Dans toute guerre la propagande est des deux côtés. Rien n’est tout blanc ou tout noir. La partie russe est totalement discréditée, sa version officielle des faits censurée. La seule manière de garder un peu d’équilibre est pourtant de l’entendre. A cet effet nous nous efforçons de porter à la connaissance de nos lecteurs quelques déclarations de représentants officiels russes. S.C.


Remarques du ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov lors d’une réunion du conseil d’administration du Fonds Alexandre Gorchakov pour la diplomatie publique, Moscou, 25 mars 2022.


25 mars 2022

Source: Ministère des Affaires étrangère 


Chers collègues,

Nous commençons la réunion du Conseil d’administration du Fonds Alexandre Gorchakov pour la diplomatie publique.

Il n’est pas nécessaire de mentionner à nouveau que nous tenons cette réunion à un moment difficile. La situation internationale a atteint son point d’ébullition. En fait, nous assistons au point culminant d’une politique visant à contenir la Russie, poursuivie par l’Occident depuis longtemps afin d’affaiblir nos positions, d’essayer de réaffirmer un monde unipolaire (comme ils l’admettent maintenant presque ouvertement), en exigeant que tout le monde obéisse aux “règles” élaborées par les pays occidentaux. Les États-Unis jouent un rôle essentiel dans l’avancement de ces politiques et de ces philosophies. Cela est clair pour tout le monde.

Le soutien apporté par Washington et Bruxelles (l’OTAN et l’UE) au régime de Kiev afin d’en faire un outil pour contenir la Russie et tout ce qui est russe a été le point culminant de leurs politiques russophobes. Pendant toutes ces années, l’Ukraine n’a cessé d’adopter des lois interdisant l’utilisation de la langue russe dans l’enseignement, les médias et même dans la vie quotidienne. De cette façon, toutes les racines russes et l’histoire commune des peuples russe et ukrainien ont été arrachées en Ukraine.

Ces dernières années, l’Ukraine a été inondée d’armes, attirée dans l’OTAN et poussée vers une solution musclée de la question du Donbass. Les dirigeants de Kiev ont été encouragés à saboter le paquet de mesures de Minsk pour le règlement pacifique de la crise dans l’est de l’Ukraine, même si ce document fait partie du droit international et a été approuvé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.

Pendant que les dirigeants ukrainiens se soustrayaient à leurs obligations en vertu des accords de Minsk, les nationalistes détruisaient des installations civiles, des écoles et des hôpitaux dans le Donbass. Tout le monde le sait. Ces faits, y compris le meurtre de civils, ont été régulièrement décrits par nos médias, mais étouffés en Occident. Plus de 10 000 civils sont morts. Personne en Occident n’a prêté attention au blocus économique, commercial, de transport et alimentaire inhumain des républiques populaires autoproclamées de Donetsk et de Lougansk.

Les plans non dissimulés de Kiev visant à acquérir une capacité nucléaire ont suscité notre inquiétude. Les programmes biologiques militaires mis en œuvre par le Pentagone en Ukraine et la création de près de 30 laboratoires ont retenu notre attention. Nous avons soulevé cette question au Conseil de sécurité des Nations unies. Il ne s’agit pas d’un acte ponctuel, et ce sujet restera au centre de l’attention car il est directement lié aux risques et menaces pour la paix et la sécurité internationales. C’est dans cet esprit que nous poserons des questions sur les activités militaro-biologiques non transparentes dans le monde.

Nous sommes particulièrement préoccupés par l’espace géopolitique de l’ex-URSS, où l’armée américaine et le Pentagone établissent des laboratoires biologiques militaires. Même les pays hôtes de ces installations américaines ne savent pas toujours quel type de recherche ils y effectuent.

Le président russe Vladimir Poutine a expliqué en détail que dans cette situation, nous n’avions pas le choix. Une attaque a été lancée contre nous de toutes parts pour entraver notre développement et créer une menace directe à nos frontières. De plus, l’Ukraine a officiellement annoncé qu’elle ne respecterait jamais les accords de Minsk. Nous n’avions pas d’autre choix que de reconnaître la RPD et la RPL et de lancer une opération militaire spéciale à leur demande et sur la base de nos traités d’assistance mutuelle avec elles. Cette opération vise à protéger les personnes et leurs vies du danger de la guerre, à démilitariser et à dé-nazifier l’Ukraine. Nous devions nous assurer que les menaces pour la sécurité de la Russie et la renaissance de l’idéologie et des pratiques nazies et néonazies, interdites par le procès de Nuremberg, ne viendraient jamais du territoire de l’Ukraine.

Aujourd’hui, une guerre hybride totale a été déclarée contre nous. L’Allemagne d’Hitler utilisait ce terme. Maintenant, il est mentionné par de nombreux politiciens européens lorsqu’ils décrivent ce qu’ils veulent faire avec la Fédération de Russie. Ils ne cachent pas leurs objectifs mais les déclarent en public : briser, détruire, éliminer et étouffer l’économie russe et la Russie dans son ensemble.

Lorsque nous voyons cette campagne de sanctions sans retenue, nous comprenons que rien ne se cache derrière les “valeurs” que nos collègues occidentaux n’ont cessé de nous prêcher : la liberté d’expression, l’économie de marché, l’inviolabilité de la propriété privée ou la présomption d’innocence. Dès que l’Occident a dû faire quelque chose de concret à l’égard de la Russie, il a facilement abandonné toutes ces valeurs.

Indépendamment de ces efforts, il est hors de question d’isoler la Russie (bien que ce soit précisément l’objectif fixé). Nous n’allons pas non plus nous auto-isoler. Nous avons de nombreux amis, alliés et partenaires dans le monde. La Russie travaille avec de nombreux pays sur tous les continents au sein de nombreuses associations. Nous continuerons à le faire.

La propagande jongle avec le nombre de votes pour les résolutions provocatrices à l’ONU. Cependant, l’écrasante majorité des États qui ne font pas partie du collectif historique qu’est l’Occident ne veulent pas jouer un jeu déséquilibré. Ils sont soumis à une pression énorme, mais ils ne doivent pas se laisser guider par les textes provocateurs de la propagande avec laquelle l’Occident joue à l’ONU ; ils doivent se laisser guider par l’état réel des liens commerciaux et économiques. L’écrasante majorité des États n’a pas rejoint (et, j’en suis convaincu, ne rejoindra pas) le jeu des sanctions de l’Occident. Ces États souhaitent développer une coopération interétatique équitable fondée sur les principes clés de la Charte des Nations unies, principalement l’égalité souveraine des États. L’Occident piétine grossièrement ce principe et impose sa “suprématie” à tous les pays. L’histoire de la Russie et de l’Europe a été témoin de telles tentatives de soumettre tout et tout le monde. Elles sont vouées à l’échec.

Chers collègues,

Il est nécessaire de prendre en compte l’environnement géopolitique actuel dans les travaux du Fonds. L’accent doit être mis sur la promotion de la coopération avec les organisations des pays qui sont restés à l’abri de l’hystérie anti-russe. Ils représentent l’écrasante majorité de la communauté internationale (plus de 80 % de la population mondiale). Les défis et menaces les plus récents (le cyberespace et le risque persistant de guerre) doivent rester à l’ordre du jour du Fonds.

Source: Ministère des Affaires étrangères

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