Charles Aznavour – La critique

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La critique (2004)The critics
Ils sont là tranquilles sans la moindre bile
Lorsque l’on panique et que mort de trac
Tous nos membres claquent devant le public.
Avec un air sombre, ils guettent dans l’ombre
Armés d’un stylo, quoi qu’on dise ou fasse
De notre cuirasse, le moindre défaut.
De gauche ou de droite, ceux que l’on mandate
Pour faire un papier n’ont, je le présume
Pas trempé leur plume dans un bénitier.
Et que peut-on faire, pauvre pot de terre
Vulnérable et seul, lorsque l’on en crève
Rengainer ses rêves et fermer sa gueule ?
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La critique, la critique, on a beau dire au fond
Que l’on s’en contrefout, la critique, la critique
Vous détruit le moral et vous en fout un coup.
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Frappé de nécrose, en lisant ces proses
Qui sauf exception, ressemblent oh surprise
À des entreprises de démolition.
Si certains paniquent et neurasthéniques
Consultent des psys, d’autres se libèrent
Remuent ciel et terre, étant Dieu merci
Du genre opiniâtre, sont prêts à se battre
Et pour être mieux, cherchent un autre style
Changent de profil, plantent des cheveux.
Ça ne change guère, il reste une guerre
De papier journal fait de mots qui touchent
Là où ça fait mouche, là où ça fait mal.
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La critique, la critique, on a beau dire au fond
Que l’on s’en contrefout, la critique, la critique
Vous détruit le moral et vous en fout un coup.
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Sorti du calvaire des années galères
De crève-la-faim, des galas sordides
Des soirées à bidet lorsqu’on voit enfin
Son nom qui se niche en haut de l’affiche
Ça fait chaud au cœur, puis vient la première
Où faut se les faire, contrôlant sa peur.
Après la soirée, les dés sont jetés
Déjà dans le hall, c’est fait de silence
Inquiétant et dense, miel ou vitriol.
Que ce soit le sacre ou bien le massacre
Faudra faire avec, se dit en coulisses
L’artiste au supplice sans un poil de sec.
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La critique, la critique, on a beau dire au fond
Que l’on s’en contrefout, la critique, la critique
Vous détruit le moral et vous en fout un coup.
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Mais dis-toi que puisque tu as pris tes risques
T’as choisi ton bord, il te faut admettre
Que le sien est d’être, même s’il a tort
Celui qui informe, même s’il déforme
Souvent ta pensée, chacun sa manière
Et son savoir-faire, chacun son métier.
Les articles passent, d’autres prennent place
Dans les quotidiens, ainsi va la vie
Nul ne s’en soucie, nul ne s’en souvient.
Quand l’artiste en scène joue et se démène
Rien n’est important, adieu la critique
Salut le public, bravo le talent.
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La critique, la critique, qu’elle vous porte aux nues
Ou en trois mots vous tue, la critique, la critique
Donne son unique opinion qu’est pas forcément du béton.
En fin de compte, seul le public a raison.
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Here they are unworried and fret-free
While you panic frightened to death
All your limbs chattering before the audience.
Solemn-faced, armed with biros in the shadows
no matter what you do they keep an eye
for the least of your front’s flaws.
Left- or right-leaning, those that are mandated
to pen a piece do not, I take it
dip their quills into holy water
and what can you poor earthen pots do
vulnerable and alone, when it kills you having
to keep your dreams to yourself and shut your face?
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The critics, the critics, for all your confiding
that you don’t give a shit, the critics, the critics
they crush your spirit and shake you all up.
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Struck with necrosis as you read those pieces
which with the occasional exception resemble
what else is new, demolition works.
If some of us panic and consult shrinks
out of neurasthenia, others free themselves
and leave no stone unturned, being, thank God
of a tenacious kind and ready to fight
and, to get better, look for another style
change their profiles, and plant hairs.
Nothing much changes, the newspaper war remains
full of words that score
right where it matters, right where it hurts
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The critics, the critics, for all your confiding
that you don’t give a shit, the critics, the critics
they crush your spirit and shake you all up.
=
Out of the Calvary of dog’s years
of starvation, sordid galas and failed reps
when you finally see your name
with its top billing up there
It’s heart-warming, but then comes the première
Where you must face them, fear in check.
Once the show is over, the dice are cast
already in the hall all is disquieting and dense
silence – honey or vitriol.
Be it coronation or extermination
I’ll have to live with it, the artist under torture
sweating profusely tells himself
=
The critics, the critics, for all your confiding
that you don’t give a shit, the critics, the critics
they crush your spirit and shake you all up
=
But tell yourself that since you took your risks
and chose your camp, you must admit
theirs is to be, even if they are wrong
the ones that inform, even if they often distort
what you meant: to each his style
and his know-how, to each his job.
Articles go stale, others take their place
in the dailies, such is life
Nobody cares, nobody remembers.
When the artist on stage plays and does his utmost
nothing else matters. Goodbye the critics
hello the audience, talent is all.
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The critics, the critics, whether they praise you to the skies | or with three words slay you, the critics, the critics | give their unique opinions which are not necessarily watertight.
Ultimately, the public’s always right.