La plupart des Américains croient comprendre les dangers du Patriot Act, que le Congrès a promis d’étendre pour quatre ans lors d’un vote cette semaine. Croyez-moi : les Américains n’en ont pas assez peur.
Vous vous demandez pourquoi la vérité sur le 11/9 n’a jamais été exposée ? Pourquoi les Américains n’ont pas la moindre idée de la machination du gouvernement autour de la guerre contre le terrorisme ? Pourquoi les Américains ne savent pas si l’enquête sur le 11/9 a vraiment abouti ? Pourquoi l’option de la paix irakienne n’a pas été choisie ? … Mais personne ne parle au peuple.
En grande partie, c’est à cause du Patriot Act – une loi qui assimile liberté d’expression à sédition. C’est une machine complexe composé de 7000 pages de code, conçue de façon machiavélique pour couper court à toute réflexion de citoyens sur la politique du gouvernement. Dans ce nouveau monde, la liberté d’expression telle qu’elle est définie par notre « Bill of Rights » a été considérée comme une menace pour nos gouvernants désireux de maintenir la stabilité. Et le Patriot Act est devenu la grande arme utilisée contre les accusateurs et les dissidents qui viennent troubler le confort des dirigeants politiques, lesquels cachent des vérités dérangeantes pour le peuple…
La vérité est devenue trahison
Le Congrès nous assure que le Patriot Act ne vise que les étrangers qui arrivent sur nos côtes pour détruire notre mode de vie par des crimes violents. Les bons Américains respectueux des lois n’ont rien à craindre. Le Patriot Act s’auto-limiterait aux « écoutes téléphoniques » et à quelques écoutes de conversations internationales entre « méchants terroristes ». Le Congrès a juré, la main sur le cœur, que leur seul but est de briser les cellules terroristes.
C’est ce qu’ils vous ont dit, non ? Et vous les croyez ? Vous faites confiance au gouvernement. Eh bien, c’était votre première erreur. En ce qui concerne le Patriot Act, c’est une erreur mortelle.
Le Patriot Act va bien au-delà de la prévention du terrorisme. Dans mon Etat du Maryland, la police d’État a invoqué le Patriot Act pour assurer une surveillance sur le Réseau Action Climat Chesapeake dédié à l’énergie éolienne, le recyclage et la protection de la baie de Chesapeake. Ils ont infiltré le réseau « Anti-guerre », suggérant que le groupe pourrait être une façade pour « suprématie blanche », ainsi qu’Amnesty International, affirmant enquêter sur les « violations des droits civils. » Les opposants à la peine de mort sont également ciblés (au cas où ils deviendraient violents).
Les citoyens épris de vérité qui donnent aux Américains trop de discernement sur un certain nombre de questions sont exposés à un vaste arsenal juridique. Ca ne se passe pas en Chine ou au Myanmar. Dans le Patriot Act, le gouvernement a créé un outil puissant pour chasser la libre pensée de gauche comme de droite. Là, aucune discrimination ! Quiconque s’oppose à la politique du gouvernement est en danger.
Comment puis-je savoir tout cela ? Parce que j’ai été la deuxième personne, ressortissant des Etats-Unis et non-arabe, à avoir inculpé par le Patriot Act. Mon arrestation a défié toutes les attentes au sujet de la loi. Je n’étais pas un terroriste complotant pour faire exploser Washington. Bien au contraire, j’avais travaillé dans la lutte contre le terrorisme depuis presque une décennie, en Irak, en Libye, au Yémen, en Egypte et en Malaisie auprès des Nations Unies. Sur ordre de mon supérieur de la CIA, j’avais livré des avertissements anticipés sur l’attaque du 11/9 au procureur général John Ashcroft et à l’Office of Counter-Terrorism en Août 2001. Les écoutes téléphoniques du FBI prouvent que j’apportais les éléments d’un projet de paix avec l’Irak dans les couloirs sacrés de la Maison Blanche pendant des mois avant l’invasion, en faisant valoir que la guerre était totalement inutile.
J’ai remis ces documents aux démocrates comme aux républicains ; à mon propre cousin, chef d’état-major de la Maison Blanche, Andrew Card ; et au secrétaire d’État Colin Powell, qui se trouvait être un voisin de mon supérieur de la CIA. Nous avons toujours l’enveloppe en papier kraft contenant les notes écrites de ma main données au Secrétaire Powell, en date d’une semaine avant son discours tristement célèbre à l’ONU. Mes papiers ont fait valoir qu’aucune arme de destruction massive en Irak, et que le cadre de la paix pourrait atteindre tous les objectifs des États-Unis sans coup férir.
En bref, j’étais un élément actif franchement opposé à la guerre avec l’Irak, et j’ai fait tous mon possible pour corriger les erreurs dans les hypothèses de la Maison Blanche.
Puis j’ai fait l’impensable. J’ai téléphoné aux bureaux du sénateur Trent Lott et au sénateur John McCain, lui demandant à être entendue par une Commission… Fière de mes propres efforts, je n’imaginais pas que le Congrès avait l’intention de me punir au sujet de mes « mauvais renseignements ».
Durant la nuit, je suis devenue Ennemie Publique numéro 1 de la Maison Blanche.
Trente jours plus tard, je fus réveillée par des agents du FBI qui frappaient à ma porte. Mon cauchemar du Patriot Act a duré cinq ans. Quatre ans après mon arrestation, la Cour m’a accordé une matinée pour entendre les preuves de deux témoins crédibles. Parke Godfrey a confirmé mes avertissements au sujet du 11/9 sous serment. Sinon, je n’ai jamais eu une journée d’audition à la Cour.
L’arsenal du Patriot Act contre la liberté d’expression
Si vous vous souciez de l’Amérique et de ses traditions de liberté, que vous soyez progressiste ou conservateur, vous devriez vous élever contre cette loi.
Vinrent d’abord les perquisitions sans mandat et la surveillance permanente du FBI. Mon travail dans la lutte contre le terrorisme ne m’a donné aucune protection. J’ai eu ma première perquisition sans mandat après avoir rencontré un agent du FBI infiltré avec qui nous avons discuté de mon soutien à des élections libres en Irak et de mon opposition à la torture et à l’humiliation sexuelle des détenus irakiens…
Si les citoyens épris de vérité (truth tellers) ne comprennent pas qu’il faut la boucler, le ministère de la Justice renforce encore la pression. Les accusés se retrouvent face à des accusations secrètes, des preuves secrètes et une déposition secrète du jury d’accusation. Tout au long de mes cinq années de mise en accusation, mes avocats et moi n’ont jamais pu lire le moindre témoignage du FBI ni la moindre déclaration du jury. Dans le cadre du Patriot Act, celui qui tire une sonnette d’alarme (whistleblower) n’a pas le droit de savoir de quoi il est accusé, ni les dates des infractions présumées, ni les lois qu’il a enfreintes.
Bien sûr, je savais bien ce que j’avais fait. Je savais que « dans le courant Octobre, 2001 » un diplomate irakien m’avait donné la traduction en anglais d’un livre sur l’uranium appauvri, qui montrait comment les taux de cancer et de malformations congénitales avaient grimpé chez les enfants irakiens.
Et j’étais tout à fait certaine que le 14 Octobre 1999, un diplomate irakien m’avait demandé comment canaliser d’importantes contributions financières à la campagne présidentielle de George Bush et Dick Cheney. Le ministère de la Justice fut mis en courant de cette date, puisque j’ai rapporté ma discussion immédiatement à mon supérieur de la Defense Intelligence Agency, Paul Hoven.
Il est peu probable que le jury d’accusation l’ait su, puisque le ministère de la Justice a la prérogative de laisser un jury d’accusation dans l’ignorance. Dans ce nouveau monde, un jury d’accusation peut être contraint de considérer les actes d’accusation pouvant entraîner 10 ans de réclusion ou plus, sans avoir le droit d’examiner la preuve, ou de déterminer si les actions d’un individu s’élèvent au niveau de l’activité criminelle.
C’est juste le début. Une fois que le Congrès a produit un acte d’accusation contre un adversaire politique, le ministère de la Justice peut obliger les avocats de la défense à subir les habilitations de sécurité prolongées, tandis que le citoyen qui a tiré la sonnette d’alarme attend en prison, est mis en isolement ou en SHU (Special Handling Unit). Une fois les autorisations de sécurité accordées, les procureurs ont le droit de barrer la route aux avocats en leur interdisant de communiquer quoi que ce soit. Les avocats sont menacés de radiation du corps des avocats, de lourdes amendes ou de peines de prison.
Une fois que vous obtenez un procès, la situation devient encore pire. Le Patriot Act déclare que le procureur n’a aucune obligation de montrer des preuves de l’activité criminelle aux juges. Et la défense peut se voir refuser le droit de faire valoir une réfutation des accusations secrètes, car ce raisonnement pourrait induire en erreur les juges ou pourrait révéler des problèmes que le gouvernement considère comme secrets. Ainsi, un juge peut ordonner à son jury de considérer que la poursuite concerne un fait secret suffisamment grave pour mériter une condamnation sur accusation secrète. Le jury peut se voir interdit d’examiner le manque de preuves s’il faut condamner.
Vous pensez que j’exagère ? Vous auriez tort. C’est ce qui m’est arrivé. Avec un gros pépin en plus. Tout ce qui précède suppose que celui qui tire la sonnette d’alarme a eu la chance d’obtenir un procès. On m’a refusé le mien, bien que je me sois battue vigoureusement pour défendre mes droits. Au lieu de cela, citant le Patriot Act, je fus jetée en prison dans une base militaire du Texas, sans même une audience et menacée de détention à perpétuité et droguée.
Susan Lindauer | 23/05/11
Susan Lindauer est l’auteur de « Extrême préjudice : la conspiration ultime pour taire la vérité », qui révèle des détails du 11/9, les avertissements de son équipe de la CIA et une option de paix global avec l’Irak.
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