Victor Ostrovsky, un ancien officier du Mossad, est l’auteur de deux ouvrages sur l’action secrète israélienne, By Way of Deception, publié en 1990, et The Other Side of Deception, publié en 1994.

Le traitement contrasté des menaces de mort israéliennes et islamiques par les médias

Par Victor Ostrovsky.

Article paru en janvier/février 1995 dans Washington Report on Middle East Affairs, Pages 17, 88 sous le titre The Contrasting Media Treatment of Israeli and Islamic Death Threats

J’étais assis dans les studios d’Ottawa de la chaîne TV canadienne « Canada A.M. », me tenant prêt pour une interview avec Valerie Pringle, présentatrice de l’émission du matin pour le Canada. Je savais que Josef Lapid, un chroniqueur israélien et ancien directeur général de la Société de Télévision israélienne, allait être interviewé devant moi depuis Tel-Aviv par téléphone. Il était invité à apparaître dans l’émission pour parler des commentaires qu’il avait faits sur moi à la télévision israélienne.
Dans une émission appelée « Popolitika », il avait dit que le Mossad, le service de renseignement extérieur d’Israël, avec lequel je travaillais autrefois, devrait s’arranger pour que j’aie un accident de voiture. Il avait ensuite développé cela dans le quotidien israélien à grand tirage Ma’ariv, dans lequel il avait écrit que je devrais être assassiné et que cela ne devait pas être fait par le gouvernement israélien, mais plutôt par un individu qui devait se charger de faire le travail.

La colère de Lapid était en réponse à des extraits de mon nouveau livre, The Other Side of Deception, publié dans le plus grand journal israélien, le Yediot Ahronot. Le livre [publié aux Etats-Unis par Harper & Collins] parle de mes activités dans et contre le Mossad. Ce qui suit est la transcription de cette interview TV le 21 octobre, dont je trouve les suites vraiment incroyables.

VALERIE PRINGLE (présentatrice) : Victor Ostrovsky est un ancien membre de l’agence d’espionnage d’Israël, c’est lui qui a écrit le livre. Je crois que le premier livre, qui a causé une grande agitation, était intitulé By Way of Deception: An Insider’s Portrait of the Mossad. Il a provoqué la colère de beaucoup de gens dans le monde. Le gouvernement israélien a tenté d’empêcher sa publication. Un autre livre est sorti, intitulé The Other Side of Deception: A Rogue Agent Exposes the Mossad Secret Agenda. Il a de nouveau causé de la fureur. Un chroniqueur israélien est allé jusqu’à dire que Ostrovsky devrait être tué pour sa trahison.
Dans un instant Victor Ostrovsky sera avec nous depuis notre studio d’Ottawa, mais d’abord, en ligne depuis Tel-Aviv, il y a ce journaliste, Josef Lapid.
Vous avez pratiquement appelé à ce que Victor Ostrovsky soit tué. Pourquoi avez-vous fait cela ?

JOSEF LAPID : Eh bien, comme vous le savez probablement, les Israéliens meurent parfois pour leur pays. Et je ne pense pas que quelqu’un doive gagner sa vie en le trahissant. Je pense que Ostrovsky est le pire traître juif de l’histoire juive moderne. Et il n’a pas le droit de vivre, sauf s’il est prêt à revenir en Israël pour y être jugé.

PRINGLE : Croyez-vous que c’est une déclaration responsable de dire ce que vous avez dit ?

LAPID : Oh oui, je le crois absolument. Et malheureusement le Mossad ne peut pas le faire parce que nous ne pouvons pas compromettre nos relations avec le Canada. Mais j’espère qu’il y aura là un Juif estimable qui le fera pour nous.

PRINGLE : Vous espérez cela. Vous pourriez vivre avec son sang sur vos mains ?

LAPID : Oh non. C’est pour… seulement ce ne sera pas son sang sur mes mains. Ce sera la justice contre un homme qui fait la chose la plus horrible qu’un Juif puisse faire, et c’est qu’il vend l’Etat juif et le peuple juif à nos ennemis pour de l’argent. Il n’y a absolument rien de pire qu’un être humain puisse faire, s’il peut être appelé un être humain.

PRINGLE : Quelle réponse avez-vous eu à cette déclaration qui est, vous savez, pratiquement le genre de djihad que Salman Rushdie avait eu, ou fatwa, désolée.

LAPID : Non, non, non. Rushdie a exprimé ses vues dans un roman, et il n’y a pas de raison pour que quelqu’un n’exprime pas ses vues dans un roman. Je parle de quelqu’un travaillant pour le Mossad israélien et allant ensuite à l’étranger et vendant pour de l’argent tout ce qu’il a appris ici. 90% de ce qu’il écrit est simplement des mensonges et des inventions, mais il y a 10% de vérité, et je ne suis pas contre ses inventions, mais je suis contre le fait qu’il dise des vérités qu’il a apprises ici.

PRINGLE : Avez-vous eu une réponse en Israël ?

LAPID : … Donc le comparer ainsi à Salman Rushdie est un compliment que Mr. Ostrovsky ne mérite pas.

PRINGLE : Juste pour préciser brièvement, avez-vous été blâmé [censured] en Israël pour ce que vous dites ?

LAPID : Moi ?

PRINGLE : Oui.

LAPID : Personne n’est jamais censuré en Israël. C’est un pays libre.
[en anglais, « censured » peut signifier « blâmé » ou « censuré » ; Lapid a mal compris la question. NDT]

PRINGLE : Non, mais blâmé ! Les gens ont-ils dit : « c’est épouvantable, ce que vous avez dit. Nous ne sommes pas d’accord avec vous. » ?

LAPID : Oh, je pense que oui, j’ai eu des réactions. Quelques personnes ont pensé que c’était épouvantable. La grande majorité des réactions a été très favorable. Et je pense que j’exprime l’opinion de la grande majorité des Israéliens et de la grande majorité, aussi, des Juifs partout ailleurs.

PRINGLE : Okay. Merci, Mr. Lapid. Je ne sais pas, vous savez, si c’est l’opinion ou non des Israéliens ou s’ils sont d’accord avec ce que Mr. Lapid a dit.
Plusieurs choses me traversèrent l’esprit pendant que j’écoutais Mr. Lapid. D’une part je pouvais imaginer les visages souriants des judéo-nazis également connus sous le nom de « Kahane Chaï » dans leurs camps d’entraînement paramilitaires au Canada et aux USA, se frottant les mains de satisfaction, venant de recevoir un appel aux armes de la part du soi-disant « centre respectable » de la scène politique israélienne. Et bien que cette image mentale était dérangeante, en même temps j’étais satisfait que finalement le public puisse voir le visage sinistre du militantisme nationaliste israélien, démontrant que les zélotes israéliens n’étaient pas différents des autres extrémistes de la région.

UNE EMPRISE CHOQUANTE

Ce fut seulement dans les jours suivant cette interview révélatrice que l’incrédulité remplaça ma satisfaction. Je réalisai que ce que j’avais cru être une influence israélienne sur les médias américains et canadiens par l’intermédiaire de la communauté juive aux Etats-Unis et au Canada était en fait une emprise. Des milliers de gens avaient dû prendre pour eux-mêmes l’appel de Lapid à « tout Juif estimable au Canada » de m’assassiner au nom de l’Etat d’Israël. Mais le refus ultérieur des médias nord-américains de rendre compte de l’appel, encore moins de le condamner ou même de le discuter, fut plus choquant et bien plus effrayant pour moi que l’appel lui-même.
Je compris alors que l’occupation des médias nord-américains était complète. Pour des sujets liés au Moyen Orient en général et à Israël en particulier, il n’y a plus de presse libre.

Si cet appel à l’assassinat avait été fait par un musulman, ces mêmes médias en auraient tous parlé, rapportant d’abord l’histoire et l’entretenant ensuite par eux-mêmes, ou exigeant des réponses de dirigeants musulmans dans le monde entier. Et si ces répondants n’avaient pas été sans équivoque dans leur opposition à un tel appel, ils auraient instantanément été traités de terroristes et, inutile de le dire, d’« antisémites ».

J’ai toujours su qu’il y avait un double langage quand on en arrivait à des sujets chers à la communauté juive. Je ne savais pas, cependant, à quel point cette communauté et les médias qui sont à ses pieds peuvent être hypocrites. Je savais depuis pas mal de temps que cette communauté s’était simplement emparée de l’industrie du film et qu’elle avait une forte emprise sur Washington, possédant le plus puissant lobby ici. Maintenant, par l’intimidation et la double allégeance, elle s’est clairement emparée de larges portions des médias. A tous ceux qui savaient tout cela, et qui sont restés silencieux, et à tous ceux qui restent silencieux maintenant – honte à vous.

By Victor Ostrovsky