1er nov. 2018 : Exercice national conjoint de l’OTAN dans l’Atlantique Nord et la mer Baltique. (OTAN, Flickr)

Le conflit en Ukraine finira sans doute par se figer dans un scénario « à la coréenne »: une guerre inachevée, provisoirement « gelée », avec une zone démilitarisée, surveillée probablement par une force d’interposition des Nations Unies. Les objectifs initiaux de la Russie, à savoir la dénazification et l’abandon du projet d’extension de l’OTAN, ne seront pas atteints. Même si l’entrée formelle de l’Ukraine reste en suspens, dans les faits, ce pays peut être considéré comme faisant déjà partie de cet organisme. Avant même le déclenchement du conflit, l’Otan s’était implantée en supervisant la formation du personnel militaire ukrainien et en fournissant une aide militaire en équipements et en matériels massive. On pourrait alors espérer un retour aux relations plus pacifiées entre la Russie et le bloc occidental. D’autant que la plupart des objectifs économiques et politiques des États-Unis ont été atteints à moindre frais et sans perte en vie humaine [américaine bien entendu]. Ce qui, à lui seul, représente un exploit d’engineering géopolitique et constituera un cas d’école pour stratèges dans le futur.

Rappelons brièvement quels étaient les objectifs (1) :

  • Détacher définitivement l’Occident de la Russie en l’obligeant à quitter le marché lucratif eurasien
  • Enterrer pour longtemps le projet d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, cher au Général de Gaulle.
  • Obliger les pays occidentaux à renoncer à l’énergie bon marché russe, et à devoir s’approvisionner sur d’autres marchés, états-uniens surtout
  • Affaiblir les industries occidentales, et les obliger à se réimplanter sur le territoire états-unien
  • Saigner la Russie par un conflit de longue durée, par proxy interposés, en évitant les pertes humaines américaines

Malheureusement, ce ne sera pas le cas. Sans être d’un pessimisme outrancier, force est de constater que, dès aujourd’hui, se mettent en place tous les ingrédients pour une nouvelle confrontation. Les proxénètes de la guerre ont toujours une nouvelle carte dans leur jeu, et la prochaine s’appelle la Baltique. Cette région recèle toutes les sources de conflits futurs et de tensions susceptibles de dégénérer très rapidement en guerre ouverte.

gazoduc explosion

L’équipage du LVNS Talivaldis effectuant un entraînement à la lutte contre les mines en mer Baltique lors de l’exercice maritime annuel BALTOPS en juin 2020. (OTAN)

Les proxénètes de la guerre poursuivent leurs objectifs avec ténacité et persévérance

Le journaliste Chris Hedges [lauréat du prix Pulitzer, il a été correspondant à l’étranger pendant 15 ans pour le New York Times, chef du bureau du Moyen-Orient et chef du bureau des Balkans du journal] nomme ce groupe

d’individus malfaisants « les proxénètes de la guerre : comme une souche mutante d’une bactérie résistante aux antibiotiques, ils ne peuvent pas être vaincus. Peu importe à quel point ils ont tort, à quel point leurs théories sont absurdes, combien de fois ils mentent ou dénigrent d’autres cultures et sociétés comme non civilisées ou combien d’interventions militaires meurtrières tournent mal » (2).

Ce groupe maléfique sacrifie allègrement des milliers, des dizaines de milliers de vies à leur idole démoniaque. Il est même probable que cela ne les dérange pas dans leur sommeil, car ils ont vendu leur âme aux puissances maléfiques (3). La destruction des nations et des peuples, pour les soumettre à leur volonté, est leur principe directeur. Ces individus diaboliques ont pour objectif d’alimenter des guerres incessantes, pour le seul profit des industries du complexe militaro-industriel et de la Finance. Car, selon un principe qui se répète tout au long de l’histoire, il faut de l’argent pour faire la guerre. Et cet argent se trouve de deux manières : en pressurant le peuple et en l’empruntant aux banquiers. Rien n’a changé sous le soleil !!

« La coterie irresponsable des néoconservateurs et des interventionnistes libéraux qui ont orchestré deux décennies de fiascos militaires au Moyen-Orient alimente désormais une guerre suicidaire avec la Russie » conclut Christ Hedges (4).

La russophobie des dirigeants baltes et occidentaux atteint des sommets d’hystérie délirante

Les déclarations incendiaires et les perpétuelles provocations des pays baltes et de la Pologne envers la Russie font penser à ces roquets qui aboient furieusement à l’abri du portail de leur maison.

Si l’on peut comprendre, sans l’approuver, la russophobie haineuse de ces pays, occupés par l’Union soviétique et opprimés pendant de longues années, par contre il est plus difficile d’expliquer ces mêmes sentiments de la part des dirigeants allemands issus d’une génération n’ayant pas connu la guerre, sinon à y voir un esprit revanchard. Les propos d’Annalena Baerbock, ancienne ministre fédérale des Affaires étrangères de 2021 à 2025, et Boris Pistorius ministre fédéral de la Défense depuis janvier 2023 sont d’une rare virulence. Les destructions en Pologne des monuments soviétiques rappelant les combats de libération par l’Armée rouge sont autant de mesures mal vécues par le peuple russe qui conserve le souvenir de la guerre patriotique et des immenses sacrifices humaines consentis.

« La Pologne n’est pas le seul pays à réaliser ces travaux. Les pays baltes ont adopté une cadence plus rapide. L’Estonie a détruit 400 monuments soviétiques en 2022, la Lettonie 70 et la Lituanie a déplacé la quasi-totalité de ce qui restait dans le pays dans des musées. L’une des plus grandes installations à la gloire de l’Armée rouge, une statue de 80 mètres de haut à Riga, capitale de la Lettonie, a été abattue en août 2022 » (5).

Dans une excellente contribution parue sur le site Forumgeopolitica, Wolfgang Bittner analyse ce qu’il nomme « une campagne de haine contre la Russie ». (hetz-kampagnen-gegen-russland) (6).

Les militaires de l’Otan affichent ouvertement l’éventualité d’un nouveau conflit de haute intensité avec la Russie dans un avenir proche

Début 2024, dans un entretien pour le quotidien allemand Der Tagesspiegel (7) Boris Pistorius déclare que les pays européens devaient se préparer à la guerre face à la Russie. Il évoque l’avis d’experts qui « s’attendent dans cinq à huit ans à une période au cours de laquelle cela pourrait être possible »

Lors de sa conférence tenue le 11 juillet 2025, le Général Thierry Burkhard, Chef d’État-Major des Armées, désignait clairement la Russie comme l’ennemi principale de la France. Il a déroulé le narratif bien connu de la Russie responsable de toutes sortes d’ingérences et d’opérations de déstabilisation. Démonstration martiale pour instiller la peur dans la population et la préparer au conflit qui s’annonce. Pour qui sait comprendre entre les lignes, ces propos portaient la marque de fabrique de ses commanditaires à la tête de l’Otan (8).

Il y a à peine quelques jours, le 20 juillet dernier, la Russie a prévenu qu’elle réagirait face au réarmement de l’Europe. Lors d’un entretien sur la chaîne de télévision publique russe, le porte-parole du Kremlin, Dimitri Pskov, avait indiqué qu’il prenait en compte ce réarmement « dans l’élaboration de ses plans futurs » (9).

L’enclave de Kaliningrad constituera sans doute le point de déclenchement du prochain conflit

L’enclave russe de Kaliningrad (10) sur la mer Baltique, à haute valeur stratégique, est complètement isolée et entourée de pays membres de l’OTAN, ce qui pousse les médias et politiciens russes à réclamer régulièrement la création d’un corridor terrestre direct vers Kaliningrad. Le point le plus critique est le corridor de Suwałki, entre la Pologne et la Lituanie : en fonction de qui le contrôle, il permettrait soit de couper, soit de rétablir l’accès terrestre de la Russie à Kaliningrad. L’adhésion récente de la Suède et de la Finlande à l’Otan a permis d’achever le verrouillage de la mer baltique.

« L’Otan ne ferait qu’une bouchée de Kaliningrad, » ce territoire russe isolé, coincé entre la Pologne et la Lituanie, si elle le souhaitait. Voilà, en substance, la menace lancée par le général américain Chris Donahue à la Russie le 17 juillet dernier. Selon lui, l’alliance militaire pourrait prendre le contrôle de l’enclave « à une vitesse jamais vue » si Moscou décidait d’ouvrir un nouveau front contre les États baltes, rapporte Defense News. Rodomontade d’un militaire américain, sans doute, mais significative d’un état d’esprit qui se prépare à la confrontation.

Des scénarios plausibles

Ils sont nombreux et faisons confiance aux stratèges à la manœuvre. Ils ont déjà démontré leur efficacité dans le passé dans nombre de conflits. En Baltique, les occasions de provoquer la Russie sont nombreuses. On peut imaginer un blocage du trafic ferroviaire entre Kaliningrad et la Russie, ou des opérations sous faux drapeau envers des sites névralgiques baltes. Un incident aérien ou même un crash dont on accusera immédiatement sans preuves la Russie, sont de l’ordre du possible. On peut envisager des restrictions au trafic maritime vers les ports russes. ou la mise en œuvre de mesures discriminatoires envers les populations russophones de ces pays entraînant des révoltes et des représailles. L’histoire récente du Donbass en est l’exemple le plus probant. Bien entendu, l’ensemble des médias ignorera ces circonstances et accablera la Russie. Les médias vont désinformer l’opinion publique par une campagne massive, et faire monter les sentiments de rejet et de haine envers la Russie, jusqu’au point d’embrasement. Faut-il rappeler le dicton du roi Frédéric II de Prusse selon lequel « Dans un conflit le véritable agresseur, c’est celui qui oblige son adversaire à recourir aux armes ».

La destruction mutuelle comme avenir ?

Imagine-t-on un instant que la Russie va assister sans réagir à une attaque sur Kaliningrad ? Le scénario d’un conflit nucléaire se rapproche dangereusement. Dans ce cas, les intérêts vitaux de la Russie seraient en jeu et justifieraient le recours à l’arme atomique. L’utilisation de missiles tactiques à tête nucléaire par la Russie risque de déclencher un emballement de frappes et de contre frappes nucléaires rapidement incontrôlable. Ce serait dramatique, d’abord pour les pays baltes et ceux à proximité, mais aussi pour les autres pays européens. Scénario du pire, peut-être, mais rappelons simplement que la catastrophe d’une guerre nucléaire a été évitée de justesse le 27 octobre 1962, (11) lors de la crise des missiles entre les Etats Unis et l’Union soviétique. Dommage que la plupart des dirigeants occidentaux actuels n’aient pas vécu ces jours d’angoisse. Allons-nous les revivre ? Ce qui est sidérant, c’est l’insouciance avec laquelle nos dirigeants préparent l’Europe à un conflit meurtrier avec la Russie. C’est la frénésie avec laquelle nos médias participent à cette mise en condition de la population. C’est la facilité avec laquelle, sans aucune consultation démocratique, les instances européennes ont décidé de réarmer l’Europe et de mobiliser à cette fin 800 milliards d’euros. A emprunter bien entendu auprès des banques. Mais le plus affligeant, c’est le silence assourdissant des autorités religieuses de toutes confessions. Ce sont elles, à commencer par le Pape, qui devraient crier et dénoncer la folie qui a saisi les dirigeants européens. Ne se trouvera-t-il aucun Prix Nobel de la paix, aucun homme, ou femme de stature exceptionnelle, pour se lever et avertir les peuples que l’abîme de la destruction se rapproche à grands pas ?

Marc Jean

(1) https://arretsurinfo.ch/un-conflit-rentable/

(2)https://consortiumnews.com/2022/04/11/chris-hedges-the-pimps-of-war/

(3)https://arretsurinfo.ch/la-haine-sest-deversee-sur-le-monde/

(4)https://consortiumnews.com/2022/04/11/chris-hedges-the-pimps-of-war/

(5)https://wszystkoconajwazniejsze.pl/pepites/la-pologne-poursuit-le-demantelement-des-monuments-sovietiques/

(6)https://forumgeopolitica.com/de/artikel/hetz-kampagnen-gegen-russland

Wolfgang Bittner est un spécialiste des relations internationales et de géopolitique. Il a déjà publié de nombreux ouvrages sur ces questions

(7)https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Pistorius

(8)https://www.youtube.com/watch?v=UX7DNnI3Weo

(9)https://www.lejdd.fr/International/euphorie-militariste-la-russie-promet-de-reagir-au-rearmement-de-leurope-160384

(10)Kaliningrad : une exclave territoriale russe à haute valeur stratégique — Géo confluences

(11)https://www.bbc.com/afrique/articles/cldg5ykelwlo

Arrêt sur info, 30 juillet 2025