Ray Ray McGovern suggère qu’avec la nouvelle alliance sino-russe l’équilibre a maintenant basculé en défaveur de l’Occident. La plus grande surprise – et le changement le plus significatif – est le soutien sans équivoque du président chinois Xi Jinping à ce que Poutine a fait, en dépit de la politique de principe, cohérente et de longue date de la Chine sur l’importance de la non-ingérence.
Comme la plupart des gens McGovern ne pensait pas que Poutine ordonnerait une invasion de l’Ukraine; en partie, selon l’idée que la Chine ne tolérerait pas une telle violation de sa politique maintes fois énoncée, contre la violation de la souveraineté d’une autre nation. Il s’avère être assez clair que Xi a approuvé l’invasion. ASI
Par Ray McGovern – Le 25 février 2022 – Antiwar
L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un moment capital dans l’histoire de l’après-guerre pour un Occident trop ambitieux qui n’a pas su lire les signes des temps. La Russie et la Chine ont conclu que leur force combinée pouvait protéger et promouvoir leurs intérêts individuels et mutuels “d’un océan à l’autre” – Atlantique et Pacifique – contre les menaces à la sécurité auxquelles elles ont été confrontées au cours des dernières décennies.
La grande surprise est la volonté de la Chine de donner à Poutine un laissez-passer pour l’invasion et de suspendre la position de principe de longue date de la Chine sur la non-ingérence.
Par son soutien tacite, mais non équivoque, à l’intervention de Poutine, le président chinois Xi Jinping ne semble pas s’inquiéter d’être “éclaboussé”. Ce mot est venu du président Joe Biden lors de la conférence de presse d’hier, où il a déclaré que tout pays soutenant l’invasion de l’Ukraine par la Russie serait “éclaboussé par association”. Interrogé pour savoir s’il incitait la Chine à isoler la Russie, Biden a répondu : “Je ne suis pas prêt à faire de commentaire à ce sujet pour le moment”.
La porte-parole chinoise s’explique
Avant la conférence de presse de Biden, la porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying, a appelé “toutes les parties à faire preuve de retenue pour éviter que la situation ne devienne incontrôlable” et s’est offusquée que les journalistes qualifient les actions de la Russie d'”invasion”.
“En ce qui concerne la définition d’une invasion, je pense que nous devrions revenir sur la façon de considérer la situation actuelle en Ukraine. La question ukrainienne a d’autres antécédents historiques très compliqués qui se poursuivent jusqu’à aujourd’hui. Ce n’est peut-être pas ce que tout le monde veut voir.”
À la question de savoir si Poutine avait dit à la Chine qu’il prévoyait d’envahir l’Ukraine, Hua a répondu que “la Russie … n’a pas besoin de demander le consentement de la Chine. Elle [la Russie] décide indépendamment et met en œuvre sa propre diplomatie et sa propre stratégie en fonction de son jugement et de ses intérêts stratégiques.” Elle a toutefois ajouté que “chaque fois que les chefs d’État se rencontrent, ils échangent bien sûr leurs points de vue sur des questions d’intérêt commun.” (Poutine et Xi se sont rencontrés à Pékin le 4 février – voir ci-dessous “Timing et invasion”).
Hua a appelé l’Europe à réfléchir à la manière dont elle peut mieux protéger sa paix et a accusé certains pays de “suivre les États-Unis en attisant la flamme.” “Nous nous opposons à toute action qui attise la guerre”, a-t-elle déclaré.
Le ministère chinois des affaires étrangères a déclaré plus tard que le ministre des affaires étrangères Wang Yi s’était entretenu avec son homologue russe, Sergei Lavrov. Wang a rappelé que la question de l’Ukraine avait une histoire “complexe” et a réaffirmé que la Chine comprenait ce qu’elle appelle les “préoccupations légitimes” de la Russie en matière de sécurité, a ajouté le ministère. Selon le Wall Street Journal, M. Wang a réitéré la position maintes fois exprimée de la Chine selon laquelle elle respecte la souveraineté et l’intégrité territoriale de toutes les nations, mais a ajouté que Pékin pouvait voir “des questions historiques compliquées et spécifiques en jeu en Ukraine.”
Le timing d’une invasion
Poutine a attendu la fin des Jeux olympiques de Pékin pour lancer l’invasion de l’Ukraine, pour ainsi dire. Le jour de l’ouverture (le 4 février), Xi et lui ont publié une “déclaration commune” fondamentale dans laquelle les deux parties “réaffirment que les nouvelles relations interétatiques entre la Russie et la Chine sont supérieures aux alliances politiques et militaires de l’époque de la guerre froide. L’amitié entre les deux États n’a pas de limites, il n’y a pas de domaines de coopération “interdits”.”
Ce jour-là, la rhétorique visait à montrer la proximité “sans précédent” (Poutine) du partenariat stratégique sino-russe actuel, et rappelait la publicité donnée à la première minute très scénarisée du sommet virtuel Poutine-Xi du 15 décembre. (Voir La Chine donne de l’élan à la nostalgie russe de l’OTAN).
En décembre, le président XI a déclaré à Poutine que “par sa proximité et son efficacité, cette relation dépasse même une alliance”. (Voir : Poutine et XI montrent un front uni au milieu des tensions croissantes avec les États).
Contexte
L’année dernière, les États-Unis ont involontairement fourni une forte adrénaline au rapprochement sino-russe et à la confrontation conjointe avec l’Occident. En mars 2021, le secrétaire d’État, Antony Blinken, et le conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, ont débarqué à Anchorage avec leurs homologues chinois, où les Chinois ont vivement protesté contre leur attitude dominatrice et ont refusé de se laisser faire.
Trois mois plus tard, Biden a ajouté l’insulte à l’injure lorsque, lors du sommet du 16 juin avec Poutine à Genève, il a montré à quel point il était mal informé sur ce que les Soviétiques appelaient la “corrélation mondiale des forces”. Avant qu’il ne puisse être embarqué dans son avion en partance de Genève, Biden a fait savoir que “les Russes sont dans une situation difficile en raison de la pression exercée par la Chine”. Il a ajouté :
“Sans le citer [Poutine] – ce qui ne me semble pas approprié – permettez-moi de poser une question rhétorique : Vous avez une frontière de plusieurs milliers de kilomètres avec la Chine. La Chine cherche à devenir l’économie la plus puissante du monde et la plus grande et la plus puissante armée du monde.”
Poutine et XI ont décidé de dissiper l’idée benoîte que chacun pouvait être bousculé, un par un, par l’Occident.
La crise ukrainienne a mis en évidence la nouvelle corrélation des forces que l’Occident ne peut plus se permettre de nier et d’éviter de traiter – et ce, non pas à partir de sa “position de force” trop familière mais désormais révolue.
Ray McGovern
Ray McGovern travaille pour Tell the Word, un organe d’édition de l’église œcuménique du Sauveur dans le centre de Washington. Au cours de ses 27 années de carrière en tant qu’analyste de la CIA, il a notamment été chef de la branche de la politique étrangère soviétique et préparateur/briefer du President’s Daily Brief. Il est cofondateur de Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS).
Source : Antiwar
Traduction: Arrêt sur info