Commodore de l’air David Wilby, OTAN, 1999


Menteur un jour, menteur toujours

Ce dicton trouve une parfaite application dans les déclarations mensongères des responsables politiques occidentaux ces dernières années. Nous nous limiterons à certains conflits récents, en particulier ceux de Bosnie et de Serbie-Kosovo. Nous présenterons un florilège de ces fakes news, dont l’énormité, pour certains, dépasse toute décence. Nous verrons aussi l’étrange ressemblance entre ces déclarations de l’époque et celles actuelles dans le conflit ukrainien.

Par  Marc Jean – 26 avril 2022 –Arretsurinfo.ch

Le plus grand mensonge proféré publiquement par un responsable politique

 

 

Ce fut assurément l’énorme fakes news présenté par le secrétaire d’Etat des Etats-Unis. Le 5 février 2003, Colin Powell monte à la tribune : devant le Conseil de sécurité(1) il énumère une liste de menaces, dont la présence supposée d’armes de destruction massive et d’armes bactériologiques en Irak. Il présente des photos satellites, évoque des prototypes de laboratoires mobiles spécialisés dans la recherche biologique, des bunkers, des usines d’armes chimiques. Il diffuse l’enregistrement d’une conversation entre des officiers irakiens qui parlent d’agents neurotoxiques. Enfin, en plein discours(1) Colin Powell brandit une fiole d’anthrax, une maladie infectieuse très grave, affirmant que l’Irak développe cette substance comme arme de guerre.

Mais le champion de cette désinformation est, sans nul doute, le président Georges Bush lui-même, qui aurait répandu des faussetés 232 fois au sujet de l’arsenal interdit et 28 fois à propos des liens entre l’Irak et le réseau terroriste d’Oussama ben Laden(2).

Plusieurs enquêtes menées ultérieurement, y compris par des comités parlementaires bipartisans, ont établi que l’Irak ne possédait pas d’armes nucléaires, chimiques ou biologiques à l’époque, et aucune preuve d’une collaboration avec le réseau al-Qaïda n’a encore été apportée (3).

Le conflit en ex-Yougoslavie

La guerre civile qui a ravagé la Yougoslavie durant les années 1990 a fourni un véritable laboratoire d’essai pour l’élaboration et la diffusion à grande échelle de nouvelles mensongères, souvent fabriquées de toutes pièces, ayant comme but de retourner l’opinion publique. Rappelons que cette guerre effroyable a été préparée dans l’ombre par les Etats-Unis et leurs alliés(4).

Pendant la guerre de Bosnie, la diffusion de fausses nouvelles et de rumeur visant à diaboliser les Serbes a été particulièrement efficace. Dans son ouvrage Fighting for Peace, Bosnia 1994, le général Sir Michael Rose, commandant de la FORPRONU(5) explique comment « les médias n’ont cessé d’attiser le feu en répandant de fausses nouvelles ou en grossissant systématiquement le nombre de victimes et l’importance des dévastations faites par les troupes serbes »(6).

Ainsi, la responsabilité des explosions du marché de Markalé en Bosnie (5 février 1994, et 28 août 1995) causant la mort de 130 civils bosniaques musulmans, fut, avant toute enquête, attribuée aux militaires serbes, permettant le lancement de frappes par l’Otan sur leurs positions. Par la suite, les enquêtes balistiques prouvèrent que les tirs de mortier provenaient du camp bosniaque, comme l’a confirmé le général Rose(7).

Malheureusement, le rétablissement ultérieur de la vérité, après les faits, est toujours inopérant, car, une fois l’intoxication commise et l’émotion suscitée, il passe souvent inaperçu. Le choc des images des victimes ensanglantés a atteint son objectif : remonter l’opinion publique et justifier des représailles.

Ainsi, le tir d’un missile devant la gare de Kramatorsk en Ukraine, le 8 avril 2022, ressemble étrangement au tir de mortier sur le marché de Markalé. Moon of Alabama écrit que « les preuves accessibles au public montrent que les militaires ukrainiens ont dû tirer le missile qui a tué une cinquantaine de civils ukrainiens à Kramatorsk. Le seul but de l’attaque auquel je peux penser était de créer une propagande qui, lorsqu’elle sera diffusée comme « attaque russe » par les médias « occidentaux », suscitera davantage de soutien militaire à l’Ukraine. »(8). Bien évidemment, les médias occidentaux ont attribué immédiatement, sans aucune enquête balistique, ce tir aux forces russes. Le Monde du 9 avril reprend l’indignation du ministre français Jean Yves Le Drian qui évoque « un crime contre l’humanité ».

 

Jamie Shea, porte-parole OTAN, 1999.

Au début du bombardement de l’Otan sur le Kosovo, le “commodore de l’air” de l’Otan, David Wilby, le Britannique Jamie Shea, porte-parole de l’Organisation, ainsi que James Rubin, porte-parole du département d’Etat américain, lancèrent de concert le 29 mars 1999 une fausse rumeur certifiant que le régime de Belgrade venait d’exécuter trois leaders albanais [Ibrahim Rugova, Fehmi Agani et Baton Haxhiu].

Rubin avertit d’emblée, avec un grand talent de comédien, que les Etats-Unis « vengeraient leur mort ! » « Toutes ces accusations furent démenties bien entendu par les intéressés, mais de fausses rumeurs, bien diffusées à un moment donné et à un public donné laissent toujours des traces même après démenti »(9).

Il faut bien comprendre qu’il était nécessaire, pour justifier l’intervention de l’Otan, de présenter les Serbes, dès le début des hostilités, comme les méchants. Les cellules spéciales de la CIA, les agences de communication américaine (10) et les ONG ont créé le stéréotype (11) Serbes=nazis.

Une fois ce stéréotype intériorisé, il existe une présomption de culpabilité qui renforce l’impression négative. Désormais, toutes les rumeurs et fausses nouvelles, aussi extravagantes soient-elles, sont bonnes pour diaboliser le camp adverse.

Durant le conflit du Kosovo, les commanditaires de l’intervention de l’Otan ont cherché à poursuivre l’opération de démonisation des Serbes. Ainsi, le 17 juin 1999, le britannique Geoff Hoon, fonctionnaire du Foreign Office, affirmait, mais sans citer sa source, que « d’après les rapports, au moins 10 000 Albanais ont été assassinés par les Serbes au cours d’une centaine de massacres ». Pour ne pas être en reste, Bernard Kouchner lançait le 11 août le nouveau chiffre ” officiel ” de  «onze mille corps dans les fosses communes du Kosovo », prétendant même se référer au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Le lendemain, le TPIY démentait sèchement les propos du fondateur de Médecins sans frontières, le nombre de victimes avérés de massacres s’élevant à 340.

Dans les conflits qui ensanglantèrent l’ex-Yougoslavie, les Serbes, vilipendés par l’establishment médiatique occidentale et dépourvus d’aide extérieure en matière de conseil de communication stratégique, perdront définitivement la bataille de l’image médiatique, comme le constate Alexandre Del Valle(12) Ils monopoliseront le rôle du méchant. Les rares voix, essayant de se dégager du prisme manichéen des bons et des mauvais, seront bannis des médias et classés comme complices des nazis serbes.

C’est exactement le constat actuel concernant la Russie. Toute personne émettant un avis nuancé sur la Russie, est cataloguée comme complotiste. C’était le même constat pour la Syrie. Pendant le conflit syrien, l’ensemble des médias a systématiquement déroulé la même version, ”Bachar massacre son peuple”, et a banni toute voix discordante. Seuls, les médias alternatifs ont résisté en donnant la voix aux inaudibles.

Dans le conflit ukrainien, la Russie est la cible d’une opération massive de diabolisation. L’ensemble des médias répètent ad nauseum le même narratif. Seuls quelques rares sites alternatifs, bien entendu dénoncés comme complotistes, émettent une opinion divergente. Mais la Russie est l’objet depuis de nombreuses années d’une campagne de calomnies massive(13).

Entendons-nous bien. Nous ne sommes pas présents sur le terrain, et nous ne disposons pas d’observateurs indépendants en Ukraine. Dans toute guerre, la propagande constitue un élément essentiel et nous ne nions pas cette réalité. Mais, l’expérience du passé et la similitude extraordinaire des situations, doit nous inciter à ne pas croire aux déclarations et aux informations des responsables politiques occidentaux. Leurs mensonges éhontés passés les disqualifient, ainsi que les médias qui les ont relayés.

Alexandre Del Valle évoque avec justesse ces guerres contre l’Europe. Il dénonce les vrais responsables : les stratèges anglo-saxons qui, avec la complicité de leurs vassaux, poursuivent, avec constance, un but simple : soumettre les puissances continentales, neutraliser l’Eurasie, afin d’atteindre l’hégémonie mondiale totale. L’expansion vers l’est de l’Otan, la destruction de la Yougoslavie et son éclatement, le conflit du Kosovo et la guerre en Ukraine n’ont pas d’autres objectifs.

Marc Jean 

(1) Discours de Colin Powell devant l’ONU – Archive vidéo INA 

(1a) Et également l’Intégralité du discours de Colin Powel

(2)https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/173050/irak-bush-et-son-equipe-ont-menti-935-fois

(3) Mort de Colin Powell. Ce jour de 2003 où il a menti à l’ONU et justifié la guerre en Irak (ouest-france.fr)

(4) Ce fut un jeu d’enfant pour les Etats-Unis de disloquer l’Etat multiethnique de Yougoslavie |

(5)La Force de protection des Nations unies (FORPRONU) a été créée initialement en tant qu’opération provisoire visant à créer les conditions de paix et de sécurité nécessaires à la négociation d’un règlement d’ensemble des guerres de Yougoslavie.

(6) Michael Rose, Fightling for Peace, Bosnia 1994,p.54 cité dans Alexandre Del Valle, Guerres contre l’Europe,p.239

(7) Michael Rose, Fightling for Peace, Bosnia 1994,p.43-48 cité dans Alexandre Del Valle, Guerres contre l’Europe,p.235

(8) Kramatorsk: preuves que le missile a été tiré par les forces ukrainiennes

(9)Alexandre Del Valle, Guerres contre l’Europe,p.238

(10) Quand des sociétés de communication fabriquent des fake news

(11) Le stéréotype est une catégorie dans laquelle un groupe donné ( nationalité, profession, ou tout autre entité) est perçu par d’autres groupes comme possédant des invariants. Les états-majors occidentaux ont dès l’origine fabriqué un stéréotype négatif des Serbes. Dès lors, quoiqu’ils fissent, les Serbes étaient diabolisés. C’est exactement ce stéréotype qui a été mis en œuvre envers la Russie, bien des années avant le conflit ukrainien.

(12)Alexandre Del Valle, Guerres contre l’Europe,p.341-342$

Source: Arretsurinfo.ch