Il n’y a aucun enfant qui soit encore « normal » à Gaza

Un père de famille qui habite au sud de Gaza raconte

Jusqu’à maintenant, nous sommes encore sains et saufs. Mais je ne sais pas ce qui peut arriver dans les prochaines heures. Ils [les pilotes et artilleurs israéliens] bombardent n’importe où, dans le nord, à Gaza ville, dans le sud. Il y a encore eu des morts et des blessés aujourd’hui (9 août). Vous entendez ? Vous entendez´ ? Il y a un missile qui a été lancé au-dessus de nous. Vous allez entendre le bruit de l’explosion dans quelques secondes. [Brève interruption. Immense fracas].

Nous ne vivons plus une vie normale. Nous sommes dans un état bizarre. Cette guerre nous habite. Toutes nos pensées tournent autour des bombardements. On reste auprès de notre famille, on s’efforce de calmer les enfants. On écoute les F16 et les drones passer et  le fracas des bombes qu’ils larguent sur leur passage. On cherche à savoir à quel endroit elles sont tombées, combien de morts et de blessés. On écoute la radio.

Tous les enfants de Gaza sont très perturbés. Il n’y a aucun enfant qui soit encore normal. Tous auraient besoin de suivre un traitement psychiatrique. Tous les adultes en auraient besoin. Même moi je devrais avoir un traitement. Ce qui n’est pas normal est que nous n’avons plus peur alors qu’à chaque instant une bombe peut tomber sur notre maison et tuer notre femme et nos enfants. Un psychiatre vous dirait que ce n’est pas normal, que les gens normaux ont peur dans ces circonstances…

Heureusement que la majorité des gens, même les familles qui ont tout perdu, veulent que la résistance continue jusqu’à ce que les revendications du Hamas soient acceptées. Les journalistes qui vous disent le contraire chez vous ne sont pas neutres : ils vont chercher les rares personnes qui sont hostiles au Hamas et à la résistance. Ils ne font là que servir la propagande d’Israël. J’espère que les Israéliens n’auront pas, cette fois encore, les médias avec eux. Qu’ils ne réussiront pas à gagner la guerre de l’information.

Propos recueillis par Silvia Cattori | 9 août 2014