palestine - Khalid al-Jawabreh,

 Khalid al-Jawabreh, 19 ans, assassiné dans le camp de réfugié al-Arrub près d’Hebron, par les troupes israéliennes d’occupation – APA/Wisam Hashlamoun

Première partie

Vivant sous une occupation brutale depuis presque un demi-siècle, sans aucune perspective de sa fin, le peuple palestinien en particulier à Jérusalem, a depuis la fin de septembre lancé de nouvelles protestations de masse contre les dernières incursions israéliennes sur les lieux saints. Il s’est à nouveau révolté contre l’occupation.

Suite à cela, l’armée israélienne, aidée par des milliers de colons armés qui infestent la Cisjordanie, a intensifié l’usage de la violence, faisant plus de 100 morts, 2200 blessés et procédant à 4000 kidnappings en moins de deux mois. L’armée israélienne et les bandes armées des colonies, en complète violation du droit international et des conventions de Genève, ont régulièrement recours à toute une panoplie de moyens violents pour forcer les Palestiniens à l’exil ou les contraindre à la soumission face à l’occupation.

Les méthodes brutales israéliennes comprennent :

- la violence et la provocation par les colons sous la protection complète de l’armée
- les violences contre les enfants, y compris les enlèvements, les meurtres, allant jusqu’à arrêter des enfants aussi jeunes que 5 ans
- le meurtre de nourrissons en les brûlant vifs
- l’utilisation constante des démolitions de maisons comme punitions collectives
- l’utilisation des peines de prison largement excessives pour des actes de défiance comme jeter des pierres
- envahir et ravager des sites religieux vénérés
- cibler délibérément des journalistes qui osent défier la propagande israélienne.

Le peuple palestinien – sous occupation ou sous blocus, en exil et empêché par Israël de retourner dans ses foyers, privé de son droit à l’autodétermination – a le droit légitime de résister à l’occupation militaire et de manifester pour protester contre le déni de sa liberté et de ses droits humains, la confiscation de ses terres, ou la construction et l’expansion des colonies israéliennes sur le sol de sa patrie.

Bien que la plupart des Palestiniens optent pour l’utilisation de la résistance non violente comme tactique contre la brutalité de l’occupation, le droit international ne limite pas la résistance à l’utilisation de moyens pacifiques. En substance, le droit à la résistance armée est légitime, sous réserve du droit international humanitaire, et est inscrit dans le droit international et ne peut être refusé à personne, dont les Palestiniens dans leur lutte pour gagner leur liberté et exercer leur droit à l’autodétermination.

En outre, le droit international ne confère aucun droit à la puissance occupante d’utiliser la force contre les populations sous occupation afin de maintenir et renforcer sa main-mise, y compris en situation dite d’auto-défense. En bref, les agresseurs et les voleurs de terres n’ont par définition pas le droit à l’usage de la force pour dominer leurs victimes.

Par conséquent, comme une question de principe inscrite dans le droit international, les attaques contre des cibles militaires, y compris des soldats, des bandes de colons armés ou des institutions agissant pour l’occupation, sont légitimes et aucune action de résistance, qu’elle soit non-violente ou non, ne peut être condamnée ou qualifiée de terrorisme.

En outre, la validité de l’utilisation de la lutte armée contre l’oppression et le déni des droits politiques par des régimes tyranniques et colonialistes, est bien établie. Le patriote Patrick Henry avait rallié ses compatriotes avant la Révolution américaine en 1775 dans son appel fameux « donner la liberté ou donnez-moi la mort ».

L’icône des droits civiques Martin Luther King, Jr. a même rejeté le pacifisme face à l’agression. Il ne doutait pas de son importance tactique quand il a déclaré : « Je soutiens que le débat sur la question de la légitime défense est inutile puisque peu de personnes suggèrent que les Noirs ne devraient pas se défendre individuellement lorsqu’ils sont agressés. La question n’est pas de savoir si on doit utiliser une arme lorsque sa maison est attaquée, mais si c’est tactiquement sage d’utiliser une arme à feu alors que l’on participe à une manifestation organisée. »

Mahatma Gandhi a considéré la résistance active comme plus honorable que le pacifisme quand il a dit : « Je préfèrerais que l’Inde ait recours aux armes pour la défense de son honneur que de la voir, lâchement, devenir ou rester un témoin impuissant de son propre déshonneur. »

Nelson Mandela a lui aussi réfléchi sur cette question quand il a affirmé qu’il avait eu recours à la lutte armée lorsque « toutes les autres formes de résistance étaient impossibles », et il a exigé que le régime de l’apartheid « garantisse la liberté politique » aux noirs avant d’appeler ses compatriotes à suspendre la lutte armée.

Par conséquent, le débat sur l’opportunité de l’utilisation de la résistance armée contre l’occupation israélienne pour faire avancer la cause de la justice pour les Palestiniens, n’est pas autour de la légitimité, mais plutôt de la meilleure stratégie politique à la lumière du déséquilibre existant entre la puissance militaire israélienne et un soutien public et massif des peuples autour de le monde pour leur juste lutte.

Pourtant, la réalité du conflit révèle que le peuple palestinien a été massivement soumis aux impitoyables violences et agressions israéliennes depuis 1948. À l’exception de la guerre de 1973 (initiée par l’Égypte et la Syrie afin de reprendre les régions perdues dans la guerre de 1967) chaque guerre israélo-arabe dans les sept dernières décennies (’48, ’56, ’67, ’78, ’82, ’02, etc.) a été lancée par Israël et a abouti à plus de déracinement et de misère pour les Palestiniens. Et depuis 2008, Israël a lancé trois guerres brutales contre Gaza, avec chaque fois des conséquences dévastatrices.

Dans la guerre de l’hiver 2008/2009, Israël a assassiné 1417 Palestiniens et a perdu 13 personnes dont 9 soldats. Dans la guerre de 2012, Israël a assassiné 167 Palestiniens et a perdu 6 personnes dont 2 soldats. Et dans la guerre de 2014, Israël a assassiné 2104 Palestiniens, dont 539 enfants, transformant 475 000 personnes en sans-abri, détruisant 17500 maisons et endommageant 244 écoles et des dizaines d’hôpitaux et de mosquées. Dans cette guerre Israël a perdu 72 personnes dont 66 soldats. En bref, depuis la fin 2008 Israël a assassiné 3688 Palestiniens dans ses trois guerres déclarées et a perdu 91 personnes dont 77 soldats.

Le ciblage honteux et délibéré des enfants palestiniens a été amplement documenté puisque plus de deux mille d’entre eux ont été tués par Israël depuis 2000. Cette utilisation massive par Israël d’une violence délibérée contre les Palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza (qui sous un blocus paralysant depuis 2007) a été étudiée et qualifiée de constitutive de crimes de guerre, et condamnée par l’ONU dans le rapport Goldstone ainsi que par d’autres organisations comme Amnesty International et Human Rights Watch.

Le processus d’Oslo en 1993 a vu la promesse de mettre fin à des décennies d’occupation israélienne. Mais le processus a été truqué dès le départ, comme bon nombre des participants l’ont admis récemment. C’était un stratagème israélien pour mettre fin à la première révolte palestinienne et donner à Israël la marge de manœuvre dont il avait besoin pour coloniser de façon agressive et de façon permanente la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.

C’était un accord avec un rapport des forces totalement inégal, un côté tenant toutes les cartes en main et ne faisant aucune réelle concession et un autre beaucoup plus faible et dépouillé de tous ses atouts dans la négociation. Pendant cette période, le nombre de colonies de peuplement en Cisjordanie a plus que doublé et le nombre de colons a augmenté de plus de sept fois pour arriver aujourd’hui à plus 600 000, y compris à Jérusalem-Est.

Le monde n’a qu’à écouter Benjamin Netanyahu pour savoir qu’Israël n’a aucune intention de se retirer ou de mettre fin à son occupation. Lors de son premier passage au pouvoir comme premier ministre, Netanyahu (montré ici dans une vidéo), alors qu’il visitait une colonie en 2001, a affiché sa véritable intention de voler jusqu’à 98% des territoires palestiniens en Cisjordanie et à mettre fin au processus d’Oslo. Pensant être à l’abri des micros, il a parlé franchement à un groupe de colons de sa vision stratégique, de ses plans et tactiques.

Dans sa vision, il leur a assuré que « les colonies sont ici. Elles sont partout. » Il a déclaré : « J’ai stoppé l’application des accords d’Oslo. Il vaut mieux donner 2% que 100%. Vous avez donné 2%, mais vous avez arrêté le retrait. » Il a ensuite ajouté : « J’ai imposé ma propre interprétation des accords de manière à cesser la course vers un retour aux frontières de 1967 ».

Quant à la tactique, Netanyahu a librement avoué son objectif de causer tant de douleur aux Palestiniens qu’ils se soumettront à l’occupation plutôt que de résister. Il a déclaré : « La chose principale est de les frapper non pas une fois mais plusieurs fois si douloureusement que le prix qu’ils paient sera insupportable, les amenant à craindre que tout est sur le point de s’effondrer. » Quand il lui a été rétorqué qu’une telle stratégie pourrait entraîner le monde à considérer Israël comme l’agresseur, il dédaigneusement répondu : « Ils peuvent dire ce qu’ils veulent. »

Il a également laissé entendre qu’il n’était nullement préoccupé par une pression américaine, affirmant qu’il pouvait facilement manipuler le principal bienfaiteur d’Israël quand il a déclaré que « l’Amérique est quelque chose que vous pouvez facilement manœuvrer et pousser dans la bonne direction. Je n’ai pas peur d’affronter Clinton. Je n’ai pas peur d’aller contre l’ONU. »

Même si les dirigeants du monde considèrent Netanyahu comme un « menteur » et qu’ils « ne peuvent pas le supporter », comme indiqué dans cet échange entre l’ancien président français Sarkozy et Barack Obama, aucun dirigeant occidental ne se dressera contre Israël, même si un parlementaire britannique a déclaré que 70% des Européens considèrent Israël comme un « danger pour la paix dans le monde. »

Mais les postures expansionnistes et les politiques d’obstruction des dirigeants israéliens ne sont pas limitées à la droite israélienne. L’ancien dirigeant travailliste Ehud Barak a été tout autant déterminé en 2000 à Camp David pour ne pas se retirer de la Cisjordanie, de Jérusalem, ou démanteler les colonies.

Pendant des décennies, le monde a attendu qu’Israël décide de son destin en choisissant deux parmi les trois éléments le définissant : son caractère juif, sa prétention à la démocratie, et les terres du prétendu « Grand Israël ». Si cet État choisi de conserver sa majorité juive et prétend être démocratique, il doit alors se retirer des terres qu’il occupe depuis 1967. S’il insiste sur l’accaparement des terres tout en ayant une démocratie, il doit intégrer ses populations arabes dans un État laïc, tout en abandonnant son exceptionnalisme juif .

Pourtant, malheureusement – mais fidèlement à sa nature sioniste – Israël a choisi de maintenir son exclusivité juive sur l’ensemble de la Palestine historique, et de se transformer manifestement en un État d’apartheid.

Sami Al-Arian | 8 décembre 2015

Première partie

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