Appliquant à Pierre Bourdieu la méthode et les concepts qu’il a lui-même inventés, le sociologue Jean-Louis Fabiani propose une précieuse évaluation critique de l’œuvre et un attachant portrait intellectuel de son auteur.
Peut-on, aujourd’hui, parler sereinement de Pierre Bourdieu ? La question se pose tant l’évocation de ce nom propre apparaît encore susceptible, près de quinze ans après la disparition du sociologue, d’en faire tressauter quelques uns ou de provoquer dans les marges de copies d’étudiants de certaines institutions de très rouges points d’exclamation. Peut-être parce que “citer, disent les kabyles, c’est ressusciter” prévenait Bourdieu dans sa leçon inaugurale au Collège de France en 1982. Une phrase citée en exergue d’un livre tout simplement titré Pierre Bourdieu et signé Jean-Louis Fabiani, qui paraît ces jours-ci aux éditions du Seuil. Peut-on, aujourd’hui, parler sereinement de Pierre Bourdieu se demande donc en ouverture de ce livre Fabiani à propos de celui qui fut son directeur de thèse – ou plutôt de “foutaise” comme s’amusait Bourdieu face à ce rite qu’il eut la coquetterie de ne jamais lui-même passer. La question se pose, en effet, tant l’œuvre et les concepts de Bourdieu sont aujourd’hui massivement, mondialement repris ou discutés, et parfois de la manière la plus sauvage. Lire sereinement mais aussi sérieusement Bourdieu, y compris avec le regard critique qu’affectionnait l’auteur des Méditations pascaliennes, voilà le pari tenu par Fabiani avec ce livre qui s’impose d’emblée comme l’un des plus importants jamais publiés sur le sociologue.
Sylvain Bourmeau
02.04.2016