sur leur droit de dire ce que bon leur semble et ils en ont appelé à une enquête internationale.
Mais cette attitude altière des Suédois a duré, tout au plus, un jour ou deux. Carl Bildt, le ministre suédois des Affaires étrangères, a été rétamé par l’intention israélienne d’annuler sa visite prévue en Israël ; de plus, il avait déjà écrit, sur son blogue, que « des articles tels celui-ci risquent de provoquer de l’antisémitisme, or, l’incitation à l’antisémitisme tombe sous le coup de la loi suédoise ». Toutefois, étant donné qu’il ne s’est pas suffisamment humilié au goût de Netanyahu et de Lieberman, la rage et l’hystérie n’ont fait que croître encore davantage, à Tel Aviv.
Il est incontestablement plus facile d’exprimer son « indignation à propos d’un vieux ragot » que de répondre aux questions que pose Boström. Les faits sont dérangeants, et les accusations ne sont pas nouvelles. Ces choses ont fait l’objet de bien trop de rapports, en plus des cas mentionnés par Aftonbladet. Les députés à la Knesset Ahmed Tibi et Hashem Mahmid ont accusé l’institut médico-légal d’Abu Kabir d’avoir exproprié les organes internes de cadavres de Palestiniens. Ils ont dit que des médecins palestiniens ont porté plainte après avoir reçu les corps de leurs concitoyens vidés de leurs viscères. Les quotidiens israéliens ont rapporté qu’en 2007, trois adolescents palestiniens avaient été tués près de Khan Younes, dans la bande de Gaza, et que leurs corps avaient été restitués à leurs parents six jours plus tard, méconnaissables tant ils avaient été tailladés et maltraités. Bien souvent, Israël ne rend même pas les dépouilles mortelles des Palestiniens à leurs proches : il les enterre dans un cimetière tenu secret. Cela ne fait que susciter davantage de soupçons.
Il y a pire : cela s’inscrit dans un schéma d’une tout autre ampleur
Partout dans le monde, Israël et les Israéliens sont impliqués dans le trafic de chair humaine, cette forme moderne du cannibalisme. Mis à part le réseau du New Jersey, que Boström mentionne dans son article, les autres cas abondent :
Turquie : un professeur de médecine israélien, Zaki Shapira, a été arrêté en Turquie pour avoir charcuté des Turcs vivants, à la recherche de pièces de rechange, a rapporté le quotidien notoirement antisémite Jerusalem Post ;
Afrique du Sud : un autre quotidien antisémite, le New York Times , a fait un reportage sur un réseau israélien de trafic d’organes dont les activités s’étendent de l’Afrique du Sud au Brésil ;
Brésil : un officier israélien, Gedalya Tauber, a été arrêté, au Brésil, pour avoir incité les pauvres à se dessaisir de certains de leurs organes. Il a vendu la mèche, révélant l’activité analogue de certains de ses compatriotes ;
Ukraine : le Jerusalem Post a révélé l’arrestation d’un « réseau israélien illégal de trafic d’organes », qui envoyait donneurs et receveurs se faire opérer en Ukraine, par avion.
Dans bien des cas, ce sont des Israéliens qui étaient les médecins, les trafiquants, les receleurs et les receveurs des organes, l’Etat juif étant le seul pays au monde où l’Etat paie, et où les meilleurs médecins sont légalement engagés dans la transplantation d’organes obtenus de manière illégale, a écrit Ha’aretz . L’étape suivante fut l’extension des réseaux de ce type de trafic à l’échelle internationale. Les juifs sont en bonne position pour être impliqués dans ce business sordide : il y a beaucoup de médecins juifs, il y a beaucoup de liens entre les communautés juives de différents pays et il y a, chez les juifs, peu d’inhibitions morales.
C’est cette absence de garde-fous éthiques qui avait permis à un rabbin Khabbad-Lubavich très en vue, Yitzhak Ginzburg, de donner son nihil obstat religieux à un juif lui demandant s’il pouvait prélever le foie d’un goy, y compris sans son consentement ? Il a répondu qu’« un juif est fondé à extraire le foie d’un goy s’il en a besoin, car la vie d’un juif est plus précieuse que celle d’un goy, de la même manière que la vie d’un goy a plus de valeur que celle d’un animal ».
Les Israéliens contemporains ont oublié leur foi religieuse, mais ils ont gardé l’absence d’inhibition. Un quotidien des affaires israélien, The Marker , a publié une tribune libre d’un juriste israélien justifiant le commerce d’organes humains, car « les organes ne sont rien d’autre qu’une commodité, que l’on peut donc acheter et vendre, à l’instar de n’importe quelle commodité sur un marché libre ».
La distance séparant l’achat des reins de leur vente n’est pas considérable : si les organes ne sont « rien d’autre qu’une commodité », alors il est assurément permissible, pour les Israéliens, de les prélever sur des Palestiniens, exactement de la même manière qu’il leur est « permis » de voler aux Palestiniens des oliviers multiséculaires, tout en édifiant leur Muraille d’apartheid…
Il est facile de s’offusquer, mais il n’est pas si facile de démontrer que les Israéliens, qui n’hésitent pas à briser les bras et les jambes d’écoliers, ni à les bombarder au napalm, tracent effectivement une ligne jaune infranchissable en matière d’obtention de quelque profit à partir d’organes de Palestiniens. La demande d’enquête internationale formulée par le quotidien suédois Aftonbladet est raisonnable : si les Israéliens n’ont rien fait de répréhensible (mis à part – détail – le fait qu’ils ont assassiné des centaines de jeunes hommes dans la fleur de l’âge), ils n’ont rien à craindre d’une enquête internationale. Pourtant, Israël a refusé d’accorder à des commissions d’enquête de l’Onu l’autorisation de pénétrer à Jénine, après le massacre qu’il y a perpétré en 2002, ainsi qu’à Gaza, après les massacres qu’il y a perpétrés en 2009.
Pour Israël, le plus dérangeant, dans cette affaire, c’est la brèche qui a été faite dans le mur. Je ne parle pas ici du monstrueux Mur de Sharon, qui protège le plus grand ghetto juif du Moyen-Orient, mais bien du mur du contrôle des médias, qui protège ce ghetto au-delà des mers. Si les juifs achètent des médias dans le monde entier, ça n’est certes pas pour s’amuser et ça n’est pas, non plus, pour le profit : c’est pour l’influence que ces médias ont sur nos esprits. C’est le cas en Suède, un pays dont les membres de la petite communauté juive possèdent des quotidiens, des magazines, des maisons d’édition et même le Hollywood suédois, le Swedish Film Institute (SFI). Ces médias font la promotion active des politiques néolibérales de privatisation, de marchandisation, d’influx d’immigrants, de démantèlement de l’Etat-providence, bref : de politiques qui sont « bonnes pour les juifs » fortunés.
Les diplomates israéliens travaillent d’arrache-pied à conserver sous leur contrôle les informations en provenance du Moyen-Orient. Voici, de cela, quelques années, le plus important magazine de la gauche radicale Ordfront a publié un article très sérieux de Johannes Wahlström, intitulé « Le Régime israélien dirige les médias suédois » [Israeli Regime Directs Swedish Media], qui rend compte des immixtions israéliennes dans la presse suédoise, de ces responsables officiels israéliens qui se rendent en personne chez les rédacteurs en chef et chez les correspondants de presse. Dans son article, Donald Boström raconte l’histoire terrible qu’il voulait raconter. Mais il n’avait pas réussi à traverser le mur que la censure pro-israélienne a érigé autour des médias suédois.
Israël n’est certes pas le seul pays suspect de telles activités coupables. Carla del Ponte, la procureure en chef du Tribunal de la Haye pour les Crimes de guerre commis dans les Balkans, a écrit, dans son livre publié en 2008, La Chasse, moi et les criminels de guerre, que sous l’égide de l’Armée de Libération du Kosovo, cet allié de l’Otan et des Etats-Unis, des centaines de jeunes prisonniers serbes auraient été emmenés, en camion, du Kosovo dans le Nord de l’Albanie, où leurs organes étaient prélevés. Certains de ces prisonniers furent recousus, après qu’on leur eut prélevé un organe, afin de les garder en vie jusqu’au moment où l’on aurait besoin d’un autre de leurs organes vitaux. Carla del Ponte avait vu la maison où cette boucherie avait lieu, et elle avait rencontré les personnes impliquées, dont l’une « livra en personne un organe » à un aéroport albanais en vue de son transfert à l’étranger.
Toutefois, la mise en cause d’Albanais par Carla del Ponte n’avait pas provoqué un tel émoi, et personne ne l’a condamnée pour « anti-albanisme ». D’ailleurs, si quelqu’un l’avait fait, elle n’en aurait cure, car il est parfaitement OK d’être anti-quelqu’un, dès lors que ce n’est pas anti-juif. Car les juifs détiennent une arme surpuissante, avec leur accusation d’ « antisémitisme », n’est-ce pas ? A moins que..
Serait-ce que cette peur de l’antisémitisme, tellement expédiente pour Israël, ne marcherait plus vraiment comme un charme ? C’est possible. Le discours d’Obama au Caire, apparemment, n’a eu aucune conséquence directe : Obama a tenté de faire pression sur Israël, afin de le contraindre à geler ses colonies, mais en vain. Obama, pour autant, en a-t-il échoué ? Il est trop tôt pour en juger, comme aurait dit Chou En Lai. Ce genre de changement se produit rarement par un simple coup de baguette magique : il faut du temps.
Les articles récents sur le gang criminel juif du New Jersey, les attaques contre Goldman Sachs, les décorations remises à Mary Robinson et à Mgr Desmond Tutu, un prix décerné à l’avocate israélienne des droits de l’homme Felicia Langer, l’effondrement du Parti Socialiste pro-juif en France et l’apparition d’un parti antisioniste, toujours en France, l’article de Boström publié par Aftonbladet : autant de petits incidents et événements discrets, mais qui, pris ensemble, impliquent que le changement est en route. Les Suédois, les Français, les Allemands et même les habitants du New Jersey n’ont désormais plus peur que Washington leur tombe dessus comme un tas d’enclumes afin de défendre les sionistes, comme cela aurait été le cas du temps de George Deubeuliou Bush. Obama a même refusé de nommer un nouveau commissaire anti-anti-sémites ; c’est dire.
Cette pensée effraie le régime de Tel Aviv plus que tout. S’ils laissent, aujourd’hui, les Suédois s’en tirer à bon compte, demain, ce sera quelqu’un d’autre, et puis la peur des juifs sera rangée dans la catégorie des peurs irréalistes et fantasmatiques, comme la crainte panique des souris…
Conclusion alternative
Il y a plus important : cette indignation israélienne est la preuve qu’en dépit de l’approbation des cabalistes radicaux et des néolibéraux, la transplantation d’organes humains est quelque chose d’immoral et de terrible, proche du cannibalisme, et nous le savons tous. Oui, c’est horrible, si des soldats israéliens ont arraché leurs reins à des Palestiniens, avant de les tuer. Mais il est tout aussi horrible qu’un doux médecin prélève un rein sur un mécanicien de Detroit dont la maison vient d’être mise sous séquestre par un sympathique banquier, ou sur un ouvrier ukrainien viré par un oligarque courtois, ou sur un paysan indien devant régler sa dette au trust de la chimie Monsanto.
Tout homme pauvre, sur cette planète, est un Palestinien – quand bien même les moyens par lesquels il a été dépossédé varient. Ce genre de chose doit être stoppé. Le corps humain est sacré. Ces opérations sont trop coûteuses et rien ne peut les justifier. L’Humanité doit surmonter sa peur de la mort. Nous vivons, puis nous mourrons. Il n’y a aucune raison de gaspiller des milliers de dollars à prolonger une vie par des opérations hors de prix, dès lors que cet argent peut être utilisé afin de rassasier des gens qui ont faim.
Mais nous y reviendrons…
Israël Shamir
Shamir fait ici allusion au retour des accusations de crimes rituels qui pèsent sur les juifs depuis des siècles. Il a développé sa réflexion sur la question dans l’essai Des « diffamations sanglantes » à vous glacer le sang, [Une histoire pour l’été] par Israel Shamir, 20.07.2003, http://www.israelshamir.net/French/diffamationssanglantes.html , textes repris dans le volume Notre-Dame des Douleurs, sous le titre « Meurtres rituels », p. 223-250.
Paru en anglais sur Shamireaders, 24 août 2009
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier