Publié le 8 décembre 2017. Mis à jour le 22 avril 2018
Traduit par Mme Jacqueline Thirion pour Arrêt sur info
Une guerre de l’information en pleine escalade est-elle en train de menacer notre démocratie et notre capacité à prendre des décisions informées ?
Au « Débat Holberg 2017 », Julian Assange, John Pilger et Jonathan Heawood ont discuté de la présence de la propagande dans les nouvelles et dan les média sociaux, et ses implications démocratiques. L’événement s’est déroulé à l’Université de Bergen, en Norvège, le 2 décembre 2017.
Le Débat Holberg 2017 est le fruit d’une collaboration entre le Prix Holberg, la Fondation Fritt Ord et le PEN CLUB de Norvège (Norvège occidentale).
Les intervenants :
Julien Assange participe à la discussion par connection vidéo. Assange est un journaliste couronné de nombreux prix, fondateur et rédacteur en chef de WIKILEAKS. Il est aussi programmeur, cryptographe, auteur et militant. Fondé en 2006, WIKILEAKS a divulgué des millions de documents et plusieurs vidéos, y compris des journaux de bord ayant trait aux guerres d’Irak et d’Afghanistan, la vidéo controversée « meurtre collatéral » sur l’Irak, des télégrammes diplomatiques US et des e-mails se rapportant à la campagne électorale du Comité Démocrate National et au directeur de campagne de Hillary Clinton, John Podesta.
Jonathan Haewood est le PDG et le fondateur d’IMPRESS, seul régulateur de presse reconnu comme indépendant et efficace par la Charte Royale de Royaume Uni. Avant cela, il a travaillé comme journaliste et a milité pour les droits de l’homme. Il est aussi l’ex-directeur du PEN CLUB anglais. Haewood a écrit sur la liberté d’expression et sa régulation pour divers organes, dont The Encyclopedia of Twentieth-Century Fiction («Encyclopédie de la fiction du XXe siècle ») , Critical Quarterly (« Le trimestriel critique »), Journal of Media Law, (« Journal du droit des médias »), Ethical Space and Communications Law (« Droit pour un espace et des communications éthiques »).
John Pilger est un journaliste australien, un auteur et un cinéaste. Il couvre les conflits militaires, politiques et culturels tout autour du monde depuis plus de cinq décennies et sa vision critique des politiques étrangères australienne et britannique apparaît fortement dans ses documentaires et dans ses écrits. Il a travaillé pour le Daily Mirror, de 1963 à 1986, et tenu une chronique régulière dans The New Statesman, de 1991 à 2014. Pilger a remporté de nombreux prix comme journaliste et comme cinéaste, et il est un des deux seuls à avoir reçu deux fois la plus haute récompense du journalisme britannique.
Débat HOLBERG 2017
Vidéo en anglais
- – Vers 00:11:00 : Julian Assange
– Vers 00:56:00 : Questions à Julian Assange
– Vers 01:19:00 : Jonathan Heawood
– Vers 01:43:00 : John Pilger
– Vers 02:17:11 : Dernières questions et réponses
Transcription de la vidéo
[Traduction partielle]
Le Débat Holberg est organisé ce 2 décembre 2017 par le Holberg Prize en collaboration avec la fondation Fritt Ord, le Pen Club de Norvège occidentale et le soutien de l’Université de Bergen ; celle-ci a d’ailleurs l’amabilité de recevoir notre audience en son aula. Le Comité de direction du Prix Holberg est désigné par l’Université de Bergen en accord avec le Ministère de l’Education et de la Recherche en Norvège. Le Prix Holberg a la même notoriété que le Prix Nobel dans le monde ; il est universellement consacré pour ses travaux d’étude et de recherche relatifs aux humanités anciennes, aux sciences sociales, au droit et à la théologie.
Le but du Débat Holberg est de faire émerger un statut visant à accroître l’intérêt académique, et plus largement celui du public, vers des recherches concernant les nouveaux défis globaux et les perspectives de la modernité. Le Baron Ludvig HOLBERG, écrivain connu pour ses pièces mêlant la réalité danoise et le genre satirique de Molière, est né à Bergen en Norvège en 1684 ; devenu Professeur à l’Université de Copenhague, Danemark, il y enseignera les matières qui année après année sont reprises par le Débat Holberg. Voyageur insatiable, il sillonne l’Europe et y jette une lumière nouvelle sur la société scandinave. D’autre part ses écrits finement satiriques et ses récits de voyages imaginaires révèlent, dans leur authenticité, les comportements de la société danoise de l’époque. Il décède à Copenhague en 1754.
Trois excellents conférenciers dont la réputation n’est plus à faire nous font l’honneur de leur participation à ce Débat. Il s’agit de : Julian Assange, John Pilger et Jonathan Heawood.
Julian Assange participe à ce débat par vidéo-connexion.
Julian ASSANGE
« Il y a un an, ayant suivi de très bons débats à ce propos, je réfléchissais au terme anglais ‘fake news’, moins bien traduit et exprimé en français par ‘fausses nouvelles’. Je me suis dit : ce vocable va faire un tour à 180° et être utilisé par la presse traditionnelle pour critiquer certaines informations. C’est en effet ce qui s’est passé, surtout dans la presse américaine et dans ses organismes de contrôle. Il est vrai que l’intelligence artificielle peut détecter le mensonge, mais ce n’est pas encore le souci de notre société actuelle. Pourtant cela pourrait le devenir, en fait cela le deviendra, inévitablement.
En 1807, Thomas Jefferson (1743-1826) ancien Président des Etats-Unis, conseillant ses successeurs, déclarait : « Rien de ce qui est écrit dans la presse ne peut être cru » ; puis presqu’en plaisantant, « Peut-être devrions-nous créer de nouvelles façons de concevoir les journaux, ils comporteraient 3 sections, la première donnant les grands titres, les nouvelles falsifiées, la troisième portant de vraies nouvelles, très courte, même presque inexistante et la seconde au milieu complétant et ‘recollant’ tant bien que mal la première et la troisième. » Cette conception du journal s’impose réellement et depuis très longtemps !
Toutes les guerres qui ont eu lieu récemment – Irak, Afghanistan, guerres du Golfe, en commençant par la 2ème guerre mondiale 40-45 – ont été perpétrées par la mobilisation des populations fondée sur des mensonges évidents ; malheureusement les nouvelles ont toujours été utilisées à des fins de profits, ou plus encore, pour permettre aux pouvoirs existants de s’immiscer dans les bonnes grâces des territoires convoités en passe de devenir les nouveaux pouvoirs, ou de renforcer ces pouvoirs.
L’an dernier nous avons assisté à cette popularisation exagérée des campagnes électorales aux USA ; elle est un peu le résultat de la vitesse grandissante à laquelle les personnes peuvent échanger au sujet du dernier événement. Ainsi en 1979 on s’est entretenu sur la façon dont les salaires diminuaient, la droite donnant des informations tendancieuses sur l’émigration de masse. Que nous le voyions positivement ou négativement, elles permettent significativement à ceux qui sont dans l’ordre établi d’y renforcer leur pouvoir.
En ce sens, serait-il vrai qu’un Président en exercice, Donald Trump en l’occurrence, se soit arrangé pour empêcher la diffusion de certaines nouvelles sur CNN ? En termes généraux, Trump a raison. Que ce soit CNN ou une autre agence, comme le Washington Post, chaque jour nous assistons à la diffusion de nouvelles importantes, trompant les lecteurs ou les auditeurs sur leur signification véritable.
Oui, en démocratie, la presse a l’énorme pouvoir d’induire de nouvelles idées dans la société, d’en accroître le pouvoir et ainsi d’influencer les mentalités. »
(Doivent suivre ici les questions-réponses à Julian Assange)
Jonathan Heawood
« Vivant à Londres, je ne m’imaginais pas faire autant de kilomètres pour voir mon ami Julian Assange en connexion vidéo !
Je suis heureux de participer au prestigieux Débat Holberg à l’Université de Bergen, mais je dois vous avouer que je ne suis pas Norvégien et encore moins Australien ! Cependant, j’ai été élevé dans un village viking du Yorkshire au nord de l’Angleterre. J’ai toujours assumé que les familles de ce village étaient des descendants des vikings qui traversèrent la mer du Nord au 9ième siècle pour investir nos maisons. Tout comme de nos jours, le village comportait une rue, une église, un magasin et une école. Bien entendu la plupart d’entre nous, descendants des vikings, vit dans des grandes villes, des villes parfois peuplées de millions d’habitants, mais nous avons recréé une communauté virtuelle, une sorte de clan tel que le Roi Oula (?) l’avait formé à l’origine avec son premier peuple.
En fait nous, les humains, avons été conçus pour vivre en communautés plus restreintes de 100 à 150 personnes ; de cette façon, nous connaissons les personnes par leur nom, leur fonction, leur place au sein de la communauté ; une confiance s’établit entre certains d’entre nous et nous sommes capables de prendre des décisions rapides, nous appuyant sur des sources d’information sûres et connues.
Nous avons toujours besoin de savoir ce qui se passe dans le village voisin, le pays dont nous partageons ou pas la frontière, nous avons besoin d’échanger, d’imaginer des projets avec d’autres, de réfléchir et travailler avec les autres. Une planète de 7 milliards d’humains se levant toutes les secondes, un nombre vertigineux, et pourtant nous avons besoin de communiquer avec un groupe et coopérer les uns avec les autres ; autrefois, les premiers télégrammes ont permis la communication rapide entre les personnes ; presqu’en même temps, la radio a donné les nouvelles du monde dans la moindre maison d’un quartier pauvre comme dans les maisons nanties du confort. A présent la télévision et les médias nous donnent une vue globale de la planète et nous sommes à même de communiquer partout avec nos téléphones portables. Ainsi nous vivons dans la sphère publique ; en fait pour la plupart d’entre nous dans cette audience, nous y sommes nés avec elle. Nous sommes induits à faire des achats par des « clips » vidéo télévisés, nous les appelons ‘publicité’, nous recevons des nouvelles d’intérêt plus large concernant le monde, ce sont les ‘nouvelles’; enfin nous entendons des informations tendancieuses destinées à un groupe d’intérêt réduit, nous les appelons ‘propagande’.
Le développement de cette sphère publique des médias n’est pas tombé du ciel, il est le fruit du travail de l’homme et de patientes recherches technologiques. La communication a été frappée de plein fouet par une explosion massive ; jamais un changement aussi drastique et de cette importance ne s’est passé dans l’histoire humaine. A présent, des réseaux comme Google et Facebook se développent rapidement, prenant une importance exceptionnelle ; selon une récente étude, elles contrôlent 70% du trafic Internet autour du monde : elles sont en train de changer la façon dont nous nous entretenons les uns les autres, la façon dont nous nous parlons, dont nous voyons et discutons des événements qui se passent dans le monde ; mais il n’est pas question d’être nostalgique d’un passé révolu, nous sommes arrivés là où nous sommes et n’avons plus qu’à avancer.
Avancer oui, mais une certaine réflexion n’est-elle pas nécessaire ? Il nous faudrait nous asseoir et voir ce qui se passe dans le monde, en étudier les implications ; réfléchir à notre rôle de citoyens devant la politique légale de l’ordre actuel des choses et des perspectives effrayantes d’un certain futur.
La sphère publique doit affronter des défis ; en premier lieu elle a un problème avec les éditeurs, qui dans l’ancienne sphère contrôlaient sévèrement ce qui était publié ; ils représentaient presque l’homme blanc du Moyen-Age et décidaient du contexte dans lequel publier les nouvelles, de quand et comment publier certains articles. A présent n’importe qui se précipite sur un site ouvert pour y donner son avis et développer l’historique d’une question sur laquelle il a de bonnes informations. Les auditeurs, les lecteurs sont devenus les acteurs et nous, les journalistes ou écrivains sommes devenus l’audience !
Ces changements ne sont ni bons ni mauvais et ne doivent pas nous faire regretter le passé. L’ancienne sphère publique était loin d’être parfaite, de la nouvelle sphère publique actuelle émergent de nouvelles pratiques surprenantes et attirantes. Mais voici que pointent de nouveaux défis. Y a-t-il jamais eu dans l’histoire de l’humanité un tel changement aussi massif et rapide, une telle explosion de la sphère publique ? Ces changements soudains affectent notre façon de réagir devant les événements, la façon dont nous nous entretenons et dont nous nous parlons. Ces changements de la sphère publique sont un défi certain et méritent qu’on les considère quelque peu.
Le premier défi, me semble-t-il, sera le litige entre les actionnaires, propriétaires de plateformes, les publicistes et éditeurs de la grande presse qui ont leurs objectifs de vente et les journalistes qui veulent faire connaître la vérité. Ce ne sont plus les hommes blancs du Moyen-Age, mais les puissants lobbies de la presse. De minutieux calculs secrets sont évalués qui décideront dans quel contexte, quand et comment les nouvelles nous seront données, en fonction des nouvelles technologies légales et de l’ordre politique du moment. Ils peuvent même évaluer ce que nous allons dire et ce que nous devrions dire !
A nous de jouer le jeu, d’apprendre à manipuler l’altruisme et d’attirer l’attention sur nos objectifs, qu’ils soient de publicité, de politique ou de propagande.
Nous ne faisons plus partie de l’audience passive d’autrefois ; à la réception d’une nouvelle, d’une prise de position sur un événement, n’importe qui peut se précipiter et donner son avis dans la sphère publique. Ainsi le public est devenu acteur, les journalistes, les commanditaires de la presse font partie de l’audience.
Parfois une réaction, un avis que je donne à propos d’une nouvelle ne recueille aucun écho, me laissant dans un sentiment de solitude; tandis que si, au contraire, des réponses, des avis se manifestent, un sentiment de pouvoir me submerge. Peut-être devrions-nous apprendre à nous servir de nos réactions pour attirer l’audience et faire connaître des problèmes importants.
Nous savons que depuis l’importante émergence des nouvelles par les mass-médias au 19ième siècle, il y a conflit entre les commanditaires de la presse et les journalistes : nous avons encore en tête l’excellent film « Citizen Kane » et des romans illustrant le sujet ; pourtant les journalistes ne sont pas tous des héros ou des héroïnes luttant contre le pouvoir en place, et les propriétaires de presse, corrompus ou assassins. Ce n’est pas un tableau réaliste du rapport entre les commanditaires de presse et les journalistes, ces derniers luttent pour dire la vérité, c’est la bataille des conflits d’intérêts pour le contrôle des nouvelles.
En 17 ans, les groupes de médias se sont développés et sont devenus énormes; les nouvelles technologies nous aident à partager nos informations et nos opinions avec tous, à pointer les différences entre la publicité, les nouvelles d’intérêt global et la propagande.
Il y aura toujours un conflit entre les commanditaires et propriétaires de la presse et les journalistes : ceux-ci veulent faire connaître la vérité, tandis que les patrons veulent vendre leurs produits, leurs idées ; parfois même ils appliqueront la force brute pour annihiler leurs adversaires.
Nous avons aussi un défi avec les journalistes, il y a conflit entre la publicité pour captiver l’audience et les nouvelles brutes ; notre sphère publique a changé nos façons de parler, de nous adresser aux autres, ces changements ne sont ni bons ni mauvais, à nous de les utiliser pour faire connaître nos informations et nos opinions, ainsi nous ne nous retrouverons pas à côté du banc ou dans le bas du journal. Si la ‘publicité’ puis les ’nouvelles’ disparaissent de nos écrans ou de nos journaux, nous perdrons quelque chose de très précieux, la manifestation de la vie publique en somme.
La vie privée mérite toute notre attention, elle est menacée par la sphère publique. Rappelons-nous George Orwell 1984. Les personnes ne pouvaient trouver un endroit à l’écart pour s’exprimer sans que le « Grand Frère » les observe du coin de l’œil.
La liberté individuelle fait partie de la sphère publique, et celle-ci est soutenue par la sphère privée. Autrefois, nous écrivions, téléphonions sans jamais nous inquiéter d’être surveillés par quelque pouvoir occulte. A présent avec les nouvelles technologies, nous envoyons des e-mails, des appels WhatsApp, nous commandons des livres, nous nous renseignons sur Internet. La librairie où nous commandons des livres peut très bien donner nos coordonnées à une autre organisation ; tous nos voyages sur Internet sont pratiquement ciblés et même archivés livrant à tous nos centres d’intérêt, nos possibilités financières et intellectuelles.
Le scepticisme et le cynisme sont deux choses très différentes. En fait tout bon journaliste sera un brin sceptique, posera des questions et essayera de se renseigner le plus complètement possible avant de divulguer une nouvelle.
Etre sceptique, c’est donc se poser des questions avant d’accepter un fait comme avéré. Le cynique, lui, nie tout en bloc : aucun homme d’Etat, aucun scientifique, aucun journaliste n’est digne de foi. Cette attitude de doute ne bénéficie à personne, elle est une excuse pour rester passif et ne prendre aucune décision. Le cynique nage entre deux eaux de demi-vérités et de mensonges, il cultive l’inaction.
En fait nous devons travailler à mériter la confiance des autres et œuvrer pour qu’eux-mêmes soient pour nous dignes de confiance. Avec beaucoup de prudence, nous devrons initier des règles éthiques pour le journalisme et même imposer des taxes s’il y a lieu. Certains pensent que l’Internet ne peut être régulé et se trouvent bien à l’aise dans ce champ de liberté chaotique. Pourtant si nous faisons une randonnée en montagne, il nous faut une carte géographique pour nous diriger sinon nous risquons de nous trouver au bord d’un précipice ou de quelque difficulté inévitable. De même le métier de journalisme demande un ensemble de règles éthiques pour avancer en plein jour.
Le journalisme de propagande emploie parfois des méthodes sans scrupules pour sa publicité, aussi il y a besoin urgent d’initier des règles, des normes pour équilibrer le pouvoir. Ainsi les journalistes ont fondé des syndicats pour se tenir debout face aux puissants propriétaires de presse.
Réguler n’est pas censurer. »
John Pilger
« Il y a quelques semaines, « The Guardian » publiait un article en première page avec ce titre : ‘Honte à vous Alex Salmond’, article qui en l’occurrence blâmait l’ex-Premier Ministre d’Ecosse pour une interview avec le supposé futur président de la Catalogne, Carles Puigdemont. Alex Salmond n’avait pas le droit de traiter ce sujet en un débat public ! Considérez l’ironie.
James Clapper, ancien directeur du renseignement national des Etats-Unis (NSA), accuse RT (Russia Today) d’être le pouvoir doux de la Russie. Si RT est le pouvoir doux de la Russie, qu’est la BBC avec son cortège ininterrompu de suppressions de nouvelles, de retards fréquents de leur publication ? Ainsi durant la guerre d’Irlande, plus de 50 e-mails ont été effacés ou parfois retardés. Les guerres d’Irak, d’Afghanistan et du Golfe ont subi le même sort.
J’apparais quelquefois aussi sur RT ; de la gauche à la droite, nous partageons librement nos pensées critiques, une pratique démodée à l’heure actuelle, semble-t-il. L’évidence est la voie du vrai journalisme, or où sont les évidences de nos nouvelles, où est la vérité ? Voyez combien pour le pouvoir et nos éditeurs actuels, la grande renommée de RT est effrayante ! Ainsi le journalisme [traditionnel] d’où je viens considère les nouvelles quotidiennes comme illisibles et imbuvables. Où se tourner ?
Le terme « fake news » (fausses nouvelles) n’a pas été inventé par Donald Trump ; il reflète l’indignation de personnes en quête de vérité ; ce terme dit combien le public est conscient des mensonges qui lui sont délivrés quotidiennement. Il a été ensuite repris par le Royaume-Uni, la France et les pays d’Europe pour critiquer certaines nouvelles.
Mr Clapper est un menteur avéré qui, visant un siège au Congrès, nia l’évidence d’une campagne d’alerte indiquant combien d’informations avaient été révélées par la NSA sur des millions d’Américains et des millions d’entre nous. Edward Snowden rapporta que Clapper avait démissionné, échappant de justesse à une condamnation pour parjure.
Avant la première grande boucherie impériale du siècle, la guerre 14-18, Lord David Lloyd admit à un éditeur sous le sceau du secret que si les gens connaissaient les vrais motifs de la guerre, celle-ci serait arrêtée dès le lendemain. « Mais ils ne savent pas et ne doivent pas savoir ! »
« Les communistes aux enfers ! » Il s’agissait d’un petit pays d’Amérique latine, le Guatemala, que les USA avaient sans doute hâte de contrôler. L’assaut communiste était une fausse nouvelle, par contre le contraire était vrai : les USA avait usé de violences pour défaire le premier gouvernement réformateur de ce pays élu démocratiquement. Le premier président élu démocratiquement de ce pays, Jacobo Arbenz fut déshabillé et laissé nu, alors que chassé de son pays, il franchissait l’aéroport !
En 2009 cet immense pays, qu’est le Venezuela, a été l’objet de 304 rapports archivés après que la première élection démocratique ait élu Hugo Chavez à la Présidence de la République. Sur ces 304 rapports qui ont fait l’objet d’une étude d’une université de l’ouest de la Grande-Bretagne, trois seulement parlent de l’initiative sans précédent de ce pays, de l’’instauration des droits humains dans sa législation, de la réduction de la pauvreté, des projets sanitaires de développement ; pour la première fois des élections avaient eu lieu de manière démocratique… La BBC est fondée sur cette collusion des médias ; les ‘pouvoirs’ firent supprimer un record sans précédent d’élections démocratiques ici et là dans le pays ; ceci pour tromper le public et faire croire que Hugo Chavez était en recherche de supporters et d’électeurs.
Selon nos pouvoirs, certaines nouvelles ont de la valeur, d’autres non ; des victimes ont de la valeur, d’autres non. Cette certitude nous est imposée par des fausses nouvelles “légales”. Après la mort de Hugo Chavez, un journaliste s’exprime ainsi : « Voici quel ‘traitement’ le Venezuela reçoit à nouveau. J’ACCUSE ! » Avec la mort de Hugo Chavez nous avons enterré l’espoir de millions de pauvres. Depuis, règne ce journalisme sans évidences. Mais qui a besoin d’évidences pour faire marcher un repaire de sorcières, qui a besoin d’évidences pour crier ‘j’accuse’. ? Qui a besoin de présomption d’innocence pour réclamer la vérité, le droit à la justice naturelle, la reconnaissance de ceux qui sont morts pour une cause inutile ?
En 1990 l’assaut ‘légal’ de la Yougoslavie, indépendante de l’Amérique et de l’Europe, conduit selon la presse [traditionnelle] au [prétendu] “génocide” de 100.000 Kosovars, hommes de 14 à 59 ans. Le FBI vint contrôler ce “génocide” et s’en retourna bredouille – si l’on peut dire -, rien ne pouvant laisser croire à un tel génocide. L’Espagne convoquée pour une enquête plus poussée de cette mascarade s’en retourna chez elle de même, n’ayant pas découvert une seule victime d’une soi-disant tuerie. Elle déclara : « Voici que nous avons pris part à la pirouette sémantique remontée par la machine de la propagande de guerre ! »
La Yougoslavie n’était pas d’accord d’avoir une occupation par l’Otan tandis que l’Amérique et l’Europe voulaient en libéraliser l’économie et exploiter par là même le marché allemand sinon – ceci figure dans un appendice -, elle serait bombardée ! Les bombardements furent perpétrés par des avions britanniques et américains. Ils visèrent et bombardèrent des usines, écoles, églises, et habitations privées.
En 2009 l’Irak est victime du blocus imposé par les Etats-Unis sur les produits de première nécessité et surtout les médicaments, voici le véritable holocauste ; pas de médicaments de base, de gants stériles, de seringues… De plus, une épidémie de cancers ravage la population à cause de l’emploi d’armes à uranium appauvri lors de la guerre du Golfe. Puis ce fut le tour de la Libye d’être ravagée par des bombardements qui tuèrent des enfants en-dessous de 10 ans. Obama voulait déclencher l’attaque tout de suite afin d’empêcher un bain de sang prévu le lendemain à Benghazi, un mensonge éhonté. En fait les milices rebelles se trouvaient face à face avec les forces libyennes gouvernementales.
Ce qui s’est passé en Irak, notamment ce blocus des médicaments et autres produits de première nécessité est un grand crime, il n’y a pas d’autres mots. Je posais la question à ce propos à des journalistes, Dan Ruben et Frank Louis aux USA : « Que se serait-il passé si les médias avaient défié les mensonges de Bush et de Blair au sujet de l’Irak au lieu d‘en donner l’écho ou de les amplifier ? » Frank Louis répondit : « Il y a une grande probabilité que la guerre n’aurait pas eu lieu ». En d’autres mots, nous aurions évité la mort d’un million de personnes, évité le démembrement d’un pays et les 4 millions de réfugiés qui ont fui leur patrie pour trouver une vie en sécurité ; enfin nous aurions évité la naissance du monstre Etat islamique.
Denis Halliday, représentant de l’ONU sur place en Irak, en protestation à la situation provoquée par les sanctions, quitta ses fonctions ; immédiatement, il disparut complètement des infos ; un soir, il fut reçu grossièrement à une émission de grande audience par ces mots : « N’es-tu pas un apologiste de Saddam Hussein, toi ? ». Certains vantaient la bombe lancée par le meneur d’émission : voyez le cynisme, il avait signé un contrat d’un million de livres sterling pour cette bombe, entre autres.
Ce qui s’est passé en Irak est un crime de grande envergure, et comme je demandais à Frank Louis si cela ne nous rendait pas, nous les journalistes, complices de ce crime, il répondit : « Oui, nous sommes complices. » Une telle contrition est tout à fait inhabituelle ; par ailleurs son journal n’eut garde de s’excuser.
En 2003 on parla des liens de la Lybie avec Al Qaeda et l’Etat islamique (EI), en fait la plupart des combattants rebelles secrètement formés et recevant des armements par le MI5 (Grande-Bretagne) étaient partis pour la Syrie s’engager pour l’EI. Cette collaboration a eu lieu durant 20 ans : je vous conseille de lire la dernière édition de « Secret affairs » (auteur Mark Curtis), il vous dira ce que les nouvelles ne vous disent pas. Kadhafi, disait-on, possédait des armes de destruction massive ! Tout cela relevait en définitive de fausses nouvelles. Les armes principales déployées pour abattre la Libye étaient des fausses nouvelles. Fake news.
Les Américains commencèrent à bombarder la Libye, Obama ayant déclaré que Kadhafi programmait un génocide de son propre peuple à Benghazi et qu’il fallait l’éviter à tout prix sinon nous aurions un effroyable bain de sang qui serait répandu dans toute la région, une terrible responsabilité de morts sur la conscience. Ceci étant le prétexte pour assassiner le Colonel Kadhafi et justifier le bombardement de la Libye. C’était un mensonge. Fake news.
Laissez-moi vous parler de la Russie : Russia Gate !
Les Russes veulent éliminer les forces de guerre américaines, et sur de faux renseignements reçus par la CIA, les Occidentaux les croyaient au top du développement des armes nucléaires ; ces renseignements furent rapidement démentis ; aussi on fabriqua un autre rapport secret montrant l’avancée russe dans le domaine ; en conséquence, plus d’armes furent fabriquées et déployées du côté occidental. Fausses nouvelles, fake news.
Les USA ont voté 12 billions de dollars de dépense en armement nucléaire pour les 30 prochaines années. En jeu notamment leur « bouclier anti-missiles » dans le Grand Nord ; cela veut dire 46 millions de dollars à l’heure, 24 heures sur 24, les 30 jours du mois ! Mais cela pourrait complètement changer en une nuit : ce sera la première faute mathématique, la première erreur, le premier missile.
En 2005, le prix Nobel de littérature Harold Pendericks compara les crimes de la Russie dont nous avons d’abondantes informations à ceux commis par les USA : ces derniers n’ont pas eu lieu, même s’ils sont en train de se passer, ils ne se passent pas, ne se sont jamais passés, ne sont d’aucune importance, ne peuvent nous affecter.
En 2014 l’invasion de l’Ukraine est un coup d’Etat américain converti en Occident en une invasion par la Russie !
En Norvège la fabrication d’un missile nucléaire à longue portée avait été classifiée comme non conseillée ; à présent cette fabrication est ‘devenue concevable’ ! Si j’étais Norvégien, je me demanderais pourquoi le Général de nos armées est un Américain, et pourquoi nous avons besoin des Marines américains dans l’extrême nord de la Norvège. Les USA préparent une guerre contre la Russie, et probablement contre la Chine. Les frontières de la Norvège avec la Russie ont toujours été les plus paisibles depuis des siècles. Maintenant en Ukraine de l’Ouest, les frontières font l’objet de fiévreux préparatifs d’observation et de défense.
Le bain de sang en Syrie n’est pas terminé, en fait le dernier véritable holocauste est une croisade où aucun reporter occidental n’a été admis : les nouvelles sont données par les djihadistes. Ceux-ci sont soutenus par les Américains et la Grande-Bretagne [et la France] ; ils reçoivent secrètement une formation et des armes avec lesquelles les enfants du Yémen ont été tués. La souffrance de la Ghouta occidentale tenue par les forces syriennes et russes est ignorée par l’Amérique, elle n’a pas eu lieu, n’est d’aucun intérêt.
En général en Grande-Bretagne, ce qui relève de la propagande est attribué à la droite – l’aile droite libérale en fait -, comme en témoigne le coup manqué pour faire tomber Jeremy Corbyn. La BBC, le Guardian, le Washington Post, le New York Times sont des voix bien connues et donc crédibles de cette droite libérale. Ce sont eux qui présentent aussi les nouvelles de la manière la plus insidieuse. Les armes de notre modernité sont pour la plupart les nouvelles fausses. Fake news.
Alors que je rencontrais Davis Rose aux USA, nous parlions de cet innommable crime de guerre qu’était la guerre en Irak, et je lui dis : « Que se serait-il passé si nous, les journalistes, avions pris la responsabilité de défier les mensonges de Bush et de Blair au sujet de l’Irak au lieu de nous en faire les échos et éventuellement les amplifier ? ». « Il est très probable que la guerre n’eût pas eu lieu », répondit-il. En clair, nous aurions évité la mort d’un million de personnes, évité le démembrement d’un pays et la fuite de 4 millions de réfugiés vers des régions plus sûres.
En mai 2017, 22 jeunes gens ont été tués dans un attentat terroriste à Manchester perpétré par un groupe islamiste libyen. Depuis plus de 20 ans, ces groupes extrémistes sont encouragés et soutenus par le MI5 ; ils reçoivent de l’aide en munitions et en formation du MI5, le service de sûreté de la Grande-Bretagne.
Bachar el Assad et son armée sont les grands ennemis tandis qu’est vantée ‘la révolution’ positive zélée en Arabie Saoudite amorcée par le jeune futur président ; leurs dirigeants ont engagé une agence de consultance américaine bien connue qui les aide à corriger leur image barbaresque ! Cette qualification de ‘zèle’ pourrait tout aussi bien s’appliquer aux achats intensifs d’armes américaines qui jusqu’à présent servent à décimer la population yéménite.
Après le crash de 2008 qui a révélé l’action frauduleuse de certaines banques et leur écroulement, un nouveau mot est utilisé, nous entendons parler à présent d’austérité en Grande-Bretagne. Pour le peuple, l’austérité est une punition économique collective les privant ou diminuant l’aide publique comme les bureaux de conseil des municipalités, les services d’urgence des hôpitaux, les services des crèches, des bibliothèques et aides publiques diverses. Ainsi selon les informations gouvernementales, 83 milliards de livres sterling doivent être trouvés pour compenser les besoins de l’Etat. Ce chiffre est à peu près celui de la somme dilapidée par ces banques frauduleuses et les corporations bancaires qui attendent sans doute du petit peuple l’aide qui leur permettra de couvrir le montant des taxes non payées et de leurs diverses malversations. Ainsi l’austérité est une invention délibérée, une moquerie de l’Etat vis-à-vis de ses citoyens révélée au grand jour. Elle a démantelé la vie publique civilisée en Grande-Bretagne. Manœuvres frauduleuses imposées aux citoyens, découlant d’une idéologie extrême dangereuse : le néo-libéralisme.
Depuis 2014, les Américains ont renversé 56 gouvernements dont certains avaient été élus démocratiquement. Ainsi l’Amérique a-t-elle dernièrement renversé le gouvernement ukrainien, ce qui en Occident fut présenté comme une invasion russe de l’Ukraine. Depuis 1941, la Russie n’a jamais été provoquée par une démonstration de force de cette amplitude le long de ses frontières avec l’Ukraine.
Ce qui donne une lueur d’espoir est le rejet de l’arrogance affichée par la divinité « média ». Les gens ne supportent plus ces façons d’être traités comme des ignorants. Barrons la route aux politiciens à qui il suffit de quelques mots pour condamner du haut de leur tour à la famine et à la mort de ses enfants un pays déjà au bord du précipice, tel le Yémen. Nous devons nous dépêcher d’agir, d’encourager une nouvelle génération de jeunes journalistes prêts à servir la communication vraie ; bientôt l’Internet ne sera plus ouvert à tous, ne sera plus gratuit, il sera aboli par l’administration Trump. Ne laissant plus place qu’aux informations contrôlées par leurs services.
Il n’est plus question de favoriser ceux qui clament « Regardez-moi, regardez-moi ! », ceux qui veulent leur réussite personnelle ; ceci n’est pas une libération personnelle, ni du consumérisme. La censure sur Internet est devenue une pratique courante. Hâtons-nous !
Nous devons préparer un nouveau langage pour les jeunes journalistes qui rendront compte du monde depuis la hauteur de points de vue responsables et non de points de vue sans consistance et de bas niveau.
Il nous faut aussi défier la question critique des classes sociales, spécialement la classe que les gens servent. Tout cela malgré la diversité et les divers agendas. N’acceptons pas la chute d’organisations qui luttent contre la guerre, l’injustice sociale, les inégalités sociales. Il nous faut défier les groupes de relations publiques (RP) qui prétendent être du journalisme.
Il est temps de reconstruire la réalité des faits. »
Fin
Voir les commentaires ici : https://www.youtube.com/watch?v=LqEtKyuyngs&feature=y…