La bataille d’Alep, un échec au plan de partition de la Syrie, une consécration du Hezbollah

 «Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire». Georges Clemenceau.

ALEP, UN TOURNANT MAJEUR DE LA GUERRE, UNE LOURDE DÉFAITE DE L’OPPOSITION DJIHADISTE ET DE SES PARRAINS OCCIDENTAUX, UN CAMOUFLET MAGISTRAL POUR LA FRANCE.

La Syrie et ses alliés ont infligé une lourde défaite à leurs adversaires dans la guerre déclenchée contre ce pays il y a six ans, en reprenant le contrôle de la vieille ville d’Alep, un tournant majeur de la guerre, la première étape vers la mise en échec du plan de partition de la zone, attribué aux Occidentaux.

A 48 heures d’une conférence internationale des «pays refusant la guerre totale» en Syrie, cette percée militaire a constitué un camouflet magistral pour la France, organisatrice de cette rencontre.

La chute d’Alep Est, l’ancien bastion des djihadistes, a obéi à un scénario identique à celui observé pour la chute de Yabroud, le verrou de Damas à 80 km au nord-est de la capitale, le 15 mars 2014, le jour même du rattachement de la Crimée à la Russie par référendum. Elle a rendu sans objet la conférence Paris et sans voix le chœur des islamophilistes qui s’esbaudient depuis six ans sur les lucarnes nationales, faisant étalage de leur fausse science, en même temps que de leur imposture.

VERS UNE RÉDUCTION DE LA VOILURE DE LA FRANCE

Sur fond d’éradication populaire des principaux responsables français de la guerre de Syrie (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, Laurent Fabius, Manuel Valls), la défaite d’Alep, au delà la défaite de Syrie, se range parmi les défaites majeures qui ont jalonné l’histoire militaire et diplomatique française depuis deux siècles. Très exactement depuis Waterloo, en 1815, en passant par Fachoda, l’expédition du Mexique, Sedan (1880), la capitulation devant l’Allemagne nazie au terme de 39 jours de combat, en juin 1940, enfin Dien Bien Phu, 1954, l’expdition de Suez (1956)et l’Algérie (1962).

Un tel palmarès explique la relégation diplomatique dont la France est l’objet, que l’historien Marcel Gauchet a diagnostiqué dans un verdict sans appel: «En juin 1940, la France a brutalement cessé d’être une grande puissance».

Dans la foulée de sa déconfiture de Syrie, la France, nolens volens, est conduite à réduire sa voilure. Faute de s’être donnée les moyens de sa politique, la voilà réduite à la politique de ses moyens.

LES PLANS DE BATAILLE DU HEZBOLLAH DANS LA GUERRE DE SYRIE ENSEIGNÉS DANS LES ACADÉMIES MILITAIRES RUSSES.

La reconquête d’Alep par les forces gouvernementales syriennes a signé le retour dans le giron du pouvoir central du «pays utile» représenté par les cinq grandes villes syriennes de Syrie (Damas, Alep, Homs, Hama, Lattaquieh).

Revers stratégique et psychologique majeur pour l’opposition djihadiste, cette victoire retentissante du pouvoir baasiste et de ses alliés internationaux et régionaux (Russie Iran Hezbollah) pourrait modifier l’issue du conflit.

L’ancien prisonnier politique syrien, Michel Kilo, transfuge communiste vers les pétromonarchies, le constatera sans ambages: «L’Arabie saoudite est un pays qui ne connait ni la démocratie, ni les Droits de l’Homme. Un pays à qui fait défaut le sens de l’arabité et de l’Islam. L’Arabie et les autres pétromonarchies du Golfe souhaitent la destruction de la Syrie et non l’instauration de la démocratie dans ce pays», proclamera l’ancien commensal du Prince Bandar Ben Sultan, le commandant en chef des djihadistes durant la première phase de la guerre de Syrie.

«Al Bab» (La Porte), à trente km à l’Est d’Alep pourrait constituer la prochaine étape de l’offensive gouvernementale en vue de verrouiller l’accès à la capitale économique de la Syrie et figer la progression des forces kurdes et turques dans la zone frontalière, prélude à l’effondrement djihadiste en Syrie. La poursuite de l’offensive gouvernementale en direction de ses derniers bastions, particulièrement Idlib, et Raqqa, porterait le coup de grâce au plan de démembrement du pays et de sa mise sous tutelle atlantiste.

S’inspirant du précédent de Benghazi dans l’affaire libyenne, Alep, au regard des stratèges turcs et occidentaux, devait servir de tête de pont tant pour l’aide humanitaire que pour le déferlement et le ravitaillement militaire des djihadistes pour une désagrégation du régime par une guerre d’usure.

De l’aveu même des Russes, un des grands artisans de ce retournement est le Hezbollah, promu désormais au rang de stratège.

Sur le rôle du Hezbollah et de l’Iran en Syrie

La guerre de Syrie a consacré le Hezbollah au rang de stratège et propulsé la formation chiite comme interlocuteur direct du commandement militaire russe dont les plans de bataille menés depuis cinq ans dans ce pays font désormais objet d’un enseignement dans les académies militaires russes.

«A l’avant garde du combat, le Ayatollah est parvenu à neutraliser rapidement les effets de la percée opérée par les djihadistes, le 28 octobre 2016, à la faveur de la trêve humanitaire dans le secteur ouest de la métropole économique de Syrie et à colmater les brèches notamment dans la secteur abritant les postes névralgiques de l’armée syrienne, l’Académie militaire et la Cité Assad, rapporte le journal libanais «Al Akhbar» dont la version arabe du récit se trouve sur ce lien à l’intention des locuteurs arabophones.

Le Hezbollah, qui a eu à déplorer la perte en Syrie de plusieurs dirigeants du premier rang, –notamment Mohammad Badredddine, le chef de la branche militaire du Hezbollah, Jihad Moughniyeh, le fils du fondateur de la branche militaire du Hezbollah, Imad Moughniyeh, Samir Kintar, l’ancien doyen des prisonniers politiques arabes en Israël ainsi que le commandant de sa défense balistique anti aérienne–, est parvenu à anticiper la riposte djihadiste.

Déjouant leur offensive menée à l’aide de douze camions chargés d’explosifs, le Hezbollah a implosé le détachement adverse constitué par des assaillants de «Jaych Al Fatah» et de groupuscules qui lui sont alliés, menant une bataille de rue, nettoyant immeuble après immeuble jusqu’à refouler les survivants hors de la zone des combats, ajoute le quotidien beyrouthin.

Au des résultats de la bataille et face à l’habileté manœuvrière tactique et stratégique dont les chefs militaires du Hezbollah ont fait preuve sur le théâtre des opérations à Alep, tant face à la «grande épopée du 28 octobre, que dans l’opération dite «La conquête Abou Omar Saraqbeh» qu’auparavant dans le secteur de Dera’a (sud de Syrie), lors du déferlement djihadiste dans la bataille de «Cheikh Miskine», le commandement militaire russe a demandé, à la mi novembre 2016, une rencontre directe avec le commandement du Hezbollah pour lui réclamer ses plans de bataille pour y être enseigné dans les académies militaires de Russie, poursuit le journal.

Le commandant Abou Omar Saraqeb dirigeait la plus importante coalition de rebelles et djihadistes en Syrie, à l’origine de la conquête de Jisr Al Choughour. L’annonce de sa mort a été faite sur Twitter par son groupe le Front Fateh al-Cham, anciennement Jabhat An Nosra qui a renoncé il y a quelques mois à son rattachement à Al-Qaïda. Le groupe fait partie de la coalition internationale anti djihadiste dirigée par les États-Unis.

La rencontre militaire Russie Hezbollah de la mi novembre est la première du genre entre ces deux partenaires de la guerre de Syrie. Jusque là, les échanges entre les deux parties se faisaient dans le cadre de la concertation quadripartite régulière se tenant au sein des PC commun de Bagdad (Russie, Iran, Syrie, Hezbollah) ou au sein des cellules d’opérations conjointes en Syrie même sur le champ de bataille.

Depuis l’intervention militaire russe en Syrie, le 1er septembre 2015, le Hezbollah avait pris soin d’éviter le contact direct avec la hiérarchie militaire russe en raison de leurs divergences sur leur approche respective du conflit israélo-arabe.

Lors de la visite de Dimitri Medvedev en Israël, fin novembre 2016, le président russe soulevé auprès de ses interlocuteurs israéliens leurs divergences à propos de l’Iran et du Hezbollah, spécifiant: Le Hezbollah n’est pas une organisation terroriste et l’Iran n’est pas notre. Les deux (Iran et Hezbollah) sont nos partenaires dans la guerre de Syrie».

La bataille pour la reconquête d’Alep a ainsi conféré au Hezbollah un statut de stratège et non plus de simple exécutant de la stratégie iranienne, un acteur majeur sur le plan militaire face à Israël et en Syrie.

SUR LE PLAN MILITAIRE: HEMEIMINE ET TARTOUS, S.400 TRIUMPH, MISSILES AUTO MOTEUR BOURK ET CANONS PANTSYR.

La Russie dispose de deux bases en Syrie, la base aérienne à Hemeimine, au sud-est de la ville de Lattaquieh et l’importante base navale de Tartous. Le dispositif de défense comporte des missiles de croisière K. 300P montées sur camion avec radar et pouvant porter jusqu’à 300 kms, des batteries de missiles S.400 TRIUMPH, basées à Hemeimine dont le rayon d’action couvre l’ensemble de la Méditerranée orientale (Syrie, Turquie, Chypre, Liban Israël), assurant la protection de fait non seulement de l’espace aérien de la Syrie, mais également la zone de déploiement du Hezbollah dans le sud Liban.
Son rayon d’action est de 20 à 400 km en surface pour 3 à 300 km d’altitude.

En superposition à la task force navale articulée autour du porte-avions «Amiral Kouznetsov», ce dispositif est complété par un système anti missiles auto moteur BOURK, l’un des moyens de défense aérienne de moyenne portée le plus efficace au monde. La ligne de défense immédiate est assurée depuis Hemeimine par un système de canons PANTSYR. La Russie a en outre doté l’armée syrienne d’un système de défense anti aérienne S. 200 VE.

LA CHINE, PERCÉE STRATÉGIQUE MAJEURE EN MÉDITERRANÉE: TARTOUS (SYRIE) ET CHERCHELL (ALGÉRIE)

En 2016, la Chine a fait son entrée sur le plan militaire en Syrie, percée stratégique majeure de l’Empire du Milieu en Méditerranée, obtenant l’aménagement d’une plate forme navale opérationnelle pour la marine chinoise dans le périmètre de la base russe de Tartous.

Soucieuse de soulager la trésorerie russe et de soutenir l’effort de guerre syrien, la Chine a octroyé une aide militaire de 7 milliards de dollars à la Syrie dont les forces combattent dans la bataille d’Alep, les djihadistes Ouïghours, (chinois musulmans), où près de 3.500 familles, soit près de dix mille personnes, sont implantés à Alep Est.

Les Ouïghours, de mémoire d’observateur, ne sont jamais morts pour la Palestine, pas un. Mais nombreux l’ont été contre la Syrie, dans un dévoiement sectaire de leur idéologie.

Les Ouïghours djihadistes sont originaires de la province de Xingjiang, à l’extrême-ouest de la Chine, frontalière de huit pays (Mongolie, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Afghanistan, Tadjikistan, Pakistan et Inde).

Au regard de la Chine, la Syrie sert de réceptacle au terrorisme mondial, y compris pour l’intérieur chinois.

Bon nombre d’Ouïghours combattent en Syrie, sous la bannière du «Mouvement Islamique du Turkménistan de l’EST», une organisation séparatiste de lutte armée dont l’objectif est l’établissement d’un «État Ouïghour Islamique» au Xinjiang.

Les combattants Ouïghours ont reçu l’aide des services de renseignements turcs pour leur transfert vers la Syrie, via la Turquie. Ce fait a généré une tension entre les services de renseignements turcs et chinois en ce que la Chine s’inquiète du rôle des Turcs dans le soutien aux combattants Ouïghours en Syrie, rôle qui pourrait augurer d »un soutien turc aux combats au Xinjiang.

PAR  – DÉCEMBRE 8, 2016

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de « L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres » (Golias), « Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français » (Harmattan), « Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), « Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David » (Bachari), « Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe.

Source: http://www.madaniya.info/diplomatie/

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