Par Christophe Oberlin* | 9 Sept 2016
Au début de l’été, en plein Ramadan, Mahmoud Abbas a décidé de convoquer des élections municipales en Palestine pour le samedi 8 octobre. Une décision apparemment solitaire selon certaines réactions jusque dans son propre camp. Si l’on en juge par rapport aux élections précédentes de 2012, boycottées par le Hamas, limitées à la Cisjordanie, soldées par une participation misérable de l’ordre de 30%, qualifiées de « triomphe électoral » par le Fatah, ce nouvel appel à élections peut apparaitre comme un non-événement, tant il en faudrait davantage pour sortir les Palestiniens de la fosse où ils sont confinés. Le Times of Israël (22 juin) conclue très vite que, comme en 2012, le Hamas ne participera pas et les élections se limiteront à la Cisjordanie.
Pourtant très vite certains indices suggèrent une situation bien différente de celle de 2012.
Signe d’un clivage évident, l’ONU se félicite de la préparation de telles élections tandis que des diplomates européens anonymes ou des personnalités dans l’entourage d’Abbas disent que c’est une très mauvaise idée. On évoque une énorme faute politique, ou à l’inverse une lassitude face à l’inflexibilité israélienne notamment vis-à-vis de la colonisation de la Cisjordanie.
Et voilà que le Hamas, à l’inverse de 2012, accepte le principe de nouvelles élections municipales, et garantie la participation de Gaza à l’échéance. Des collaborateurs d’Abbas affirment alors qu’Abbas comptait que le Hamas ne concoure pas, comme en 2012, prédisent que le Hamas pourrait remporter des villes majeures comme Hébron Jénine ou Naplouse, et font pression pour reporter.
Une certaine presse israélienne s’interroge [1] : « Il n’est pas impossible que cette élection finisse par déboucher sur un changement majeur à l’issu duquel le Hamas prendra le contrôle des institutions de l’Autorité Palestinienne ».
Un Hamas qui annonce que le parti n’aura pas de listes à son étiquette, mais soutiendra des listes composées de techniciens et de personnes issues de la vie civile.
Bassem Naïm dirige un centre de réflexion lié au Hamas à Gaza :
Il s’agit d’élections locales qui concernent 450 municipalités. Pour le Hamas ces élections font partie de l’accord de réconciliation. C’est une nouvelle chance pour créer une atmosphère démocratique et permettre aux Palestiniens de travailler ensemble. Mais l’Autorité Palestinienne mets la pression en Cisjordanie, des leaders sont arrêtés, menacés, emprisonnés quelques jours.
Ces élections sont organisées bien que les conditions en Cisjordanie soient complètement déloyales. On ne peut se déplacer du fait des check points, il est hors de question de prendre la parole publiquement au nom du Hamas. Le porte-parole du Hamas à la commission électorale en Cisjordanie a été arrêté il y a 2 semaines par Israël et mis en détention administrative. Et malgré tout nous soutenons la tenue de ces élections. Nous soutenons des listes de technocrates, ingénieurs, médecins, etc. Nous attendons de ces élections :
1- La réalisation des conditions d’une réconciliation palestinienne.
2- Que certaines municipalités (débarrassées de l’étiquette » Hamas » ndlr) pourront une fois établies reprendre contact avec l’extérieur et obtenir ainsi un soutien au niveau municipal (l’Union Européenne a suspendu ses aides directes aux municipalités dirigées par le Hamas ndlr).
3- Que la communauté internationale saisisse la chance de réviser sa position concernant les forces politiques en Palestine, reconnaisse que le Hamas fait partie du système politique et du processus démocratique. Car le Hamas respectera les résultats quels qu’ils soient. Dix années n’ont pas permis de nous rayer de la carte politique. Nous souhaitons que la communauté internationale admette que le Hamas puisse concourir et éventuellement gagner des élections libres. Et nous appelons le plus grand nombre d’observateurs étrangers à contrôler ces élections : journalistes, fondation Carter, associations de défense des droits de l’homme, etc.
Pour Mahmoud Zahar, leader historique du Hamas :
Ce que nous attendons de ces élections, c’est la désignation à la tête des municipalités de techniciens compétents pour gérer localement dans une situation très difficile, tout en laissant complète liberté à nos forces armées pour assurer la défense de notre territoire.
Et toujours la même question pour Jérusalem-est « annexée » par Israël, annexion évidemment non reconnue internationalement : Israël autorisera-t-il la tenue de ces élections ? Très probablement pas.
Donc beaucoup de questions, résolues provisoirement par la Cour suprême palestinienne le jeudi 8 septembre. Arguant de quelques listes Fatah refusées par la commission électorale à Gaza, son président suspend l’élection prévue pour octobre.
Un soulagement pour Israël et l’Autorité Palestinienne, mais jusqu’à quand ?
Par Christophe Oberlin* | 9 Sept 2016
[1] http://www.al-monitor.com/pulse/home.html, Shlomi Eldar, août 2016
*Derniers ouvrages parus:
-Le Chemin de la Cour – Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale, Erick Bonnier Paris 2014
-L’Echange – Le soldat Shalit et les Palestiniens, préface de Jacques Gaillot, Erick Bonnier Paris 2015
Source : https://arretsurinfo.ch/qui-a-peur-des-elections-en-palestine/