OPINION

Gabriel Galice* – Président de l’Institut international de recherches pour la paix à Genève

Publié le 31 mai 2022 dans la  Tribune de Genève

Même et surtout en temps de guerre, le GIPRI (Institut international de recherches pour la paix) poursuit opiniâtrement son travail de pourfendeur de clichés. Dans leur livre magistral «La guerre hors limites», Qiao Liang et Wang Xiangsui expliquent que les «opérations de guerre non militaires» caractérisent les guerres du XXIe siècle. Ces opérations sont économiques, technologiques, communicationnelles.

Sans être absent, le militaire est préparé, accompagné, suivi par l’ensemble des autres dispositifs de la belligérance. La guerre de l’information (infowar) en est une pièce maîtresse, nous en sommes tous partie prenante, que nous le voulions ou non. La consultation des travaux et publications de notre institut témoigne et de son exigence et de sa constance. Notre conférence de 2016, «Quelle paix pour quel ordre du monde?» en atteste.

«Concernant l’Ukraine, les prises de position fondées sur l’émotion conduisent, au nom de bonnes intentions, à jeter de l’huile sur le feu en envoyant des armes au lieu de mettre en œuvre des mesures pacificatrices.»

S’indigner, condamner, est à la portée de n’importe qui, comprendre la situation en Ukraine suppose une information poussée qui prenne en compte la durée et les travaux d’auteurs comme Zbigniew Brezinski.

Le GIPRI fait sienne la méthode préconisée par son ancien président, le professeur Roy Preiswerk, dans son texte «Que faut-il entendre par recherche pour la paix?» L’analyse idéologique d’une situation comporte quatre phases: normative, descriptive, évaluative, prescriptive. Notre normativité se fonde sur le principe d’un monde juste, multipolaire, respectueux de la Charte de l’ONU, dont l’égalité souveraine des peuples est une pierre angulaire.

«Réprouver l’invasion de l’Ukraine par la Russie n’interdit pas de prendre au sérieux les raisons qui l’y ont conduite.»

Depuis trente ans, les Russes demandent vainement la mise en place d’une architecture commune de sécurité. Sous la conduite des États-Unis d’Amérique, l’Occident a soutenu des «révolutions de couleurs» (dont le coup d’État de Maïdan en 2014), étendu l’OTAN à sa périphérie et nourri un discours antirusse dont Guy Mettan analyse les ressorts dans son livre «Russie-Occident. Une guerre de mille ans».

Dans l’article «A Fatal Error», George Kennan, avait dénoncé l’extension de l’OTAN vers l’est. Au lieu d’accéder à la demande russe d’une sécurité commune, l’Occident a étendu sa sécurité sans et contre la Russie, bafouant l’engagement pris auprès de Gorbatchev avant l’unification allemande de ne pas étendre l’OTAN, engagement confirmé par des chercheurs étasuniens comme Mary Elise Sarotte ou Joshua Shifrinson. Bref, en matière de relations internationales comme dans les rapports de voisinage, il est bon de commencer par balayer devant sa porte.

Gabriel Galice, président du GIPRI*

*Institut international de recherches pour la paix à Genève

Source: tdg.ch