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Tort juridiquement, raison politiquement : quand Eric Zemmour fait du “en même temps”
Par Régis de Castelnau
Paru le 20 JANVIER 2022 sur le blog de l’auteur Vu du droit
Éric Zemmour en colère
Avant de parler de la condamnation qui vient de frapper Éric Zemmour, il convient de prendre trois précautions. Tout d’abord, les réflexions qui vont suivre sont émises sans connaître précisément le texte du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris. Ensuite, il faut rappeler que c’est lors d’une émission à laquelle il participait en tant que journaliste qu’Éric Zemmour a proféré les phrases qui lui sont aujourd’hui reprochées ; il n’était pas encore candidat à la présidence de la République. Enfin, faute de disposer du texte de ce jugement, et pour se faire une opinion, autant connaître le texte répressif qui lui a été appliqué. C’est l’article 24 alinéa 5 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 qui précise : « Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet […]. Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement. »
Le 29 septembre 2020, lors d’un débat dans son émission « Face à l’info » sur CNews après un attentat devant les ex-locaux de Charlie Hebdo commis par un immigré pakistanais, Éric Zemmour a soulevé le problème des « mineurs isolés migrants », catégorie à laquelle le terroriste avait appartenu. Ceux-ci arrivent clandestinement dans notre pays et, se prétendant mineurs, sollicitent la protection des services de l’aide sociale à l’enfance (ASE). L’expérience a permis de constater que beaucoup, probablement une majorité, étaient des majeurs insusceptibles d’être pris en charge et également que les statistiques de la délinquance établissaient qu’un grand nombre s’adonnait à la délinquance de rue dans les grandes métropoles. Semble-t-il sous le coup de la colère, Zemmour a tenu des propos particulièrement violents : « Ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer et il ne faut même pas qu’ils viennent. » Sentant le danger, Christine Kelly était intervenue en disant « Pas tous ». Ce à quoi Éric Zemmour répondit « Si, tous. »
Ayant assisté en direct à la diffusion de cette émission, j’ai tout de suite pensé qu’il n’échapperait pas à une procédure pour incitation à la haine. Ce qui n’a pas manqué de se produire.
Lors de l’audience, le parquet avait requis la condamnation et il a été suivi par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les délits de presse. Il a donc été reconnu coupable d’avoir commis une des infractions prévues à l’article 24 de la loi de 1881 et condamné à une amende de 10 000 €. Son conseil a immédiatement fait appel du jugement, et dénoncé « une position politique du tribunal », et une absence de bases juridiques pour la décision, l’accusation de provocation à la haine raciale ne tenant pas puisque : « Les mineurs isolés ne sont ni une race, ni une nation, ni une ethnie. ». Cet argument a été largement et peut-être imprudemment repris par les amis d’Éric Zemmour qui annonçaient en chœur que la cour d’appel allait pulvériser ce jugement.
Éric Zemmour a tort
En effet, ce sont bien les mineurs isolés migrants qui étaient visés et accusés d’être tous d’être des voleurs, des assassins et des violeurs. Évidemment, ce n’était pas une race qui était visée, mais la caractéristique principale de ces mineurs était bien d’être des « migrants». Par conséquent des étrangers non français. Or, si on lit bien l’alinéa 5 de l’article 24 que nous avons déjà cité, est prohibée « la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Ce sont donc des personnes n’appartenant pas à la Nation française qui étaient spécifiquement visées. Et dès lors que le tribunal a considéré que les propos de Zemmour constituaient par leur violence et leur généralisation une provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence vis-à-vis d’eux, la condamnation était difficilement évitable. On notera simplement que pour une affaire de ce type la sanction n’est pas très élevée, les jurisprudences habituelles étant facilement plus sévères.
Le désormais candidat à l’élection présidentielle a dénoncé « une condamnation idéologique et stupide (…) Ce système fabrique du délit d’opinion de manière industrielle. Il est urgent de chasser l’idéologie des tribunaux (…) La vérité est que ces “mineurs isolés”, qui ne sont bien souvent ni mineurs, ni isolés, se caractérisent par leur présence irrégulière sur notre territoire et leur forte propension à la délinquance, voire à la criminalité. En tant que citoyens français, nous devons exiger le droit d’aborder cette question (…) sans risquer d’être inquiétés par la justice »
Éric Zemmour a raison
Force est de dire qu’il a parfaitement raison. Le constant rétrécissement de la liberté d’expression et les dérives politiques au sein de la magistrature sont de vraies questions. Et le problème des mineurs isolés migrants en est une très belle illustration.
La procédure qui vient de se dérouler a vu la constitution de 40 parties civiles ! La loi donne beaucoup trop facilement, à des structures privées qui ne sont que des officines politiques, le pouvoir de déclencher l’action publique. Au lieu et place de l’autorité de poursuite institutionnelle qu’est le parquet, ce qui finit par devenir un scandale. On retrouvait sur les bancs de l’affaire Zemmour toutes les associations sans adhérents, les habituels bateleurs d’estrade subventionnés. Mais également des conseils départementaux à direction socialiste pourtant confrontés aux problèmes des faux mineurs qui viennent grever leur budget. Cette situation devient dangereuse et il serait important que le législateur cesse une bonne foi pour toutes de multiplier à l’infini des textes qui corsètent une liberté fondamentale pourtant établie par la Déclaration des droits de l’Homme. Mais également qu’il mette fin à cette privatisation du parquet, porte ouverte à l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Quant aux dérives politiques au sein de la magistrature, on a avec cette question des mineurs isolés deux éléments qui sont quand même très problématiques. Sur le fond, on renverra à l’article publié par l’auteur de ces lignes dans le numéro 4 de la revue Front Populaire qui revient en détail sur la façon dont sont organisées de véritables filières d’immigration avec le système des faux mineurs. Et en particulier sur le coût que cela fait peser sur les finances publiques au détriment de la véritable protection de l’enfance.
Le premier élément est relatif à ses fraudes massives ou des personnes manifestement majeures issues essentiellement de pays d’Afrique de l’Ouest sollicitent des prises en charge de la part des conseils départementaux pour un coût moyen de l’ordre 50 000 € par an. En général parfaitement informés de la situation juridique, ils veillent à n’avoir aucun papier sur eux permettant de déterminer leur âge véritable. Un certain nombre de filières sont organisées et ils sont en général pilotés lors de leurs démarches par des gens se présentant comme des militants. Tous ceux qui ont participé aux entretiens aux audiences judiciaires qui décident des placements diront que pour certains l’évidence de la majorité saute aux yeux. Un certain nombre ont pu être confondus, mais il ne s’est trouvé personne dans les parquets de la République pour s’interroger et enquêter sur ce qui constitue des escroqueries ou des tentatives d’escroquerie (articles 313–1 du Code pénal), puisqu’il s’agit de manœuvres pour bénéficier de prestations auxquelles on n’a pas droit ! De la même façon, on n’a jamais vu une enquête sur la complicité de ces militants dont à l’évidence certains connaissaient parfaitement la majorité de leurs protégés. Mais considérant que la France doit accueillir tous ceux qui veulent venir, et qu’elle doit subvenir à leurs besoins, ces grandes âmes ne voyaient aucun inconvénient à aider à cette spoliation de la collectivité publique. Comment expliquer cette passivité des procureurs face à ce qui constitue d’évidentes infractions pénales ? Rappelons que le surcoût annuel estimé aujourd’hui de ces fraudes est de plus de deux milliards d’euros par an.
Le second élément est celui qui concerne l’attitude de certains des magistrats en charge de ces affaires et qui doivent trancher et décider de la prise en charge des mineurs isolés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Certaines décisions et certaines attitudes lors des audiences pouvaient singulièrement poser question. On ne mettra pas ici en cause les motivations de certaines ordonnances surprenantes, pas plus que l’on insistera sur les risques de délit de concussion, celui qui consiste pour un agent public à accorder un avantage qu’il sait ne pas être dû (article 432–10 du Code pénal). Mais on rappellera ce qui s’est passé à propos de la question des « tests osseux ». Il existe une technique qui permet à l’aide de radiographies de certaines parties du squelette dévaluer l’âge d’une personne, avec une marge d’erreur de plus ou moins 18 mois. Ce moyen, lorsqu’il est utilisé, permet – certes avec une certaine approximation – d’éviter les fraudes les plus évidentes. Lorsqu’il est utilisé…
Un recours a été formé à l’aide d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) devant le Conseil constitutionnel pour que l’utilisation de cette technique soit déclarée inconstitutionnelle comme constituant une atteinte à la dignité humaine (!). On trouvait parmi les demandeurs… le Syndicat de la magistrature.
L’agenda judiciaire d’Éric Zemmour est particulièrement chargé. Il devait s’y attendre, car lui au moins ne s’est jamais fait la moindre illusion sur les dévoiements politiques de notre justice.
Régis de Castelnau
Source: Vu du droit