Nous vous présentons une étude consacrée à Avaaz. Une organisation de défense en ligne qui abuserait de la confiance que lui accordent 41 millions de sympathisants.


Par John Hanrahan

Parue le 14 avril 2016 Consortiumnews.com sous le titre Duping Progressives into Wars

Première partie

Même dans la communauté étasunienne progressiste, Avaaz est beaucoup moins connue que son organisation sœur. Pour mettre Avaaz en perspective, un petit retour en arrière est nécessaire.

Avaaz a été créée en 2006 et lancée officiellement en 2007 par l’action civique MoveOn.org et le petit groupe mondial de défense beaucoup moins connu et qui lui est étroitement lié, Res Publica, Inc. Son important soutien financier est venu du philanthrope libéral George Soros et de ses fondations Open Society (alors appelé Open Society Institute).

Les fondateurs individuels d’Avaaz incluaient trois de ses actuels dirigeants – Ricken Patel, Eli Pariser et Thomas Pravda — ainsi que Thomas Perriello, Andrea Woodhouse, Jeremy Heimans et David Madden. (Plus de détails sur eux ci-dessous.)

Si vous ne savez pas beaucoup de choses sur Avaaz, ou si vous pensez à elle, comme je l’ai longtemps fait, comme à une entité non étasunienne (en fait, son siège est à New York), ce n’est pas surprenant. En effet, beaucoup de ses campagnes ciblent des pays spécifiques autres que les Etats-Unis, et seulement un petit peu plus de 5% de ses 43.1 millions de membres y habitent. (Est membre quiconque a signé une fois une pétition Avaaz – et cela m’inclut.)

Pourtant, même ce petit pourcentage étasunien équivaut à 2.3 millions de personnes – un nombre qui rendrait envieuses la plupart des organisations militantes aux Etats-Unis. (À titre de comparaison, l’organisation affiliée d’Avaaz, MoveOn.org, revendique plus de 8 millions de membres.)

Le nombre de membres américains d’Avaaz est à peu près le même que celui des Allemands (2.2 millions), et beaucoup moins que la France, avec 4.3 millions, et le Brésil, avec un énorme 8.8 millions de membres. D’autres pays comptant plus d’un million de membres Avaaz comprennent l’Italie (2.1 millions), l’Espagne (1.8 millions), le Royaume-Uni (1.6 million), le Mexique (1.4 million), le Canada (1.2 million). L’Inde a 991 000 membres et la Russie 901 000. Dans l’ensemble, Avaaz affirme avoir des membres dans 194 pays, et son plus petit nombre d’adhérents — 81 — se trouve dans le territoire d’outre-mer britannique de Montserrat, pour une population de 5 100 habitants.

Avaaz est organisée sous le nom de Fondation Avaaz, un groupe de pression à but non lucratif 501(c)(4), dont le siège est à Manhattan. Elle se décrit elle-même comme ayant «une simple mission démocratique : combler l’écart entre le monde que nous avons et celui que veulent la plupart des gens partout dans le monde».

Dans le plus récent Form 990 filing déposé à l’Internal Revenue Service, signé en septembre 2015 pour l’année fiscale 2014, Avaaz a fait état de contributions totalisant $20.1 millions et des actifs nets de $7.6 millions. Avaaz, qui dit qu’elle est entièrement financée par ses membres, avait auparavant déclaré qu’elle n’acceptait pas de contribution unique de plus de 5000 dollars, mais cela n’a pas été le cas en 2014, puisque l’organisation a rapporté que 18 individus avaient contribué pour des montants allant de $5 000 à $15 383. Les noms des contributeurs ne figuraient pas dans le document déposé. Depuis environ 2010, l’organisation est considérée comme n’acceptant pas les donations d’entreprises ou de fondations – bien qu’elle ait reçu des subventions des fondations liées à George Soros au cours des trois années précédentes totalisant $1.1 million.

En réponse à notre demande sur le financement d’Avaaz et son lien, au début, avec Soros, la directrice de campagne Nell Greenberg a répondu :

«En ce qui concerne le financement d’Avaaz, ce mouvement a été fondé avec l’idéal d’être totalement autosuffisant et démocratique. Le 100% du budget d’Avaaz provient de petits dons en ligne. [] Avaaz n’a jamais accepté une contribution d’un gouvernement ou d’un entreprise, et depuis 2009 n’a pas sollicité d’aide auprès de fondations caritatives.»

Elle a poursuivi :

«Nous avons reçu une aide au démarrage de l’Open Society Foundation de George Soros, mais pas après 2009. Aucune grande société, fondation ou membre du conseil n’a une influence sur les orientations ou les positions des campagnes de l’organisation. C’est extrêmement important de garantir que notre voix soit déterminée exclusivement par les valeurs de nos membres, et pas par un grand bailleurs de fonds ou un agenda quelconque.»

Sur les quatre administrateurs actuels d’Avaaz, seul le directeur général Ricken Patel était indiqué comme travaillant à plein temps, avec un salaire annuel de $177 666 pour 2014. Le président Eli Pariser, le trésorier Thomas Pravda et le secrétaire Ben Brandzel ne sont pas employés sur une base quotidienne et aucun n’a reçu d’indemnisation en 2014. Sur les 77 employés d’Avaaz, les cinq membres du personnel qui touchent les indemnités les plus élevées après Patel ont reçu des salaires s’établissant entre $111 000 et $153 000.

Pour ses diverses campagnes intérieures et à l’étranger, Avaaz a rapporté avoir fourni en 2014 $3.2 millions de subventions aux organisations étasuniennes et $932 000 aux organisations étrangères. Les subventions de plus de 5 000 dollars sont réparties en cinq catégories, où les plus importants bénéficiaires sont le Fonds des Etats-Unis pour l’UNICEF ($1 million pour la formation des réfugiés syriens) et le Fonds forêts tropicales ($1 million pour la conservation des terres et des espèces).

Pour aider à combattre le virus Ebola, Avaaz a fourni $500 000 à l’International Medical Corps, $350 000 à Save the Children et $300 000 à Partenaires pour la santé. Pour organiser en septembre 2014 la Marche mondiale pour le climat à New York, Avaaz a accordé $27 500 à Align et $10 000 au New York Public Interest Research Group (NYPIRG). Pour compléter la liste, une subvention de $10 000 est allée à Amazon Watch pour «la protection de l’Amazonie».

Pour ses activités hors des Etats-Unis, Avaaz a dépensé le plus en Europe pour des campagnes, la publicité et le conseil – $6.2 millions. L’Amérique du Sud vient loin derrière avec $685 000 pour des services de conseil, suivie par l’Asie de l’Est et le Pacifique, avec $553 000 pour des campagnes et des services de conseil. Les dépenses dans cinq autres régions vont de $45 000 à $270 000.

Avaaz a rapporté que la fondation est toujours composée des deux mêmes organisations membres – l’action civique MoveOn.org et Res Publica, Inc. (U.S.) — les groupes fondateurs originels.

Res Publica, une organisation 501(c)(3), indique la même adresse à Manhattan que la 501(c)(4) Avaaz et fournit sans doute une aide non spécifiée à cette dernière. Au début d’Avaaz, les trois directeurs de Res Publica étaient Patel, Pravda et Perriello, précédemment cités. Les trois hommes avaient tous servi à l’International Center for Transitional Justice, qui «aide les pays traquant les responsabilités d’atrocités massives et les violations passées des droits humains». Déjà à l’époque, selon certaines sources, Avaaz indiquait l’Union internationale des employés des services et GetUp.org, basée en Australie comme organisations co-fondatrices, mais celles-ci semblent ne plus faire partie du tableau depuis longtemps.

Dans le plus récent Form 990 filing déposé par Res Publica à l’IRS pour 2013, Patel est indiqué comme directeur général, Pravda comme trésorier et Vivek Maru comme secrétaire. Aucun n’a touché d’indemnités. Les contributions pour 2013 se montaient au total à $963 895, dont $846 65 provenaient de « subventions gouvernementales » pour des buts non spécifiés. L’organisation a rapporté qu’elle « fournit des conseils stratégiques à d’autres organisations sans but lucratif [] et propose des campagnes éducatives et basées sur l’action par e-mail à des citoyens dans tous les pays, via son site internet ». Elle a aussi dit qu’elle soutenait des projets «à travers du parrainage fiscal centré sur la sécurité en ligne et la liberté d’internet pour les communautés réprimées dans le monde []».  

Voici les profils des co-fondateurs d’Avaaz et de ses responsables passés et présents :

Eli Pariser: président d’Avaaz et co-fondateur

Eli Pariser a été directeur général de MoveOn.org de 2004 à 2009 lorsque l’organisation a connu une croissance explosive et a été son président depuis lors. MoveOn, selon une biographie en ligne de Pariser, «a révolutionné le mode d’organisation politique en introduisant un modèle financé par de petits donateurs et axé sur internet, largement utilisé depuis lors par tout le spectre politique».

En plus d’être un des fondateurs d’Avaaz et son président actuel, Pariser, basé à Brooklyn, a été un membre des conseils d’administration d’Access et du New Organizing Institute. Auteur à succès et ancien compagnon de l’Institut Roosevelt, Pariser a co-fondé et dirige la société de presse en ligne Upworthy. Actuellement, il est aussi membre du conseil consultatif des programmes étasuniens des fondations Open Society de George Soros.

Nous aimerions souligner que Pariser semble être l’un des rares fondateurs et dirigeants d’Avaaz dont les antécédents relèvent presque entièrement de l’activisme sur internet, tandis que certains autres ont une expérience gouvernementale ou à l’étranger, pour avoir travaillé dans des programmes de lutte contre la grande pauvreté et/ou dans des pays en guerre.

Nous avons posé plusieurs questions à Pariser le 9 mars, mais au moment où nous écrivons ces lignes il n’avait pas répondu.

Ricken Patel: directeur exécutif et co-fondateur d’Avaaz

Avant la fondation d’Avaaz en 2007, Ricken Patel, d’origine canadienne, était consultant pour un grand nombre d’organisations internationales bien implantées et sans but lucratif – l’International Crisis Group, les Nations Unies, la Fondation Rockefeller, la Fondation Gates, l’Université de Harvard, CARE International et l’International Center for Transitional Justice. Il a travaillé dans plusieurs pays, dont la Sierra Leone, le Libéria, le Soudan et l’Afghanistan. Il a aussi été le directeur exécutif fondateur de Res Publica, affiliée à Avaaz, qui, parmi ses projets passés, «a travaillé pour mettre fin au génocide du Darfour». En tant que directeur exécutif d’Avaaz depuis le début, Patel est le visage de l’organisation et il a été qualifié de «leader mondial de la protestation en ligne» par The Guardian.

Thomas Pravda: trésorier et co-fondateur d’Avaaz

Par deux de ses co-fondateurs – Tom Perriello et Thomas Pravda – Avaaz a des connexions dans les administrations gouvernementales des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Perriello (voir plus bas) est aujourd’hui envoyé spécial du Département d’Etat en Afrique pour la région des Grands Lacs et le Congo Kinshasa.

Pravda officie actuellement en tant que trésorier (non rémunéré) et est un des directeurs d’Avaaz, tout en occupant un poste de diplomate pour le ministère des Affaires étrangères pour le Royaume-Uni et le Commonwealth, communément connu sous le nom de Foreign Office. Il est aussi co-fondateur et dirigeant à Res Publica.

Comme le Foreign Office est «responsable d’assurer la protection et la promotion des intérêts britanniques dans le monde», cela pourrait ouvrir des possibilités de conflit d’intérêts par rapport aux relations étrangères et aux questions militaires du Royaume-Uni et des Etats-Unis qui pourraient être traitées par Avaaz. Cela peut inclure la défense par l’organisation d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie, à laquelle tant les Etats-Unis que le Royaume-Uni pourraient s’attendre à participer. Notre enquête, cependant, n’a trouvé aucun exemple de quiconque soulevant une question précise sur le double rôle de Pravda en tant que diplomate britannique et directeur d’Avaaz, mais cette relation semble à première vue problématique.

La biographie fournie par Pravda lui-même montre qu’il a travaillé pour le Foreign Office depuis octobre 2003 et pour Avaaz depuis 2006, et qu’il a aussi été conseiller du Département d’Etat américain en 2009 et 2010 par rapport à la République démocratique du Congo.

Dans ses missions diplomatiques, Pravda a travaillé sur la politique du commerce et du développement de l’Union européenne, en tant que conseiller auprès du Représentant spécial pour le changement climatique, et en tant que représentant diplomatique du Royaume-Uni à Goma, en République démocratique du Congo. Il a aussi été consultant sur des questions de politique, de sécurité, de recherche et de défense pour des institutions comme le Département d’Etat américain, le Programme de développement des Nations Unies, l’International Center for Transitional Justice et Oxford Analytica.

Ben Brandzel: secrétaire et co-fondateur d’Avaaz

En plus d’œuvrer actuellement comme secrétaire (non rémunéré) d’Avaaz, Ben Brandzel est fondateur et directeur d’OPEN (Online Progressive Engagement Network), décrit comme une alliance des principales organisations militantes numériques nationales. À part être un membre fondateur du conseil de direction et militant chevronné d’Avaaz, Brandzel est le conseiller en chef pour les groupes membres d’OPEN au Royaume-Uni, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Irlande. Il a aussi été le premier directeur des revendications pour MoveOn.org et, en 2009-2010, il a dirigé les campagnes dans les nouveaux médias et de recherche de fonds pour le président Obama pendant la campagne sur la réforme de la santé. Il écrit souvent sur l’organisation numérique et la construction du mouvement transnational.

Tom Perriello: co-fondateur d’Avaaz

Si je devais nommer un suspect principal parmi les fondateurs d’Avaaz comme architecte de la défense d’une zone d’exclusion aérienne en Libye et en Syrie, ce serait Tom Perriello. Plus lié que quiconque à Avaaz depuis ses premiers jours, Perriello, depuis qu’il a quitté l’organisation – d’abord pour le Congrès puis pour le monde des cercles de réflexion avant de rejoindre le Département d’Etat américain – s’est révélé être un défenseur fiable de la guerre : pour poursuivre la guerre en Afghanistan, pour bombarder la Libye et renverser Kadhafi et pour prendre des mesures militaires en soutien aux rebelles syriens et chasser Assad du pouvoir.

Perriello défend la cause de l’intervention humanitaire et a salué les bombardements de l’Otan en Libye – avant la victoire des USA/Otan là-bas et avant que le pays aille par la suite en enfer – comme un exemple excellent de la manière dont cette approche peut réussir.

Nous avons demandé à Avaaz si l’opinion de Perriello avait influencé les campagnes de l’organisation en faveur de zones d’exclusion aériennes en Libye et en Syrie, et nous avons reçu un démenti solennel de Greenberg : «Tom Perriello, en particulier, était membre du conseil d’Avaaz lors de la fondation de l’organisation, mais il n’en fait plus partie depuis décembre 2009 et il n’a eu aucun rôle dans les campagnes d’Avaaz sur la Syrie.» 

La carrière de Perriello, comme celle d’autres à Avaaz, a relevé davantage du service public à travers des organisations bien implantées que du militantisme. Selon une biographie en ligne, en 2002-2003 Perriello était conseiller spécial du procureur international du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, puis a été consultant pour l’International Center for Transitional Justice au Kosovo (2003), au Darfour (2005) et en Afghanistan (2007). En 2004, il a co-fondé Res Publica avec Patel et Pravda. Perriello a aussi participé à la Fondation Century et il est un co-fondateur de DarfurGenocide.org. Il a dit dans sa biographie en ligne qu’il avait «passé une grande partie de sa carrière à travailler en Afrique de l’Ouest et au Moyen-Orient afin de développer des stratégies pour une paix durable, et qu’il était impliqué dans les processus de paix qui ont contribué à mettre fin aux guerres civiles en Sierra Leone et au Libéria».

Démocrate, Perriello a été élu au Congrès du 5e district de Virginie en 2008. (Il ressort de la déclaration que nous avons reçue d’Avaaz que si Perriello a quitté l’organisation en décembre 2009, il est resté au conseil de direction d’Avaaz pendant sa première année au Congrès.)

Pendant son unique mandat, Perriello a été un ardent partisan de la guerre mondiale contre le terrorisme, des crédits militaires pour poursuivre les guerres étasuniennes et du maintien de troupes américaines en Afghanistan et au Pakistan.

Battu en 2010 alors qu’il se présentait à l’élection, Perriello a continué à servir en tant que président et directeur général du Center for American Progress Action Fund [un centre de réflexion, NdT] et également comme conseiller au Center for American Progress, un cercle de réflexion qui soutient le Parti démocrate. De 2014 à aujourd’hui, il a travaillé avec le Département d’Etat, d’abord comme Représentant spécial du Secrétaire d’Etat pour la Revue quadriennale de la diplomatie et du développement, et depuis l’été dernier comme envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs et le Congo-Kinshasa. Bien qu’on dise qu’il n’y est pas impliqué actuellement, sa philosophie de l’intervention humanitaire semble bien se porter dans Avaaz, avec ses appels à des zones d’exclusion aériennes en Libye et en Syrie.

Dans cet extrait de son article de 2012 sur les interventions humanitaires, Perriello semble absolument désireux d’envoyer des bombes partout où sont commises des atrocités flagrantes et où des êtres humains souffrent. Et ceci, comme l’écrit Perriello, donnerait aux «progressistes l’occasion [] d’étendre le recours à la force pour faire avancer des valeurs essentielles».

Ensuite, deux paragraphes de l’article de Perriello donnent toute sa saveur à la philosophie de l’intervention humanitaire qu’il promeut. Ce serait certainement utile si Avaaz nous disait si elle souscrit à sa //prescription peu sanglante et qui fait frissonner// pour faire avancer les valeurs essentielles des progressistes.

«Des développements opérationnels depuis la fin de la Guerre froide ont considérablement amélioré notre capacité à mener des opérations militaires intelligentes, limitées dans le temps et leur portée et employant une force précise et écrasante», a écrit Perriello. «Cela représente pour les progressistes une chance – qu’on a trop souvent vue comme une malédiction – d’étendre le recours à la force pour faire avancer des valeurs essentielles.

» Nos capacités techniques, qui vont de la précision des systèmes de renseignement aux armes intelligentes, nous permettent maintenant des opérations auparavant impossibles. Aujourd’hui, nous avons la capacité de conduire des missions depuis les airs qui, historiquement, auraient requis des troupes au sol. Et nous possédons une capacité certes imparfaite, mais très améliorée, de limiter des dommages collatéraux, y compris les victimes civiles. Entre autres choses, cela signifie qu’il est possible d’atteindres les mêmes objectifs avec moins de bombes, et de premières estimations suggérent que la campagne aérienne en Libye a nécessité un tiers des sorties par rapport à celles qui étaient nécessaires dans les précédentes guerres aériennes…

» Nous devons réaliser que la force armée n’est qu’un élément dans une stratégie de sécurité nationale et de politique étrangère. Nous devons accepter la réalité – qu’on accepte ou non ses mérites – que d’autres pays ont tendance à percevoir nos motifs comme relevant davantage de nos intérêts que fondés sur des valeurs. Mais dans un monde où existent des atrocités épouvantables et de graves menaces, et où le Kosovo et la Libye ont modifié notre compréhension de ce qui est possible aujourd’hui, le développement de cette nouvelle génération de puissance peut être vu comme une occasion unique dans l’Histoire de réduire la souffrance humaine.»

Imaginez le culot de ces autres pays dont parle Perriello – qui ne parviennent pas à voir que les Etats-Unis s’engagent généreusement dans des bombardements fondés sur des valeurs : des bombes pour un monde meilleur.

Andrea Woodhouse: co-fondatrice d’Avaaz

Une autre co-fondatrice d’Avaaz, Andrea Woodhouse, se décrit ellemême comme une professionnelle du développement, entrepreneuse sociale et écrivaine. Elle a travaillé dans de nombreux pays connaissant des conflits et des transitions politiques, dont l’Indonésie, le Timor Leste, l’Afghanistan, le Sri Lanka, le Népal et la Birmanie/Myanmar. En Indonésie, elle a rapporté avoir travaillé sur l’un des plus vastes programmes de lutte contre la pauvreté dans le monde, dont elle a dit qu’il est devenu le modèle pour un programme national de reconstruction après un conflit et de construction de l’Etat en Afghanistan. Elle a travaillé pour la Banque mondiale et les Nations Unies et a été une fondatrice du programme Justice pour les pauvres de la Banque mondiale.

Jeremy Heimans: co-fondateur d’Avaaz

Selon une biographie en ligne, Jeremy Heimans a co-fondé GetUp en 2005, une organisation politique australienne et l’une des plus importantes communautés du pays pour les campagnes. Il a fait campagne pour le mariage homosexuel et pour le soutien à Julian Assange de Wikileaks. En plus d’être un co-fondateur d’Avaaz, Heimans a co-fondé Purpose en 2009, un groupe militant qui a lancé plusieurs nouvelles organisations importantes, dont All Out, un groupe de défense des droits LGBT riche de deux millions de membres.

David Madden: co-fondateur d’Avaaz

David Madden, un autre co-fondateur d’Avaaz, est un ancien officier de l’armée australienne et employé de la Banque mondiale et des Nations Unies. Il a co-fondé GetUp avec Jeremy Heimans. Madden a travaillé pour la Banque mondiale au Timor Leste, et pour les Nations Unies en Indonésie. En 2004, Madden était un des fondateurs de Win Back Respect, une campagne sur internet contre la politique étrangère du président des Etats-Unis George W. Bush.

Le rôle de George Soros dans les premières années d’Avaaz

Ces dernières années, divers blogueurs sur internet ont demandé si Avaaz faisait en quelque sorte le jeu du philanthrope George Soros et de ses fondations Open Society, ou du gouvernement des Etats-Unis (ou de parties de celui-ci).

Il n’y a aucun doute qu’il y a eu des liens étroits entre Avaaz et Soros et ses organisations aux premiers jours d’Avaaz, mais de quelle manière – si c’est le cas – cela se traduit-il aujourd’hui ? Comme noté plus haut, dans l’une de mes rares questions auxquelles Avaaz a répondu directement, il y avait la reconnaissance d’une «aide financière au démarrage» de Soros, mais un démenti de toute implication persistante avec l’organisation.

Parmi tous les individus ou organisations extérieures à la structure d’Avaaz, cependant, les fondations de Soros ont joué le rôle le plus important pour aider Avaaz à décoller avec des subventions généreuses. En plus, l’Open Society Institute (le nom précédent des Fondations Open Society) ont servi de partenaire fondateur d’Avvaz dans des campagnes d’intérêt commun, et plus particulièrement en lien avec le Mouvement pour la démocratie en Birmanie.

Avaaz a toujours un lien avec Soros – notamment, comme indiqué plus haut, par Eli Pariser qui siège dans un conseil consultatif d’Open Society. Et tous les deux, Avaaz et Soros, semblent partager une antipathie pour ce qu’ils qualifient d’agression russe, comme l’illustrent parfois les déclarations exagérées d’Avaaz sur la Russie en Syrie. (Par exemple, comme indiqué dans notre précédent article, Ricken Patel tient le gouvernement de Poutine pour responsable de complicité avec le gouvernement d’Assad dans la «coordination des atrocités» et «les assassinats ciblés de journalistes» au début de 2012. Voir aussi cette publication d’Avaaz du 30 septembre 2015, qui utilise des preuves fragiles pour accuser les avions russes de bombarder délibérément des quartiers civils.)

Les dons des Fondations Soros

Sur une période de trois ans débutant en 2007, les fondations de Soros – soit directement soit par Res publica –  ont donné à Avaaz $1.2 million au total. En 2007, l’Open Society Institute a donné $150,000 à Res Publica pour le soutien général à Avaaz et $100,000 pour son travail sur le changement climatique.

En 2008, l’Open Society Institute a encore donné un total de $250,000 à Res Publica — dont $150,000 de nouveau pour le soutien général à Avaaz et les $100,000 restants pour son travail sur le changement climatique. L’année suivante, Soros a même été plus généreux. Dans le Form 990 qu’il a rempli pour 2009, sa Fondation pour promouvoir une société ouverte (Foundation to Promote Open Society) indique (page 87) avoir donné au total $600 000 à Res Publica à l’usage d’Aavaz – $300 000 pour le soutien général et $300 000 pour sa campagne sur le climat.

Avaaz a renforcé ses liens avec l’organisation de Soros en 2008 en choisissant ce qui s’appelait alors l’Open Society Institute (OSI) comme son partenaire de fondation pour superviser les quelque $325 000 de dons qu’Avaaz avait reçus de ses membres – en quatre jours seulement – pour soutenir le Mouvement pour la démocratie en Birmanie.

Avaaz a dit qu’elle se liait avec OSI – «l’une des fondations les plus grandes et les plus respectées dans le monde – dans le but qu’OSI surveille ses subventions et ses dépenses». OSI «ne prenant pas de frais généraux sur les fonds que nous allouons aux groupes birmans» pour la technologie, l’organisation, le soutien aux victimes du régime et aux familles des victimes, et pour la défense internationale.

En juin 2009, OSI a rapporté que les bénéficiaires de son projet birman – y compris Avaaz – avaient rallié le soutien mondial autour de la dirigeante démocratique Aung San Suu Kyi. À cette occasion, Avaaz a travaillé en partenariat avec la campagne de l’organisation Libérez les prisonniers politiques birmans maintenant ! pour réunir plus de 670 000 signatures demandant au Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon de soutenir Aung San Suu Kyi et quelque 2000 autres prisonniers politiques.

D’après les informations disponibles, il ne semble pas que Soros ou ses fondations aient contribué financièrement à Avaaz ou soient directement engagées dans des projets avec l’organisation ces cinq ou six dernières années. Avaaz elle-même dit que le lien financier avec Soros a pris fin en 2009. Quant à savoir si l’aide importante des fondations de Soros pendant les trois premières années de son existence ont exercé une influence durable sur Avaaz, c’est certainement difficile à démontrer.

L’impressionnant record d’Avaaz en matière de plaidoyer

Comme nous l’avons noté dans notre précédent article, même en tenant compte de l’auto-publicité organisationnelle, Avaaz affiche un record de défense impressionnant – un record qui semble la plupart du temps décalé par rapport à sa promotion d’une zone d’exclusion aérienne en Libye et en Syrie. Par exemple, voici quelques autres campagnes d’Avaaz non mentionnées auparavant :

  • Avaaz a joué un rôle de premier plan dans un grand nombre d’actions dirigées contre le traitement des Palestiniens par Israël.
  • Avaaz a été un acteur clé dans la campagne couronnée de succès (incluant une pétition avec plus de 1.7 millions de signatures, couplée avec des occupations et des manifestations contre environ 15 succursales de la banque Barclay dans tout le Royaume-Uni) dans le but de faire pression sur Barclay pour qu’elle cède les $2.9 millions qu’elle détient chez un entrepreneur israélien d’armement, Elbit Systems.

Avaaz a reçu des félicitations du mouvement Boycott, désinvestissements, sanctions (BDS) pour son rôle dans cette campagne [Ce qui en dit long sur les sponsors du mouvement BDS dont les principes ont été modifiés au désavantage des Palestiniens, ndlr]. Elbit Systems est la plus grande entreprise d’armement et de sécurité basée en Israël qui fabrique les drones utilisés pour surveiller et attaquer les Palestiniens à Gaza. Elle fournit aussi du matériel électronique pour le mur de l’apartheid construit en Cisjordanie.

  • Une pétition adressée au gouvernement d’Israël et au Congrès des Etats-Unis a rassemblé 185 000 signatures en soutien à la partie du discours du président Obama au Caire en juin 2009, dans laquelle il disait : «Les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité des colonies israéliennes continuelles. Cette construction viole les accords précédents et sape les efforts pour parvenir à la paix. Il est temps que ces implantations cessent.»
  • En 2011, environ 1.6 million de personnes — plus de 300 000 rien que pendant les deux premiers jours – ont signé la pétition d’Avaaz aux dirigeants européens et aux pays membres de l’ONU, les pressant «d’appuyer la demande légitime de reconnaissance de l’Etat de Palestine et la réaffirmation des droits du peuple palestinien. Il est temps de tourner la page après l’échec de décennies de pourparlers de paix, de mettre fin à l’occupation et de progresser vers une paix basée sur l’existence de deux Etats» [Cette demande est une tromperie ; on ne peut pas construire un Etat viable, Israël ne leur a laissé que quelques miettes, ndlr].
  • En mars 2013, au moment de la conférence annuelle de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) et des jours de lobbying du Congrès à Washington, D.C., Avaaz s’est jointe à Jewish Voice for Peace pour placarder des centaines d’affiches anti-AIPAC dans les stations de métro du centre de Washington. Les affiches clamaient : «L’AIPAC ne parle pas en mon nom. La plupart des juifs américains sont pour la paix. L’AIPAC ne l’est pas.»
  • Dans ses pétitions, Avaaz s’est fortement opposée à la surveillance des citoyens par le gouvernement des Etats-Unis et a défendu Wikileaks et les dénonciateurs de la sécurité nationale Edward Snowden et Chelsea (auparavant Bradley) Manning.
  • En avril 2011, à l’occasion d’informations sur le traitement brutal infligé à Manning alors qu’il était emprisonné à la base des Marines de Quantico en Virginie, avant d’affronter une cour martiale pour avoir livré des documents classifiés à Wikileaks, presque 550 000 personnes ont signé une pétition d’Avaaz adressée au président Obama, à la secrétaire d’Etat Hillary Clinton et au secrétaire de la Défense Robert Gates. La pétition, intitulée «Stop à la torture de Wikileaks», appelait ces dirigeants à «mettre immédiatement fin à la torture, à l’isolement et à l’humiliation publique de Bradley Manning. C’est une violation de ses droits garantis par la Constitution, et un moyen de dissuasion effrayant contre d’autres lanceurs d’alerte attachés à l’intégrité publique».
  • Une pétition d’Avaaz de décembre 2010, qualifiant «la campagne d’intimidation vicieuse contre Wikileaks» par les Etats-Unis et d’autres gouvernements et entreprises d’«attaque dangereuse à la liberté d’expression et à la liberté de la presse» a obtenu 654 000 signatures — plus de 300 000 arrivées dans les premières 24 heures où la pétition a circulé en ligne.
  • En juin 2013, quelques jours après la parution des premiers rapports sur l’espionnage illégal mondial de l’Agence de sécurité nationale (NSA) environ 1.38 million de personnes ont signé une petition, intitulée «Soutenons Edward Snowden» au président Obama. La pétition disait : «Nous vous appelons à assurer que le lanceur d’alerte Edward Snowden est traité équitablement, humainement et bénéficie d’une procédure régulière. Le programme PRISM est l’une des plus grandes violations de la vie privée jamais commises par un gouvernement. Nous vous demandons d’y mettre fin immédiatement, et que Edward Snowden soit reconnu comme un lanceur d’alerte agissant dans l’intérêt public – et non comme un dangereux criminel.»
  • En avril 2012, quelque 780 000 personnes ont signé une petitiond’Avaaz aux membres du Congrès, et une autre à Facebook, Microsoft et IBM (avec 626 000 signataires), pour qu’ils renoncent à soutenir le projet de loi sur la surveillance d’internet connue comme le Cyber Intelligence Sharing and Protection Act (CISPA). Le projet de loi, précisait la pétition, placerait «notre démocratie et nos libertés civiles [] sous la menace de pouvoirs de surveillance d’internet excessifs et inutiles», qu’il conférerait au gouvernement des Etats-Unis sans exiger de mandat.
  • Face aux grèves de la faim généralisées à la prison de Guantanamo Bay en 2013, Avaaz a récolté 690 000 signatures sur une pétition demandant de transférer les 86 hommes qui étaient déjà libérables et de désigner un responsable de la Maison Blanche dont la responsabilité serait de fermer la prison. La pétition disait : «Ce complexe honteux est un fléau pour l’humanité, il détruit des vies et alimente la haine dans le monde entier. Fermez-le !»
  • Avaaz est aussi au premier rang sur diverses autres questions – la lutte contre le réchauffement climatique, pour mettre fin à la vente d’armes étasuniennes et européennes à l’Arabie saoudite, protéger les forêts tropicales, sauver les espèces menacées, promouvoir les énergies propres, contester la tentative de Rupert Murdoch d’avoir un plus grand monopole sur les médias au Royaume-Uni, défendre les droits humains dans un grand nombre de pays, etc.

Dans aucune de ces autres campagnes nous ne voyons Avaaz proposer une action militaire quelconque. Pourquoi cette anomalie quand il s’est agi de la Libye et maintenant de la Syrie ? Et cela surtout lorsque les actions militaires ont ensuite si mal tourné en Libye, et lorsque même les grands généraux du pays disaient qu’une zone d’exclusion aérienne en Syrie serait une escalade de la guerre et mettrait en danger ces mêmes civils qu’Avaaz s’est donné pour but de protéger ?

John Hanrahan

John Hanrahan, actuellement membre de la rédaction en chef d’ExposeFacts, est un ancien directeur exécutif du Fonds pour le journalisme d’investigation et journaliste pour The Washington Post, The Washington Star, UPI et d’autres entreprises de presse. Il a aussi une vaste expérience d’enquêteur juridique. Hanrahan est l’auteur de Government by Contract et co-auteur de Lost Frontier: The Marketing of Alaska. Il a beaucoup écrit pour NiemanWatchdog.org, un projet de la Fondation Nieman pour le journalisme à l’Université de Harvard.

Article paru initialement le 11 avril 2016 sur ExposeFacts.org

Traduit par Diane Gilliard pour Arrêt sur Info

Première partie 

A suivre