Le secrétaire à la Défense par intérim Christopher Miller
Traduit de l’anglais par La gazette du citoyen
«Toutes les guerres doivent se terminer.»
C’est le message envoyé aux forces militaires américaines le 13 novembre par le secrétaire à la Défense par intérim, Christopher Miller. Cette déclaration d’un truisme, qui partirait d’un sentiment noble si elle était interprétée comme une déclaration générale, et si elle était suivie de son corollaire, «et plus aucune ne doit commencer», a perturbé les cercles civils et militaires aux États-Unis et a même provoqué des remous en Russie. À elle seul, elle semble remplir la promesse de la campagne électorale de Trump de mettre fin aux guerres américaines parce qu’elles sont contre-productives. Mais tout comme Trump n’a jamais tenu cette promesse électorale, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que cette déclaration soit un engagement selon lequel la guerre ne sera plus l’outil le plus utilisé pour mettre en œuvre la politique étrangère américaine.
Nous devons donc regarder le reste de la déclaration pour comprendre à quoi le colonel Miller fait référence, à savoir l’Afghanistan et l’Irak. Ce sont les deux seuls pays mentionnés dans son ouverture où il évoque son «service» dans ces deux pays souffrant de la longue occupation américaine. Il continue en déclarant:
«Alors que nous nous préparons pour l’avenir, nous restons déterminés à achever la guerre qu’Al-Qaida a amenée sur nos côtes en 2001. Cette guerre n’est pas finie. Nous sommes sur le point de vaincre Al-Qaida et ses associés, mais nous devons éviter notre erreur stratégique passée qui a été de manquer de voir cette lutte jusqu’à son final… mais c’est la phase critique au cours de laquelle nous faisons la transition de nos efforts de leadership vers un rôle de soutien. Nous ne sommes pas un peuple de guerre perpétuelle – c’est l’antithèse de tout ce que nous défendons et pour lequel nos ancêtres se sont battus. Toutes les guerres doivent prendre fin.»
Examinons cette déclaration pour déballer les mensonges et découvrir la vérité. Tout d’abord, cela commence par le grand mensonge selon lequel Al-Qaida aurait attaqué les États-Unis en 2001, une affirmation pour laquelle il n’y a aucune preuve. En fait, nous savons qu’Al-Qaida est une création américaine, une fiction utilisée comme un repoussoir pour fournir des prétextes pour envahir plusieurs pays de ce que l’Occident appelle le «Moyen-Orient». Nous savons également que l’homme qu’ils prétendaient être le cerveau de l’attaque, Oussama Ben Laden, a nié y avoir été impliqué, et il est en effet difficile de créditer l’affirmation selon laquelle il l’était alors qu’il a été un fidèle serviteur des États-Unis durant toute sa carrière, d’abord en combattant les Soviétiques en Afghanistan pour eux et ensuite en fournissant des moudjahidines pour qu’ils commettent des attaques terroristes en Yougoslavie où il opérait sous le commandement de l’armée américaine jusqu’en 1999. Mais lorsque les Américains ont besoin d’un bouc émissaire, ils sont toujours prêts à se retourner même contre leurs agents les plus fidèles, comme Lee Harvey Oswald l’a également découvert. Non, ce n’est pas Al-Qaida qui a attaqué les États-Unis en 2001, et quand les historiens se remémoreront cette période, ils répondront toujours à la question «qui a fait cela?» en cherchant à savoir qui a profité de l’attaque et c’est bien sûr les États-Unis eux-mêmes qui ont rapidement utilisé l’attaque comme prétexte pour envahir l’Afghanistan, puis deux ans plus tard pour envahir l’Irak.
Le deuxième mensonge est qu’ils sont sur le point de vaincre Al-Qaida. Chaque année ils affirmaient cela alors que les deux guerres se prolongeaient, et ils prétendent justifier la poursuite de leur occupation de ces nations souffrantes. Ils ont même importé des groupes armés de Syrie, qui ont été étiquetés comme «Al-Qaida», en Afghanistan au cours de la dernière année, car leurs efforts en Syrie ont été déconcertés par la résistance syrienne, russe et iranienne, afin d’attaquer à la fois les talibans et leurs troupes fantoches pour conserver le pays en zone chaude afin de maintenir leur gouvernement fantoche au pouvoir.
La troisième déclaration est qu’ils joueront désormais un rôle d’appui dans ces deux pays. Mais c’est aussi un mensonge parce que leur soutien va aux gouvernements fantoches qu’ils ont installés et contrôlés et qui seront dirigés sur la façon de «terminer» les guerres que les États-Unis ont commencées et veulent maintenir.
Le quatrième grand mensonge, et il faut se demander comment quiconque peut écrire ce non-sens et conserver une quelconque crédibilité, est la déclaration «Nous ne sommes pas un peuple en guerre perpétuelle…» alors que le monde sait que les États-Unis ont été en guerre quelque pendant la plupart de son histoire, depuis leur fondation même suite à une guerre contre la Grande-Bretagne, jusqu’à l’invasion du Canada, les guerres contre les territoires autochtones, la guerre de la côte de Barbarie, l’invasion et l’occupation d’une grande partie du Mexique, encore d’autres guerres contre les autochtones, la guerre entre les États-Unis et les États confédérés d’Amérique, toujours plus de guerres indigènes, la guerre contre l’Espagne en 1898 et la prise de ses colonies, la montée en puissance mondiale dans la Première Guerre mondiale, la consolidation de sa puissance dans la Seconde, sa tentative d’écraser la Chine pendant la guerre de Corée, la guerre du Vietnam et des dizaines de guerres par procuration à travers le monde contre tout gouvernement qui s’opposait à leurs intérêts. La vérité, comme le colonel Miller le sait, est que les États-Unis sont une nation en guerre perpétuelle. Ils se délectent de la guerre.
En effet, le colonel Miller a terminé son message par une citation d’un président de guerre, Abraham Lincoln, sur le devoir, la fermeté et la quête d’une «paix durable». Mais encore une fois, une paix durable pour les États-Unis est la paix à leurs conditions qui est essentiellement une paix imposée par la force des armes américaines sur le monde entier afin que le monde soit complètement soumis à leurs intérêts et n’exister que pour leur bénéfice, en d’autres termes leur «nouvel ordre mondial», l’Ordre américain.
Ce que nous devons comprendre de ce message, c’est que les États-Unis détournent leur attention militaire de l’Afghanistan et de l’Irak, qu’ils ont plus ou moins réussi à faire passer sous leur suzeraineté, vers la Russie et la Chine et des pays alliés comme l’Iran et la Corée du Nord. Ils préparent quelque chose de plus grand. Les préparatifs de guerre contre les deux nations se poursuivent avec une intensité et une rapidité accrues, parallèlement à la propagande et à la guerre économique qualifiée de «sanctions» destinées à saper leurs économies, à les affaiblir. Un jour avant que Miller n’envoie son message, Mike Pompeo, le secrétaire d’État de Trump, a giflé la Chine en déclarant que «Taiwan ne fait pas partie de la Chine», une déclaration destinée à provoquer les Chinois. Les Américains poussent à la guerre. C’est clair, et la Chine a déclaré qu’elle savait ce qu’elle faisait mais qu’elle résistera si les Américains continuent et c’est ce qu’ils feront.
Les Chinois ont même averti que Trump pourrait provoquer une confrontation en mer de Chine méridionale afin de sauver sa position au pouvoir, que les Américains sont imprudents, quel que soit le parti au pouvoir. Pendant ce temps, aux États-Unis même, la lutte pour le pouvoir entre les factions se poursuit avec une issue encore incertaine. Mais nous pouvons être assurés que peu importe qui finira par devenir le premier magistrat de ce pays, aucun d’eux n’apportera la paix dans le monde. Ils ne le peuvent pas. Le pouvoir de la classe dirigeante dépend du maintien de sa puissance mondiale, chaque jour de chaos et de troubles là-bas le prouve.
Alors, qu’avons-nous avec cette déclaration, un appel à la paix mondiale, notre rêve, ou simplement une déclaration de fait, que ces guerres se terminent pour pouvoir en commencer une autre? Je pense qu’il s’agit du dernier cas. Cependant, le colonel Miller a donné au mouvement mondial pour la paix un slogan, «Toutes les guerres doivent se terminer». Cela devrait être en haut de chaque première page de journal, en grosses lettres. Cela devrait être déclaré par chaque leader du monde et dirigeant national, crié sur les toits de chaque ville et cité, sujet de poèmes et de chansons, afin de rejoindre le slogan de John Lennon, «La guerre est finie, si vous le voulez». Eh bien, je le veux. Pas vous? Toutes les guerres doivent prendre fin!
Christopher Black
Christopher Black est un avocat international basé à Toronto. Il est connu pour avoir plaidé dans un certain nombre d’affaires de crimes de guerre très médiatisées et a récemment publié son roman Beneath the Clouds. Il rédige des essais sur le droit international, la politique et les événements mondiaux, en particulier pour le magazine en ligne «New Eastern Outlook».
Source: New Eastern Outlook