News conference following Russian-Hungarian talks. Photo: Pavel Baranov, Life


Conférence de presse de Vladimir Poutine et de Viktor Orban à l’issue des pourparlers russo-hongrois

Kremlin, 1 février 2022.

Vladimir Poutine : […] Nous avons également eu un échange de vues détaillé sur les propositions russes aux États-Unis et à l’OTAN visant à fournir à la Russie des garanties de sécurité juridiquement contraignantes à long terme. Nous tenons à souligner que nous analysons attentivement les réponses écrites obtenues le 26 janvier des États-Unis et de l’OTAN. Mais il est déjà évident que les préoccupations russes de principe ont été ignorées, et j’en ai informé le Premier ministre [hongrois]. Nous pouvons voir qu’ils n’ont pas répondu de manière adéquate à nos trois demandes clés concernant la prévention de l’élargissement de l’OTAN, le refus de déployer des systèmes d’armes offensives près des frontières russes et le retour de l’infrastructure militaire européenne du Bloc aux niveaux de 1997 lorsque l’Acte fondateur OTAN-Russie a été signé.

Dans le même temps, tout en ignorant nos préoccupations, les États-Unis et l’OTAN font référence au droit des États de choisir librement des méthodes spécifiques pour assurer leur sécurité. Mais il ne s’agit pas seulement de donner à quelqu’un le droit de choisir librement des méthodes pour assurer sa sécurité. Ce n’est qu’une partie de la formule de sécurité indivisible bien connue. La deuxième partie inaliénable implique qu’il est impossible de renforcer la sécurité de qui que ce soit au détriment de la sécurité des autres États. […]

Je voudrais expliquer encore une fois la logique de nos actions et de nos propositions.

Il est de notoriété publique qu’on nous a promis que l’infrastructure du bloc de l’OTAN ne s’étendrait pas d’un pouce vers l’est. Tout le monde le sait.

Aujourd’hui, nous voyons où se trouve l’OTAN : en Pologne, en Roumanie et dans les États baltes. Ils ont dit une chose mais en ont fait une autre. Comme ont dit, ils nous ont bien eus ; ils ont simplement triché. C’est ce qui s’est passé, voilà tout.

Puis plus tard, les États-Unis se sont retirés du Traité ABM. Nous avons essayé pendant longtemps de persuader nos partenaires de ne pas le faire. C’est l’un des traités fondamentaux sur la sécurité mondiale. Néanmoins, les États-Unis ont fait ce qu’ils ont fait : ils se sont retirés du traité. Aujourd’hui, des lanceurs de missiles anti-balistiques sont déployés en Roumanie et sont en cours d’installation en Pologne. Ils seront probablement là bientôt s’ils ne sont pas encore construits. Ce sont des lanceurs MK-41 qui peuvent lancer des Tomahawks. En d’autres termes, ce ne sont plus seulement des contre-missiles, et ces armes d’assaut peuvent couvrir des milliers de kilomètres de notre territoire. N’est-ce pas une menace pour nous ?

Maintenant, ils disent que l’Ukraine est la prochaine étape. Ce pays devrait être admis dans l’OTAN.

Écoutez attentivement ce que je dis. Il est écrit dans les doctrines de l’Ukraine qu’elle veut reprendre la Crimée, par la force si nécessaire. Ce n’est pas ce que les responsables ukrainiens disent en public. C’est ce qui est écrit dans leurs documents.

Supposons que l’Ukraine soit membre de l’OTAN. Elle sera remplie d’armes, des armes offensives modernes seront déployées sur son territoire comme en Pologne et en Roumanie – qui va empêcher cela ? Supposons que l’Ukraine commence ses opérations en Crimée, sans parler du Donbass pour l’instant. C’est un territoire russe souverain. Nous considérons que cette affaire est réglée. Imaginez que l’Ukraine soit un pays de l’OTAN et commence ces opérations militaires. Que sommes nous sensés faire? Lutter contre le bloc de l’OTAN ? Quelqu’un a-t-il au moins réfléchi à cela? Apparemment non.

Maintenant, concernant la mise en œuvre des accords de Minsk. D’un côté, on entend des déclarations de l’Ukraine qui veut les mettre en œuvre, alors qu’on nous accuse constamment de ne pas mettre en œuvre les accords de Minsk. D’un autre côté, on entend des déclarations publiques selon lesquelles l’Ukraine s’effondrera si elle respecte ces accords. Quelqu’un a-t-il pensé que s’il crée de telles menaces contre la Russie, il ne fera que créer des menaces similaires contre lui-même ?

Toutes ces questions nécessitent une analyse très minutieuse et une prise en compte des intérêts de chacun. On nous dit que chaque pays a le droit de choisir son propre système de sécurité. Nous sommes d’accord, mais je crois toujours que les États-Unis ne sont pas si préoccupés par la sécurité de l’Ukraine, même s’ils peuvent y penser en marge. Leur objectif principal est d’endiguer le développement de la Russie. C’est tout l’intérêt de leurs manœuvres. En ce sens, l’Ukraine n’est qu’un outil pour atteindre cet objectif.

Cela peut se faire de différentes manières : en nous entraînant dans un conflit armé, ou en obligeant leurs alliés en Europe à nous imposer des sanctions sévères comme les États-Unis en parlent aujourd’hui, ou en attirant l’Ukraine dans l’OTAN, en y déployant des armes d’attaque et en encourageant certains Banderites à résoudre les problèmes du Donbass ou de la Crimée par la force. De cette façon, nous pourrions être entraînés dans un conflit armé malgré tout.

Si nous examinons sérieusement ces nombreuses questions, il deviendra clair que pour empêcher la situation de prendre une tournure aussi négative, et nous voulons l’éviter, il est nécessaire d’examiner attentivement les intérêts de tous les pays, y compris la Russie, et de trouver une solution à ce problème.

Pourquoi avons-nous signé les traités et les accords connexes à Istanbul et à Astana qui stipulent qu’aucun pays ne peut assurer sa propre sécurité au détriment de la sécurité d’un autre ? Nous disons que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN compromettra notre sécurité et nous demandons à nos partenaires d’y réfléchir. Ils parlent d’une politique de la porte ouverte. D’où est-ce que cette idée vient ? Ou est-il stipulé que l’OTAN a une politique de la porte ouverte ? Où est-ce que c’est dit ? Nulle part. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, l’article 10 du Traité de l’OTAN de 1949 stipule que les parties peuvent, par accord unanime, accepter tout autre État européen dans le Traité. Donc, ils peuvent le faire, mais ils ne sont pas obligés de le faire.

Après tout, les États-Unis et l’OTAN peuvent dire à l’Ukraine et à d’autres : nous voulons assurer votre sécurité, nous l’apprécions et respectons vos aspirations, mais nous ne pouvons pas vous accepter car nous avons d’autres engagements internationaux que nous avons adoptés plus tôt. Qu’est-ce qui n’est pas clair ou même offensant pour l’Ukraine dans cette explication ?

Nous devons trouver un moyen d’assurer les intérêts et la sécurité de toutes les parties à ce processus : l’Ukraine, les autres pays européens et la Russie. Mais cela ne peut se faire que si les documents que nous proposons font l’objet d’une analyse sérieuse et réfléchie.

J’espère que ce processus se poursuivra. J’ai également convenu avec le Président de la France hier qu’il pouvait venir à Moscou dans un proche avenir pour discuter également de ces problèmes.

J’espère que nous finirons par trouver une solution, bien que nous réalisions que ce n’est pas simple. Mais, bien sûr, je ne suis pas encore prêt à parler aujourd’hui de ce que ce sera.

Je vous remercie.

Source : Kremlin.ru