Je découvris, ébloui
Par le hublot de l’avion
Les ocres roses et bleues
Des monts nus de pierre
Qui sertissent le creux de la Mer Morte
Et les scintillances d’argent
Des rivages de Gaza…
Première vision à l’aube
Des terres de Palestine
Dont les vallées, les collines
Semblaient parcourues
Par un long serpent gris
Qui ondulait entre elles…
A moins que ce ne soit
La rivière Jourdain
Dans les eaux de laquelle
Dit-on
Fut baptisé le jeune Jésus…
*
Mais de retour sur la terre
De la Terre dite Sainte
– Comme si toutes les terres
N’étaient pas saintes ! –
Je découvris en parcourant
Ses paysages de pierres
Inondés de lumière
Que ce que j’avais pris
Pour un long serpent gris
Ou la rivière Jourdain
Etait bien pire…
C’était un long mur de honte
Muraille de haine
Hérissé de crocs d’acier
De caméras, de senseurs
De miradors blindés
Et de tours fortifiées…
Une longue plaie béante
Purulente et sinueuse
Lacérant les collines
Au sommet desquelles
Se dressaient, arrogantes
Sous protection de l’armée
De l’occupation
Et de la dépossession
Les colonies du déshonneur
Des usurpateurs
Des pillards de la terre
Et de la féroce ignominie…
*
Je me souviens de ce vieux libraire
A la barbiche d’or
Dans la Jérusalem Orientale
A qui je demandais
S’il existait un Guide
Culturel de la ville…
Le vieillard me regarda, surpris,
Par dessus ses lunettes
Et me dit en français
En haussant les sourcils :
« Mais Monsieur, vous ne savez donc pas ?
Il y a longtemps que la culture n’est plus là…
Ensevelie dans la haine et les cimetières
De trop de milliers de morts !
L’esprit sacré de la vie est mort
Etouffé sous le sang
Le joug de l’esclavage
Et du crime…
Et ce qu’il restait encore
De cet esprit, épris de justice
Et de liberté
S’en est allé vivre ailleurs
Ne pouvant plus respirer
L’abomination
A l’ombre des mensonges…»
« Si vous cherchez un manuel
De l’a-culture actuelle
Je vous conseille celui-ci
C’est un catalogue
De fabricants d’armes
D’apprentissage à tuer…
Et j’ai aussi celui-là :
Le Guide des Cimetières
Dans la Ville dite Sainte… »
*
Il chercha encore
Juché sur un tabouret
Sur la plus haute étagère
Un très fin fascicule
L’épousseta de sa manche
Et me le tendit…
« C’est la première édition
Dit-il
Publiée dans cette ville
D’un petit texte ancien
Que plus personne ne lit ici…
Je vous le donne pour presque rien
Tant il est déchiré, maculé
Brûlé, mutilé… »
J’en déchiffrais le titre
Presqu’effacé :
C’était « Le Cantique des Cantiques… »
(Octobre 2023)
Ancien-haut fonctionnaire du Bureau du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
Source: Arretsurinfo.ch







































































































































































































































