Sébastopol a été créée par l’impératrice russe Catherine II pour servir de port à la flotte russe de la mer Noire [APE].


Pour comprendre le conflit en Crimée, il faut connaître l’histoire de la péninsule.

Selon Sergueï Khrouchtchev, fils de l’ex-Premier ministre Nikita Khrouchtchev, chargé de recherche à l’Institut Watson d’études internationales à l’université Brown, la Crimée n’a jamais fait partie de l’Ukraine que pour des raisons autres que bureaucratiques. En réalité cette terre est russe depuis des siècles. (ASI)


Par Sergei Khrushchev, 21 mars 2014

Le 16 mars 2014, le référendum de Crimée s’est déroulé sans le moindre combat ni affrontement, sur lesquels Kiev et Washington comptaient pourtant pour discréditer ce processus électoral.

En conséquence, le référendum eut lieu sans incident notable : 83 % de la population votèrent. Et sur ce nombre, 96,7 % — Russes, Ukrainiens et même quelques Tatars — se prononcèrent pour la sécession de la Crimée et pour son annexion par la Russie. Le scrutin fut surveillé par 135 représentants de 23 pays ainsi que par 240 observateurs de la société civile et des partis politiques de Crimée.

Tous confirmèrent à l’unanimité n’avoir remarqué aucune irrégularité notable ; ils confirmèrent également que toute la population avait pu voter librement, sans subir la moindre pression.

Pendant toute la nuit, sur les places de Simferopol, la capitale, et ailleurs en Crimée, les gens se sont réjouis, ont ri, se sont embrassés, ont dansé, ont tiré des feux d’artifice. À Kiev, tout le monde faisait grise mine.

Et à Washington, les cerveaux de l’administration Obama se demandaient fébrilement ce qu’ils allaient bien pouvoir trouver d’autre pour donner du fil à retordre à ces Criméens récalcitrants. Compte tenu de leur expérience en la matière, il leur viendra forcément une idée. Après tout, cela fait longtemps que les Irakiens, les Iraniens, les Syriens, les Libyens et les Libanais ont cessé de faire la fête.

LIENS ILLUSOIRES

Ce que les Criméens désiraient par-dessus tout, c’était briser les liens illusoires qui les attachaient à l’Ukraine. Entre l’Ukraine et la Crimée, en effet, le divorce est houleux : ces vingt dernières années ont été marquées par une tension continuelle, culminant par un scandale qui a progressivement impliqué plusieurs autres pays. Certains prirent le parti de l’Ukraine et d’autres non. Qui a tort, qui a raison ? Il est difficile de trancher.

Il n’en demeure pas moins qu’à cause de ce scandale, la Crimée et l’Ukraine sont devenus des sujets de conversation courante. Et pourtant, bien peu connaissent l’historique de cette situation.

C’est pourquoi je commencerai par évoquer l’histoire. La Crimée est une presqu’île sur la côte nord de la mer Noire, reliée au continent européen par un isthme étroit. Il y a 2 500 ans, les Grecs y établirent une colonie qui incluait la partie occidentale de la péninsule, où ils fondèrent le port de Chersonèse, l’actuelle Sébastopol.

Rappelez-vous ce nom : nous y reviendrons. Plus tard, les Romains succédèrent aux Grecs, et après eux la péninsule resta inhabitée pendant quelque temps.

Durant cette période de désertion, en 854, les Vikings établirent un comptoir sur les rives du Dniepr, fleuve qui traverse le continent européen du nord au sud. Il était en effet plus facile pour eux d’emprunter ce fleuve pour atteindre Byzance et ses richesses que de contourner l’Europe sur des mers capricieuses.

Peu à peu, ils soumirent les tribus locales, et c’est ainsi que naquit l’ancien royaume de la Russie kievienne. Ce royaume s’étendit progressivement jusqu’à atteindre la Crimée. Mais tout s’effondra d’un seul coup en 1240, lors de la prise de Kiev par les Mongols, qui laissèrent la cité en ruine. Elle le resta pendant de nombreuses années.

Tandis que les rives du Dniepr restaient orphelines, les Génois s’installaient en Crimée. Un siècle plus tard, Kiev, récemment reconstruite, tomba sous l’autorité d’une puissance émergente, la République des Deux Nations, née de l’union du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie. Durant cette période, qui s’étendit jusqu’au XVe siècle, apparut au nord-est l’État de Moscou, qui intégrait les vestiges de l’Empire mongol.

Les Tatars envahirent la Crimée en 1428, en chassèrent les Génois et s’y installèrent définitivement. Mais qui sont donc ces Tatars ? Ils constituent l’un des héritages de l’expansion mongole. Genghis Khan, qui souhaitait préserver les soldats mongols de son armée, envoyait sur les lignes de front des hommes choisis parmi les peuples conquis.

Or les Tatars figuraient parmi les premiers de ces peuples soumis par Gengis Khan. Depuis cette conquête, il les faisait batailler tout autour du monde. Après l’éclatement de son empire, certains Tatars retournèrent dans leur patrie, tandis que les autres s’installaient où ils se trouvaient : par exemple au bord de la Volga — ce sont les Tatars d’Astrakhan et de Kazan — et à Crimée.

Les Tatars de Crimée étaient de proches alliés de l’Empire ottoman ; en tant que tels, ils combattirent la Russie et la Pologne, qui à cette époque contrôlaient le territoire correspondant à l’Ukraine d’aujourd’hui.

Entre-temps, des serfs russes et polonais en fuite s’étaient installés sur l’île de Hortitsa, sur le Dniepr, et s’étaient donné le nom de Cosaques. Vivant de pillages, ils attaquaient tantôt les Tatars, tantôt les Polonais. Avec le temps, leur puissance ne fit qu’augmenter, et les Cosaques devinrent une force très organisée, en conflit constant avec la Pologne.

DEUX UKRAINES ?

Dans le deuxième quart du XVIIe siècle, les Cosaques, sous le commandement de Bogdan Khmelnytsky, attaquèrent une nouvelle fois la Pologne, mais ils furent vaincus. Khmelnytsky réussit à sortir de l’impasse en signant avec le tsar russe, en 1654, un traité qui mettait l’est de l’Ukraine sous la protection de Moscou.

La partie occidentale de l’Ukraine resta aux Polonais, passa ensuite sous l’autorité de l’Empire austro-hongrois, puis fut de nouveau récupérée par la Pologne. En conséquence, les Ukrainiens se trouvèrent divisés entre deux branches : celle de l’Est et celle de l’Ouest.

Indépendant de la Russie mais non de l’Empire ottoman, le khanat de Crimée exista jusqu’en 1783, année où il fut conquis par l’armée de l’impératrice Catherine II de Russie, qui établit un port à l’emplacement de l’antique Chersonèse pour y accueillir sa flotte russe de la mer Noire. Ce nouveau port reçut le nom de Sébastopol. Dès lors, l’Ukraine et la Crimée firent partie de l’Empire russe unifié. La Crimée, avec son climat doux et ses plages de galets, devint une destination de prédilection pour tous les Russes, qu’ils fussent tsars, aristocrates ou même simples sujets, pourvu qu’ils en eussent les moyens.

Tout cela continua jusqu’à la Première Guerre mondiale, plus précisément jusqu’en 1917, lorsque la Révolution russe détruisit le régime tsariste et abolit ses lois. Une époque, aussi, où tout semblait possible. Les régions de la périphérie en profitèrent, et l’Ukraine n’y fit pas exception : elle déclara son indépendance.

Sur la carte de l’Europe, il y avait en fait deux Ukraine : une Ukraine orientale avec Kiev pour capitale et une Ukraine occidentale qui était le territoire reconquis sur l’Empire austro-hongrois pendant la guerre. Mais tout changea en mars 1918, lorsque les bolcheviques signèrent avec l’Allemagne un traité par lequel ils lui concédaient l’Ukraine.

Comme il est impossible d’occuper un territoire sans frontières, les généraux allemands dessinèrent les limites de l’Ukraine selon leur propre conception, et ils y inclurent la Crimée. Ils y firent entrer leur armée, étouffèrent dans l’œuf l’indépendance de l’Ukraine et se préparèrent à y rester un bon bout de temps.

Cependant, en 1918, l’Allemagne fut défaite par l’Entente cordiale et son armée fut forcée de quitter l’Ukraine. L’Ukraine devint alors une république soviétique et participa à l’édification de l’Union, mais sans la Crimée, qui s’était intégrée à la République socialiste fédérative soviétique de Russie.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Ukraine récupéra les régions occidentales et acquit les frontières que nous lui connaissons aujourd’hui. Sur le fleuve Dniepr, l’une après l’autre, des centrales hydroélectriques furent construites. En 1950, ces installations atteignirent le cours inférieur du fleuve. Il fut alors décidé que l’eau du barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka ne servirait pas tant à produire de l’électricité qu’à irriguer les terres arides de l’Ukraine méridionale et de la Crimée.

À la fin de 1953, lors de la préparation du plan quinquennal de 1955 à 1960, ce système prévoyait deux canaux d’irrigation : le canal d’Ukraine du Sud et le canal de Crimée du Nord. Le premier devait traverser tout le territoire ukrainien, tandis que le second partait de l’Ukraine pour se terminer en Crimée, c’est-à-dire en République fédérale socialiste de Russie. Les planificateurs estimèrent que dans ces circonstances, l’autorité sur la construction devait être partagée en deux, ce qui risquait de compliquer et de ralentir le processus. Ils proposèrent donc au gouvernement la solution suivante : étant donné que le canal traversait le territoire ukrainien sur sa plus grande longueur, la partie restante, ainsi que le reste de la péninsule de Crimée, passerait de l’autorité de Moscou à celle de Kiev.

Mon père, Nikita Khrouchtchev, alors dirigeant de l’Union soviétique, approuva cet argument, d’autant plus aisément qu’une commémoration historique se profilait à l’horizon de février 1954 : le tricentenaire du rattachement de l’Ukraine à la Russie. Le Haut Conseil de la République fédérale de Russie décida donc de faire passer la Crimée sous autorité ukrainienne. Ainsi, la péninsule passa sous la juridiction de Kiev, mais cette passation n’était que formelle. En réalité, la Crimée continuait d’appartenir à l’Union soviétique et restait comme avant la destination de vacances des Russes.

LA FIN DE L’UNION SOVIÉTIQUE ?

Comment se termina tout cela ? À la fin de 1991, une atmosphère de révolution planait en Union soviétique. Les républiques soviétiques, y compris l’Ukraine, commençaient à parler d’indépendance. Elles ne se contentaient d’ailleurs pas d’en parler : elles passèrent à l’acte, fût-ce en dépit de la Constitution. Les présidents de trois républiques soviétiques se réunirent un jour dans la forêt de Bialowieza : Boris Eltsine (Russie), Leonid Kravtchouk (Ukraine) et Stanislaw Chouchkievitch (Biélorussie). Tous trois s’accordaient sur le fait que le président de l’Union soviétique alors en exercice, Mikhaïl Gorbatchev, leur tapait sur les nerfs. Ils décidèrent de se débarrasser de lui et de l’Union soviétique en même temps.

Avant de signer le document, ils se mirent à table pour déjeuner. Mais, ainsi que Leonid Kravtchouk le confia dans une interview, il restait une incertitude : que faire de la Crimée ? Officiellement, elle faisait partie de l’Ukraine, mais en réalité… Il entreprit de poser la question à Eltsine, mais à ce moment précis ce dernier n’était pas d’humeur à s’occuper du problème. Il n’avait qu’une chose en tête : chasser Gorbatchev du Kremlin. Il était là, assis, avalant verre sur verre, devant le pauvre Kravtchouk qui remettait sans cesse la Crimée sur le tapis. Eltsine lui fit signe de s’en aller. Kravtchouk n’insista plus et partit, la Crimée sous le bras : la péninsule devint une région autonome au sein de l’Ukraine indépendante. Cependant, elle ne fit jamais complètement partie de l’Ukraine et se sentit toujours marginalisée dans ce nouvel État.

Tout cela aurait pu continuer indéfiniment, mais c’était sans compter sans la révolte dite « de Maïdan ». À la fin de 2013, les Ukrainiens de l’Ouest, mécontents du président Viktor Yanoukovitch, se rassemblèrent à Kiev sur la place Maïdan et renversèrent l’autorité abhorrée des Ukrainiens de l’Est. Le président parvint à s’échapper tandis que les insurgés, faisant fi de la Constitution, prirent le pouvoir. La Crimée se hâta de profiter des événements : en effet, puisqu’un coup d’État anticonstitutionnel pouvait avoir lieu à Kiev, pourquoi ne pas faire la même chose en Crimée ? Ils annoncèrent donc un référendum sur leur sécession de l’Ukraine.

Constitutionnellement, une telle action est illégale, mais selon la même constitution, le gouvernement actuel de Kiev est tout aussi illégal. Cela n’a pas empêché tout le monde de le reconnaître, jusqu’au président des États-Unis. Alors pourquoi les Criméens auraient-ils moins le droit d’en faire autant ? Ce référendum de Crimée, en vérité, n’a pas moins valeur d’autorité que le gouvernement de Kiev.

La Crimée n’est pas, et de loin, la première entité à conquérir ainsi son indépendance, et n’est certainement pas la dernière. Par le passé, les États-Unis se sont affranchis de l’Empire britannique, et le Kosovo, plus récemment, s’est séparé de la Serbie. En vérité, c’est ainsi que de nombreuses nations sont devenues indépendantes, de l’Abkhazie à l’Algérie en passant par le Haut-Karabakh, le Timor-Oriental, l’Ossétie du Sud, la Tchécoslovaquie — qui s’est divisée en République tchèque et en République slovaque —, et peut-être bientôt l’Écosse (qui se prononcera bientôt par référendum sur son indépendance).

Et en 1991, c’est contre la Constitution soviétique que l’Ukraine a acquis son indépendance. La liste ne cesse de s’allonger, c’est un processus naturel du développement dynamique du monde : quand les uns déclarent leur indépendance, les autres en perdent leurs colonies et les régions qu’ils ont soumises. C’est un processus douloureux, mais à la longue nous nous y sommes habitués. Cependant, lorsque le scandale international de la Crimée a éclaté, il a entraîné dans son tourbillon des pays qui, jusqu’en 2014, ignoraient pratiquement tout de cette péninsule.

THÉORIES INFONDÉES

Et pourquoi ce tourbillon ? Parce que les États-Unis en avaient décidé ainsi, raisonnant selon des théories de leur cru sans tenir compte des réalités internationales. Par exemple, il fut un temps où les États-Unis souscrivaient avec enthousiasme à la théorie des dominos, qui peut s’énoncer ainsi : si les États-Unis perdent une seule nation de leur zone d’influence, cela provoquera instantanément l’effondrement du monde entier. Ainsi qu’on le comprit plus tard, cette théorie n’était même pas une théorie mais bien une fantasmagorie. Et pourtant cette fantasmagorie a causé la perte d’innombrables vies états-uniennes et dans le reste du monde.

Et maintenant, les États-Unis sont en proie à une autre fantasmagorie : s’ils laissaient, croient-ils, une seule des anciennes républiques satellites de l’Union soviétique se rapprocher de la Russie, alors cette Union se reformerait, provoquant le retour de la Guerre froide. L’impossibilité d’un tel scénario, au bout de vingt-cinq ans d’indépendance de ces républiques, ne les effleure même pas. Pour les États-uniens, le fantasme semble l’emporter sur la réalité.

Et naturellement, chacun peut voir les efforts faits par les États-Unis pour démontrer que le monde d’aujourd’hui n’est autre que le « monde américain » : c’est Washington qui décide de tout, de qui est méritant et de qui ne l’est pas. C’était ainsi, jadis, au temps de la Pax Romana. Jusqu’à la chute de Rome, bien entendu.

Et donc, les États-Unis dictent leur bon vouloir, qui est pour une large part le produit de leurs intérêts domestiques et reflète les luttes internes entre leurs différentes forces politiques. Ils imposent leur volonté au reste du monde et ne reculent jamais de leur position, pas même d’un centimètre, même si cette position est totalement erronée.

En outre, le président Barack Obama passe, à tort ou à raison, pour un président au caractère faible, ce qui donne l’impression que le moindre événement qui se produit dans le monde implique de facto les États-Unis. Je ne sais pas si Barack Obama est fort ou faible, et personnellement je le trouve assez sympathique, mais la faiblesse ou la force d’un homme politique est un élément de toute première importance dans la vie politique mondiale.

Un homme politique fort, un leader fort, n’a besoin de prouver ni à lui-même ni à son entourage politique ce qui est évident pour tout le monde. Il se sent libre de ses mouvements, participe aux négociations avec ses opposants, cherche à faire comprendre sa position et à comprendre celle de ses interlocuteurs. Il est prêt à faire des compromis raisonnables et parvient toujours à une décision, même dans les situations les plus extrêmes. L’attitude du président John F. Kennedy et de Nikita Khrouchtchev, président du Conseil des ministres — deux hommes politiques au caractère trempé —, lors de la crise des missiles de Cuba est un bon exemple d’une telle force : tous deux réussirent à trouver une solution dans des conditions acceptables de part et d’autre.

Un homme politique au caractère faible cherche constamment à démontrer à son entourage et à lui-même qu’il n’est pas réellement ce que les autres pensent de lui. Il cherche à prouver sa force, qui en réalité ressemble davantage à de l’obstination. S’il change d’avis après avoir fait une déclaration, il ne fait que prouver sa faiblesse, d’autant plus qu’il évite les négociations d’homme à homme parce qu’il les redoute.

Au lieu de cela, il envoie des émissaires chargés de consignes rigides et inflexibles, trace sans arrêt des lignes rouges, recourt à la menace et aux sanctions, et exige la capitulation de son vis-à-vis : c’est là un mode de négociation vain et contre-productif. En effet, la capitulation ne saurait être acceptée par aucune nation qui se respecte.

Par conséquent, l’homme politique faible a tendance à précipiter immédiatement la situation dans un conflit au lieu de trouver une solution. Il n’agit ainsi que pour prouver, à lui-même et à autrui, sa puissance illusoire, et pour cela il est prêt à sacrifier des milliers de vies humaines. Il est prompt à imposer des sanctions qui causeront la souffrance de millions d’êtres humains. Ce faisant, il ne nuit pas seulement au partenaire-opposant, mais aussi à son propre pays. C’est pourquoi les sanctions ne se contenteront pas de frapper l’ennemi : elle priveront aussi les États-Unis de millions de clients potentiels. Tout cela pour prouver une chose et une seule : qu’il n’est pas un président faible.

LEÇONS DE L’HISTOIRE

Je le répète : je ne sais pas si Obama est un homme politique au caractère faible, mais la situation « sans compromis » qu’il est en train de bâtir autour de la Crimée correspond au modèle que je viens de décrire. Le président états-unien a délibérément œuvré pour former une coalition gouvernementale qui ne reconnaît pas les droits du peuple. Et cela contredit le principe même qui a été érigé par ses propres prédécesseurs.

Souvenons-nous de Woodrow Wilson, qui affirma le droit de chaque nation à l’autodétermination et à la formation d’un État souverain. Ou le président Clinton, qui n’hésitait pas à recourir à la force militaire pour convaincre Slobodan Milosevic d’accorder aux Albanais du Kosovo le droit de se constituer en État.

À présent, tout va dans le sens opposé. Le peuple de Crimée est menacé de sanctions et de représailles directes de l’autorité de Kiev. Et parce qu’elle déclare son soutien à la Crimée, la Russie aussi est menacée de sanctions. Une telle politique a-t-elle des chances de réussir ? J’en doute. Je crois plutôt qu’elle aura l’effet inverse : elle intensifiera la lutte pour l’indépendance du peuple criméen et encouragera la Russie à témoigner encore plus fermement son soutien à cette lutte. Rappelons-nous comment, au XIXe siècle, la Russie avait fermement affirmé son soutien au mouvement de libération des Bulgares contre le joug turc.

Quant aux sanctions, elles sont évidemment pénibles, mais l’exercice d’une telle pression est une insulte au sentiment national et ne fera qu’inciter les Russes à manifester une résistance encore plus radicale. Un tel phénomène s’est déjà produit plus d’une fois dans l’histoire.

Pendant la guerre de Crimée (1853-1855), Sébastopol résista à un long siège mené conjointement par les Anglais, les Français et les Turcs ; et en 1941 et 1942, la ville résista à l’armée allemande pendant presque une année. Dois-je également rappeler le siège de Leningrad, qui dura neuf cents jours ? Les assaillants s’appuyaient, là aussi, sur la certitude d’une capitulation, mais les assiégés en décidèrent autrement et finirent par l’emporter. Et maintenant, ces sanctions…

BÉNÉFICES FINANCIERS POUR TOUT LE MONDE ?

Il y a un point positif dans cette triste histoire : les lourds nuages venus de Crimée ont provoqué une pluie d’or sur l’Ukraine. Celle-ci a reçu de l’Occident plus de subsides financiers qu’elle ne pouvait en rêver. Le nouveau gouvernement est-il capable de s’en servir intelligemment ? Cela, c’est une autre histoire. Et s’ils se mettaient tout dans les poches ?

La Maison-Blanche, qui n’a pas perdu de temps, a officiellement reconnu le gouvernement autoproclamé du Maïdan ; Obama a même accueilli en personne son Premier ministre et l’a couvert de largesses.

La Crimée, de son côté, n’est pas en reste. Comme elle n’a connu pratiquement aucun investissement durant les vingt dernières années, son infrastructure est exsangue. À la Russie désormais de reconstruire la Crimée !

Et les Tatars aussi ont eu leur part du gâteau. Le Parlement russe a promis de leur accorder les importants privilèges politiques et culturels qu’ils avaient déjà sollicités de Kiev sans le moindre effet. Bien entendu, une autonomie du peuple tatar en Crimée est impossible, car ils ne représentent que 12 % de la population, mais la Russie leur garantit une représentation adéquate dans toutes les institutions gouvernementales ainsi que la légalisation à leur profit des terres qu’ils avaient réquisitionnées illégalement et sur lesquelles ils continuaient de vivre sans aucun droit ni garantie.

Concernant les accusations et les insultes lancées au président Vladimir Poutine, voyons la question d’un peu plus près. Il y a vingt-cinq ans, son prédécesseur Mikhaïl Gorbatchev s’était tourné résolument vers l’Ouest, avait fait allégeance aux valeurs occidentales et à la bienveillance des États-Unis. Boris Eltsine avait adopté la même politique, et même Poutine l’avait fait durant les premières années de son mandat.

Or les États-Unis ne tinrent aucune des promesses faites à la Russie, écrites ou verbales. Ils avaient promis que l’OTAN ne pénétrerait jamais en Europe de l’Est, et que voit-on aujourd’hui ? La Russie a soutenu la guerre états-unienne en Irak et même l’intervention en Libye, qui avait pour objectif un changement de régime. Quel fut le résultat ? Les entreprises russes furent éliminées des marchés de ces pays.

De la Russie, les États-Unis attendent une obéissance inconditionnelle, sans de leur côté faire le moindre geste pour défendre les intérêts russes. Et par-dessus le marché, ils la menacent de sanctions. Tout se passe comme s’ils avaient considéré l’amitié russo-américaine comme une relation où la Russie resterait un petit pays dans l’orbite états-unienne. Se peut-il que Poutine en ait eu assez, tout simplement ?

Sergeï Khrouchtchev

Partie I et Partie II
Cet article a été publié en mars 2014, en deux parties, sur Al Jazeera

Traduction Arrêt sur info

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Crimea: Whose land is this? Part 1

In order to understand the conflict in Crimea, one has to know the history of the peninsula.

On March 16, the Crimean referendum took place without any fighting or clashes, which Kiev and Washington were hoping to use to discredit the process.

As a result, the referendum was conducted without major problems; 83 percent of the population cast their vote and 96.7 percent of them – Russians, Ukrainians and even some Tatars – voted for secession from Ukraine and annexation to Russia. The vote was observed by 135 representatives of 23 countries and 240 observers represented the Crimean civic society and political parties.

They unanimously confirmed that there were no significant violations and that everyone could vote freely, without any pressure.

All night, people on the squares of the Crimean capital Simferopol and others were celebrating, laughing, hugging, dancing, and firing fireworks. In Kiev, all were sulking.

In Washington DC, the best minds of the Obama administration were feverishly thinking how else to make it more difficult for the recalcitrant citizens of Crimea. They will definitely think of something since they have a lot of experience in doing so. After all, Iraqis, Iranians, Syrians, Libyans and the Lebanese have long stopped celebrating.

Illusionary connections

Crimean’s main goal was to break up the illusionary connections with Ukraine. Crimea’s divorce from Ukraine was bumpy: In the last 20 years, there were constant tensions and it ended with a scandal, which gradually involved a number of countries. Some took Ukraine’s side, others did not. Who is right, and who is not, it is difficult to say.

However, as a result of this scandal, Crimea and Ukraine have become household conversation and yet few people know what the matter was really about.

That is why, I will begin with history. Crimea is a peninsula on the north coast of the Black Sea, connected to the European continent through a narrow strip of land. Some 2,500 years ago, the ancient Greeks founded a colony there, including in the western part of the peninsula, where they built the port Chersonesus, which is the present location of Sevastopol.

Remember this name, we will get back to it later. Then the Romans took over from the Greeks and after them the peninsula was uninhabited for some time.

In the meantime, in 854 the Vikings set up an outpost on the river banks of Dnepr, which crosses the European continent from North to South. They thought it would be easier to use the river to get to the riches of Byzantium than to go around Europe in the stormy seas.

They gradually subordinated the local tribes and this is how the ancient kingdom of Kievan Rus was born. It gradually expanded its rule and reached Crimea. However, everything collapsed overnight in 1240, when the Mongols captured Kiev and turned it into ruins for many decades.

These lands on the banks of the Dnepr river were orphaned, while the Genovese settled in Crimea. After a century, the newly rebuilt Kiev came under the rule of the rising power of the Polish-Lithuanian Commonwealth. This continued until the 15th century. During this time, in the North-East, the state of Moscow emerged which incorporated the leftovers of the Mongol Empire.

In Crimea, Tatars invaded in 1428 displacing the Genovese and settled there permanently. But who are the Tatars? This is one of the inheritances of the Mongol expansion. Genghis Khan preferred not to risk his own Mongol soldiers and therefore, on the front lines, he would put men from the conquered peoples.

One of the first people he conquered were the Tatars. Since then, he dragged them into battle around the world. After the break-up of the empire, some Tatars returned to their homeland, while others stayed where they found themselves: On the Volga river – The Astrakhans and Kazan Tatars; and in Crimea – the Crimean Tatars.

The Crimean Tatars were closely cooperating with the Ottoman Empire and fought Russia and Poland, which at that time were controlling the territory of today’s Ukraine.

In the meantime, fugitive Russian and Polish serfs settled on the island of Hortitsa in the river Dnepr, and started calling themselves Cossacks. They provided for themselves through plundering, attacking at times the Tatars, at times the Poles. Gradually their power increased and the Cossacks became a serious organised force, always in conflict with Poland.

Two Ukraines?

In the second quarter of the 17th century, the Cossacks, under the leadership of Bogdan Khmelnytsky, once again attacked Poland. Towards the end of the campaign, they suffered a defeat. Khmelnytsky found a way out of the dead-end: In 1654, he signed a treaty with the Russian tsar putting East Ukraine under the protection of Moscow.

The Western part of Ukraine was left to the Poles which then came under Austria-Hungary and then again to the Poles. As a result, the Ukrainian people were split between two branches: Eastern and Western.

Independently from Russia, but not from the Ottoman Empire, the Crimean khanate existed until 1783, when it was conquered by the army of Russian Empress Catharine II, who set up a port at the old location of Chersonesus to host the Russian Black Sea fleet.

The new port was called Sevastopol. Since that time, Ukraine and Crimea were part of the unified Russian Empire. Crimea, with its warm climate and pebble beaches, was a favourite holiday-destination for all Russians, whether Tsars, aristocrats, and even simple people, if they had the means.

It continued this way until World War I or rather 1917 specifically, when the revolution was destroying the old regime and taking down its laws. And when everything was possible. The periphery took advantage of that, including Ukraine, which declared independence.

On the map of Europe, there were in fact two Ukraines: An Eastern one with capital Kiev and a western one – on the territory reclaimed from Austria-Hungary during the war. But already in March 1918 all changed. The Bolsheviks signed a peace treaty with Germany, through which Ukraine was conceded.

It is impossible to occupy a territory, which doesn’t have borders. The German generals drew in their own understanding the borders of Ukraine, including Crimea. They ushered in their army, killed Ukrainian independence in its cradle and were preparing to settle for a long time.

However, in November 1918 Germany suffered a defeat from the Entente and its army was forced to leave Ukraine. Ukraine then became a Soviet Republic and it took part in the founding of the Soviet Union, but without Crimea, which joined the Russian Federation.

After World War II, Ukraine acquired the Western lands and it acquired its present borders. On the river Dnepr, the construction of hydroelectric plants began, one after the other. In 1950, the works reached the lower part of the river. It was decided that the last cascade of the Kakhovka Hydropower Plant will be used not so much for electricity, but for irrigation of the dry lands of Southern Ukraine and Crimea.

At the end of 1953, when the five-year plan for 1955-1960 was being prepared, two irrigation canals included: South-Ukrainian and North-Crimean.

The first canal was going through Ukrainian territory in its entirety, while the second one began in Ukraine and ended in the Russian Federation, in Crimea. The planners decided that this will necessitate the splitting of construction authority, which will cause confusion in the building process and slow it down. So they came up with a suggestion to the government:

Since the canal passes mostly through Ukrainian territory, then the rest of it should, along with the whole of Crimea, pass from the supervision of Moscow to that of Kiev.

My father Nikita Khrushchev who headed the leadership of the Soviet Union, agreed with this argument, especially that an anniversary was approaching:

In February 1954, it was 300 years since Ukraine joined Russia. It was said – it was done. The Higher Council of the Russian Federation decided to pass Crimea over to Ukraine. In this way, Crimea came under the jurisdiction of Kiev, but just formally. In fact, it remained part of the Soviet Union and was our common holiday destination.

The end of the Soviet Union?

And now how did it end? By the end of 1991 in the Soviet Union there was a revolutionary atmosphere. The Soviet republics, including Ukraine, started talking about independence. They weren’t just talking about it, in fact they decided to act, even if it were against the constitution. Three presidents got together in the Bialowieza Forest: Boris Yeltsin (Russia), Leonid Kravchuk (Ukraine) and Stanislav Shushkevich (Belarus). They agreed on the fact that the then president of the Soviet Union, Michail Gorbachev was wearing them down and they needed to get rid of him and the Soviet Union.

Before the signing of the document, they decided to get lunch. But as Leonid Kravchuk said in an interview, one thought worried him: What to do with Crimea? Formally, it was part of Ukraine, but in reality? He turned with this question to Yeltsin, but at that moment he was not in the mood to deal with this matter. He couldn’t wait to get Gorbachev out of the Kremlin.

He was sitting down and rushing through his drinks and there was Kravchuk still pestering about Crimea. Yeltsin waved him off to go away. Kravchuk calmed down and took off with Crimea, which became an autonomous zone within the borders of independent Ukraine. The peninsula, however, never completely entered Ukraine and it felt as an outcast in the new state.

It could have continued like this forever, but then the “Maidan” revolution happened. At the end of 2013, Western Ukrainians, dissatisfied with President Viktor Yanukovych, gathered at Kiev’s Maidan and overthrew the hated authority of the Eastern Ukrainians.

The president escaped, while they bypassed the constitution and established their power. Crimea took advantage of these circumstances, because since such unconstitutional takeover could happen in Kiev, why not have it happen in Crimea too? Thus they announced a referendum for secession from Ukraine.

According to the constitution, it is illegal, but according to the constitution, the current government in Kiev is also unconstitutional.

In reality, however, everyone accepted it, even the US president. So what makes the Crimeans worse than them? The Crimean referendum, too, in reality won’t have less power/strengthen than the government in Kiev.

This is the first part of Sergei Khrushchev’s essay on Crimea. The second part will be published on Saturday, March 22.

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Is it fair for the US to expect unconditional obedience from Russia against its own national interests?

Crimea is by far not the first entity – and won’t be the last – to achieve independence in this way. In the past, the US broke off the British Empire, while Kosovo just recently left the borders of Serbia. It is in this manner that many achieved their independence, whether Abkhazia, Algeria, Nagorno-Karabakh, East Timor, South Ossetia, Czechoslovakia (which split into the Czech Republic and Slovakia), and maybe soon Scotland (due to hold its own independence referendum).

In 1991, in spite of the Soviet constitution, Ukraine itself acquired its independence. The list goes on and it is a natural process within the dynamic development of the world, when some announce independence and others lose their colonial territories and subordinate lands. It is a painful process, but we’ve gotten used to it. As the international scandal around Crimea erupted, it sucked into its orbit countries which until 2014 knew almost nothing about the peninsula.

Illusory theories

And this was all because the US decided it was so, taking up homegrown illusory theories without considering international realities. For example, at some point in the US, the domino theory was popular, according to which, if they let go of just one country from their orbit of influence, then the whole world would instantly fall apart. This theory turned out to be not even a theory, but a fantasy, and yet, because of it, the US and the world lost countless lives.

Now in the US, there’s another fantasy: If they let any of the former Soviet states get closer to Russia, then the Soviet Union will be reconstituted, marking a return to Cold War. The fact that such a scenario is impossible, after 25 years of independence for these countries, is not taken into account. For Americans, fantasy seems stronger than reality.

And of course, one can see the US attempts to demonstrate that today’s world is the American world: Washington decides on everything – who to judge worthy or unworthy. This is how it was once in Pax Romana. Until, of course, Rome fell.

And thus the US is dictating its will, which tends to be a product of domestic interests and reflects internal struggles between its political forces. It imposes its will  on the rest of the world and does not back down from its stance, not an inch, even if this position is completely flawed.

One more component: President Barack Obama is somehow believed to be a weak president, which gives the impression that anything that happens in the world involves the US. I don’t know whether or not Obama is a weak politician. Personally, I find him likeable, but a politician’s strength or weakness is a very serious factor in world politics.

A strong politician and leader need prove, neither to himself nor to his circle, that which is obvious to everyone. He feels free and participates in negotiations with his opponents, trying to explain his position and understand his partners; he is always ready to make a reasonable compromise and in the end makes decisions even in impossible situations. An example of that is how President John F Kennedy and the head of the council of ministers, Nikita Khrushchev, both strong politicians, behaved during the Cuban crisis and found a solution under mutually acceptable conditions.

A weak politician always tries to prove to his circle and to himself that he is not what others think of him; he has to prove his strength which, in reality, turns out to be obstinacy rather than strength. After making a statement, he would not change his position at all, or else he would appear weak, and at the same time avoid negotiations in person because he fears them.

Instead, he sends emissaries with rigid, uncompromising instructions, draws red lines, resorts to threats and sanctions, and demands capitulations from his partner, i.e. useless and counter-productive negotiations. No self-respecting country would agree to capitulation.

As a result, the weak politician tends to quickly draw the situation into a conflict rather than a solution. And all this is to prove his power – to himself and others – and because of that he is ready to sacrifice countless lives.

He is ready to impose sanctions, which will lead to the suffering of millions of people, which will hurt not only the partner-opponent, but also his own country. That is why, the sanctions will not only hit the enemy, but also deprive the US from millions of potential customers. And all this to prove one thing – that he is not weak.

Lesson from history

I repeat, I don’t know whether Obama is weak as a politician, but it is precisely this sort of “uncompromising” situation that is being set up around Crimea. The US president made effort to put together a coalition which does not recognise the will of the people. And all this against the principle which was declared by his own predecessors.

Let’s remember Woodrow Wilson, who declared the right of every nation to self-determination and statehood. Or President Clinton, who was not reluctant to use military force to try and convince Slobodan Milosevic of the right of Kosovo’s Albanians to establish a state.

Now everything is happening in the opposite direction. Crimeans are threatened by sanctions and by the direct enforcement of Kiev’s power onto them. And for expressing support for Crimea, Russia is also threatened with sanctions. Will such policies work? I doubt it. It would rather have the opposite effect: It will stimulate the struggle for independence inside Crimea and it will encourage Russia to assume an even firmer position of support for this movement. Let’s remember how in the 19th century, Russia held firmly its support for the liberation movement of the Bulgarians from Turkish rule.

As for the sanctions, they of course are painful, but the use of such pressure is insulting to the national self-consciousness and will only provoke the Russians to undertake even more intransigent resistance. This has happened more than once in history.

During the 1853-1855 war, Sevastopol survived a long siege by the combined forces of the English, French and Turks, while in 1941-1942 it resisted the German army for almost a year. Should I also mention the 900-day siege of Leningrad? Then, too, those leading the siege were driven by the logic that capitulation is inevitable, but the besieged decided the opposite and in the end, they won. And now these sanctions…

Financial rewards for all?

But in all this unpleasant story, there is also a positive aspect: The stormy clouds of Crimea poured a golden shower over Ukraine. It received from the West more financial help than it ever dreamed of. It’s another question whether the new government will be able to use it reasonably. Or will they put it into their own pockets?

The White House did not waste time and it officially recognised the self-formed revolutionary government of the Maidan and Obama even welcomed its prime minister and showered him with kindness.

Crimea got lucky, too. Due to lack of investment in the past 20 years, its infrastructure has become dilapidated. Now it’s Russia’s honour to rebuild Crimea.

The Tatars got lucky, too. The Russian Parliament promised them maximum political, cultural and other privileges, which they requested from Kiev before, but to no avail. Of course, Tatar autonomy in Crimea is impossible; they are only 12 percent, but an adequate presence in all governmental institutions is guaranteed for them, as well as legalisation of the lands, which they took over illegally and continue to live on without any rights or guarantees.

And as for the accusations and insults thrown at President Vladimir Putin, let’s think about them. Twenty-five years ago, his predecessor Mikhail Gorbachev turned his face westward, declared his adherence to Western values and friendship with the US. Boris Yeltsin followed the same policies, and even Putin in his early years did so.

The US did not abide by any of its promises to Russia, neither the written ones, nor the spoken ones. They promised that NATO would not enter Eastern Europe, and what is the reality today? Russia supported the US war on Iraq and even the intervention in Libya aiming at regime change. As a result, Russian companies have been squeezed out of the markets of these countries.

From Russia, they expect unconditional obedience, without any attempt to defend Russian national interests. And on top of that, it’s threatened by sanctions. It seems that they perceived the friendship between Russia and the US to mean that Russia would remain a small nation in the American orbit . Maybe Putin simply got tired of doing that?

Sergei Khrushchev

This is the second part of Sergei Khrushchev’s essay on Crimea. The first part was published on Friday, March 21.

Source: Aljazeera.com