Par Maxime Chaix | 20

Le 18 janvier dernier, France 2 a diffusé le 52ème numéro d’Un Oeil sur la planète. Intitulée « Syrie, le grand aveuglement », cette émission, qui s’annonçait exceptionnelle, fut largement à la hauteur de mes attentes. Je vous encourage à la regarder intégralement, en particulier si vous estimez encore que le régime de Bachar el-Assad est entièrement responsable de cette tragédie :

Depuis le début de ce conflit en 2011, les médias français ont adopté une ligne presque exclusivement anti-Assad, conformément à l’irréaliste politique syrienne de l’État français. De ce fait, jamais une émission du service public n’avait aussi fidèlement décrit la réalité de la guerre en Syrie telle que je l’ai perçue à travers mes lectures, mes recherches et mes conversations avec des experts, des reporters et des amis syriens. Je dois notamment saluer la pertinente intervention de la journaliste Adeline Chenon-Ramlat, qui a rappelé que la plupart des « rebelles » étaient des mercenaires à la solde d’« alliés» pas vraiment attachés aux droits de l’Homme et à l’héritage des Lumières :

Un Œil sur la planète. Syrie : “Quand on combat, on reçoit un salaire”

Actuellement, Adeline Chenon-Ramlat sort un livre intitulé Ma Syrie, que je vous recommande vivement :

Je remercie également Patrick Boitet, le rédacteur en chef de cette émission, qui a diffusé sur son compte Facebook mon article sur les errances de la politique syrienne de l’État français :

Comme je l’ai écrit sur ce réseau social après avoir regardé cette émission,

Enfin, je vous recommande ma dernière analyse approfondie sur ce conflit, dont l’extrait suivant compense ce que j’ai perçu comme la seule carence de cette émission – c’est-à-dire l’absence de référence au rôle majeur de la CIA dans la guerre secrète contre le régime el-Assad :

« Un article du New York Times vient de dévoiler le nom de code de la guerre secrète multinationale de la CIA en Syrie : il s’agit de l’opération Timber Sycamore, ce qui peut signifier “Bois de Platane” ou “de Figuier sycomore”. En 1992, les chercheurs syriens Ibrahim Nahal et Adib Rahme avaient publié une étude selon laquelle, “[b]ien que la largeur des cernes soit influencée par les facteurs du milieu, le bois de Platane d’Orient peut être classé parmi les espèces à croissance relativement rapide par rapport au hêtre ou au chêne.” Les groupes rebelles majoritairement jihadistes, qui ont proliféré en Syrie à partir de l’été 2011, pourraient donc être considérés comme des “platanes d’Orient” du fait de leur “croissance rapide” – sans qu’un lien ne soit forcément établi entre le nom de code de cette opération clandestine de la CIA et ce phénomène biologique. Il est également possible que “Sycamore” fasse référence non pas au platane mais au figuier sycomore, dont le “bois peut servir de combustible et le frottement de deux branches permet d’allumer un feu.”

Essentiellement, le New York Times a révélé dans cet article que l’Arabie saoudite a financé à hauteur de “plusieurs milliards de dollars” la guerre secrète de la CIA en Syrie. D’autres contributeurs étatiques à cette campagne de l’Agence sont cités par ce journal. Il s’agit de la Turquie, de la Jordanie et du Qatar. Or, bien que le montant exact des contributions de chaque État impliqué dans ces opérations n’ait pas été dévoilé, le Timesnous informe que l’Arabie saoudite en a été le principal financeur. D’après ce journal, “[l]es hauts responsables états-uniens n’ont pas révélé le montant de la contribution saoudienne, qui constitue de loin le principal financement étranger de ce programme de fourniture d’armes aux rebelles combattant les forces du Président Bachar el-Assad. Néanmoins, des estimations ont indiqué que le coût total des efforts de financement et d’entraînement [des rebelles] atteignait plusieurs milliards de dollars.”

Le Times confirme ainsi les informations du Washington Post, que j’avais analysées quelques semaines avant les attentats du 13-Novembre. En effet, en juin 2015, ce quotidien révéla que la CIA avait “mené depuis 2013 contre le régime el-Assad “l’une [de ses] plus grandes opérations clandestines”, dont le financement annuel avoisine le milliard de dollars. D’après ce journal, cette intervention secrète (…) s’inscrit dans un “plus vaste effort de plusieurs milliards de dollars impliquant l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie”, c’est-à-dire les trois États notoirement connus pour soutenir les factions extrémistes en Syrie.” Grâce au New York Times, nous savons à présent que l’Arabie saoudite a été, “de loin», le principal soutien étatique de cette guerre secrète – notamment à travers l’achat massif et la livraison, par les services spéciaux saoudiens (GID), de missiles antichars TOW de marque Raytheon à des groupes affiliés à al-Qaïda, dont l’Armée de la Conquête (…) »

Encore bravo à l’équipe d’Un Œil sur la planète, le métier de journaliste étant de plus en plus difficile à exercer en France, en particulier dans ce climat orwellien d’état d’urgence contre nos libertés publiques et de guerre perpétuelle contre des forces extrémistes… qui ont été pourtant soutenues par l’État français pour renverser Bachar el-Assad. Nul doute que cette émission historique – dans les deux sens du terme – aura conduit quelques centaines de milliers de nos concitoyens à en prendre conscience.

Par Maxime Chaix | 20

Voir également:https://arretsurinfo.ch/syrie-le-grand-aveuglement-le-reportage-que-les-grands-medias-ne-veulent-pas-que-vous-voyez/

Source: http://maximechaix.info/