Les unités de l’armée syrienne, aidées par l’aviation russe – en collaboration avec les groupes de défense populaire – ont réussi à reprendre la citadelle de Palmyre après s’être violemment affrontés aux groupes terroristes qui l’occupaient depuis mai 2014.ée.
Nous reproduisons ci-dessous deux textes rédigés en mai 2015, par Charlotte d’Ornellas et Hadrien Desuin, après la prise de Palmyre par les groupes terroristes. Ils remettent les pendules à l’heure. (Silvia Cattori | 27 mars 2016)
Sauver Palmyre ? Les politiques ont dit non
Par Charlotte d’Ornellas |22 mai 2014
Les premières photos de Palmyre occupée par l’État Islamique circulent : des cadavres décapités alignés sur une route, non loin du site plurimillénaire rappelant la richesse civilisationnelle de la Syrie qui continue à subir les foudres de cette monstrueuse armée démoniaque.
Mercredi 20 mai, le père Mourad, supérieur du monastère Mar Elian situé à une centaine de kilomètres, apprend la chute de Palmyre comme nous tous.
Il écrit alors :
« Les extrémistes qui s’appellent « Daesh » approchent de notre ville de Qaryatayn après leur domination de Palmyre où ils ont tué beaucoup des gens en coupant les têtes…C’est terrible ce que nous vivons… Aujourd’hui nous sommes là, demain on ne sait pas… La vie devient compliquée… priez pour nous S.V.P. »
Le lendemain matin, des hommes cagoulés se revendiquant de l’État Islamique l’enlevaient avec un autre chrétien. De nombreux réfugiés avaient fui vers la ville de Qaryatay, fuyant l’avancée de l’État Islamique ; et le père précisait quelques heures avant son enlèvement qu’il refusait de partir :
« Comme prêtre et pasteur, je ne quitterai jamais le lieu tant qu’il y a des gens, sauf si l’on me chasse. »
Qui a enlevé le père Mourad précisément ? Impossible de le savoir.
L’État Islamique, fort de ses avancées spectaculaires, de son armement inépuisable et de ses fraîches recrues venues du monde entier par la Turquie attire.
L’enlèvement a pu être organisé par un groupe local de rebelles sans doute « modérés »…
Le résultat est le même : un de plus tombé entre les mains de ces islamistes assoiffés de sang et de domination.
La prise de Palmyre est préoccupante. Au-delà de la menace qui pèse désormais sur ce bijou antique, des milliers de vies sont en suspens et la Syrie reste plus menacée que jamais. L’Unesco a timidement appelé à la « cessation immédiate des hostilités», comme si l’État Islamique allait revenir subitement à la raison… La coalition internationale reste muette.
Le journaliste Frédéric Helbert, grand reporter et Prix de la meilleure enquête magazine en 2014 pour son reportage « Les armes chimiques de Bachar » tweetait vendredi :
« Via les satellites et drones, la coalition a vu l’État Islamique marcher sur Palmyre. La non intervention a été décidée en toute connaissance de cause ».
Quelques minutes plus tard, il ajoutait :
« Empêcher l’attaque de Palmyre ? Nous y étions prêts dit un militaire de la coalition. Les politiques, y voyant une aide à Bachar, ont dit non ».
‘Aider Bachar’, c’était en l’occurrence sauver des vies.
Cette coalition internationale de 60 pays n’a jamais eu aucun résultat décisif en face de l’État Islamique, et refuse d’intervenir malgré une connaissance parfaite de la situation. Comment croire qu’elle en ait simplement la volonté ?
Depuis des années, les habitants d’Alep appellent au secours, encerclés par un nombre croissant d’islamistes qui attaquent sans cesse les civils. Plus largement, les Syriens supplient depuis quatre ans l’Occident de faire pression pour que la Turquie ferme ses frontières mais également pour qu’il cesse d’envoyer des armes à des « rebelles modérés » qui ne l’ont jamais été.
Il existe en Syrie un gouvernement reconnu par les Nations Unies et une armée qui lutte contre une menace internationalement reconnue. Il serait temps de renouer les relations diplomatiques…
Les Syriens n’attendent qu’une chose, la paix. Et les dirigeants occidentaux qui leur promettaient hypocritement la démocratie et les droits de l’Homme auront des comptes à rendre.
Par Charlotte d’Ornellas |22 mai 2014 – Source: Charlotte d’Ornellas
Prise de Palmyre par l’État islamique : pourquoi une telle inaction de la coalition?
Par Hadrien Desuin| 22 mai 2015
L’État islamique s’est entièrement emparé de Palmyre ce jeudi. Hadrien Desuin, dénonce l’inaction de la coalition qui préfère sacrifier la cité antique plutôt que d’apporter son concours à Bachar al-Assad.
Le 13 mai, l’offensive de l’État islamique débutait à Palmyre, carrefour névralgique du désert syrien et vestige antique d’une civilisation bel et bien disparue. Deux grosses larmes de crocodiles ont coulé sur les joues de Laurent Fabius et François Hollande. Une semaine plus tard, une contre-offensive djihadiste fait reculer l’armée syrienne fidèle à Bachar Al-Assad. Laquelle doit céder à nouveau le nord de la ville après l’avoir repris quelques heures. Les combats continuent, pourtant la coalition anti-Daesh emmenée par les occidentaux détourne pudiquement le regard.
Elle continue de bombarder avec succès les positions djihadistes face aux kurdes, hier à Kobané et aujourd’hui à Hassaké, mais Palmyre l’indiffère. Quelques raids aériens bien guidés auraient pu stopper net les colonnes du Djihad. Mais parce que ce sont des alaouites qui résistent à la barbarie, rien ne sera fait.
L’indignation de la communauté internationale est unanime, la directrice générale de l’Unesco Irina Bokova s’active pour sauver Palmyre. Jack Lang, président de l’institut du monde arabe, a pris les accents des soldats de l’an II sur Europe 1: «il faut massacrer ces massacreurs et sauver Palmyre!» Décidément ses camarades font peu de cas de nos racines gréco-latines. La culture n’a pas d’importance quand les «méchants» la défendent. Comme si l’Occident ne parvenait pas à sortir de son manichéisme pour prendre la moins mauvaise des solutions.
Cette indignation stérile s’explique aisément: la bataille de Palmyre remet en cause le dogme de l’alliance tacite entre Bachar et l’EI. C’est le conte que rabâche depuis quatre ans les chantres de «l’opposition syrienne»: Bachar et l’EI sont alliés, ils sont les deux têtes d’un même hydre bicéphale. Tandis que des combats opposent depuis des années les troupes loyalistes aux soldats du califat à Der Ez Zor, à Damas et ailleurs; tout est fait pour minimiser sinon effacer la part que prend l’armée loyaliste dans la lutte contre Daesh.
Cette indignation stérile s’explique aisément: la bataille de Palmyre remet en cause le dogme de l’alliance tacite entre Bachar et l’EI.
Une fable qui cède le plus souvent à la facilité complotiste: l’EI est une créature de Bachar Al-Assad. Conclusion imparable des derniers rêveurs du printemps arabe: pour vaincre Daesh, il faut renverser Bachar. Et si, après Palmyre, c’était l’État islamique qui renversait Bachar, le maître de Damas serait-il encore coupable?
Soucieuse de se montrer réactive, la diplomatie française se hâte lentement. Elle a décidé de prendre une initiative bien de chez nous; Ses partenaires internationaux, dont John Kerry, sont invités le 2 juin à Paris, pour une réunion. Mais que sera Palmyre dans douze jours? Il suffit d’un ordre pour modifier la trajectoire de nos aéronefs qui bombardent l’EI de l’autre côté de la frontière syrienne. On voudrait enterrer Palmyre discrètement qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Parce qu’on préfère sacrifier un pan entier de notre civilisation plutôt que de donner une victoire à Bachar, rien ne sera fait pour sauver Palmyre. Dans une quinzaine de jours, quand nos diplomates se réuniront au quai d’Orsay, les ruines fumantes de la ville porteront d’autres stigmates que celles du temps, celles de la furie et de l’indifférence des hommes, celles des duels d’artillerie. Une deuxième fois, et quelque soit le vainqueur, Palmyre sera détruite.
Par Hadrien Desuin | 22 mai 2015
Source: Le Figarovox.