
Des jeunes israéliens attaquent des journalistes à la porte de Damas dans la vieille ville de Jérusalem, lors des célébrations de la Journée de Jérusalem, le 5 juin 2024 (Chaim Goldberg/Flash90)
Le silence criminel du régime Netanyahou prouve la tentative délibérée de blanchir le sectarisme affiché à Jérusalem, alors que la ville est en proie à des violences communautaires, religieuses et ethniques.
Le défilé annuel de drapeaux organisé par des fanatiques juifs radicaux d’extrême droite dans la vieille ville de Jérusalem n’a rien à voir avec le nationalisme. Souvent présentée par les régimes israéliens consécutifs comme l’expression de la solidarité pour la soi-disant “réunification de Jérusalem” qu’Israël a réalisé après la guerre de 1967, cette parade est un spectacle raciste, ignoble, suprémaciste et totalitaire. Il cherche à diaboliser, attaquer et mutiler les Palestiniens, et son message fait appel au sentiment ultranationaliste au sein d’Israël. Ce sentiment repose sur l’ostracisme à l’égard des Palestiniens, considérés comme une ethnie à bannir de la ville de Jérusalem.
Les effets du défilé provocateur de 2024 montrent clairement que la tendance inquiétante au fascisme observée les années précédentes se poursuivra à mesure que le génocide à Gaza prend des proportions dangereuses. Les provocations simultanées de ceux qui prétendent être des “activistes” juifs rappellent l’Allemagne nazie et son offensive contre la race non aryenne.
Contextualiser le nationalisme pour le détourner du fascisme

Des Israéliens portant des T-shirts appelant à la reconstruction d’un temple juif sur le Mont du Temple/la Mosquée Al-Aqsa se rassemblent pour la Marche du Drapeau à la Porte de Damas, dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 5 juin 2024. (Oren Ziv)
La soi-disant “Marche des drapeaux” à Al-Qods a une histoire toxique. Ses soutiens affirment que les participants célèbrent le “jour de l’unification” de la ville de Jérusalem au cours de la guerre de 1967. En pratique, les israéliens d’extrême droite nient effrontément la réalité historique et contemporaine largement reconnue, à savoir que la guerre de 1967 a succédé à une occupation militaire prolongée et une volonté d’annexion récurrente de la partie orientale de la ville de Jérusalem, en Cisjordanie. Il est donc important de contextualiser cette parade fanatique et totalitaire en prétextant que le nationalisme effectif n’implique pas de déplacement d’une population autochtone ni de milices juives se livrant à des massacres sauvages, comme ce fut le cas en 1948. Le nationalisme menant à la création d’un projet néo-colonial connu sous le nom d’Israël n’est pas non plus la quintessence du nationalisme. En fait, il pue le fascisme.
Alors que les manifestants affirment qu’ils expriment leur solidarité pour la soi-disant victoire d’Israël pendant la guerre de 1967, une analyse plus approfondie de la nature de ces marches, des slogans utilisés et des insultes au vitriol démontrent que cette parade ne se résume pas à ce qui s’est passé après 1967. Les défilés ne sont pas différents de ceux de l’Allemagne nazie.
Ils se caractérisent notamment par le déchainement systématique de slogans anti-arabes scandés par des organisations hostiles à l’assimilation telles que le Lehava et le Parti du sionisme religieux. Il s’agit notamment de phrases telles que “mort aux Arabes”, “que vos villages brûlent” et “l’islam est la mauvaise religion”. L’itinéraire de la soi-disant marche est également controversé car il emprunte la porte de Damas pour pénétrer dans le quartier musulman où vivent des résidents palestiniens. Les injures fusent et des résidents palestiniens sont attaqués en toute impunité. En 2021, une foule d’environ 5 000 Israéliens a lancé “Shuafat est en feu”, une référence choquante à l’enlèvement et au meurtre de Mohammed Abu Khdier, 16 ans, qui a été brûlé vif par des colons israéliens à Jérusalem en 2014. L’année suivante, quelque 70 000 sionistes ont participé à un défilé marqué par des passages à tabac et des jets de poivre sur les résidents palestiniens du quartier musulman. Les violences ont fait 79 blessés palestiniens et des actes de vandalisme ont été signalés dans le quartier à majorité palestinienne de Sheikh Jarrah.
En 2024, rien n’a changé. Au cours du génocide impitoyable de la population palestinienne à Gaza, des foules ont brandi des drapeaux israéliens et ont défilé de la Porte de Damas de la vieille ville jusqu’au Mur des Lamentations. Elles ont également pris d’assaut Jérusalem et attaqué les Palestiniens en usant de slogans anti-arabes dont le niveau de violence a atteint son paroxysme, provoquant des débrayages de la part de la population palestinienne, qui a alors été impitoyablement attaquée par les colons et les fanatiques. Ces événements se sont déroulés sous le regard du démagogue sioniste Itamar Ben Gvir, qui a participé à la marche et a déclaré sans retenue que Jérusalem n’appartenait qu’aux Juifs.
Fait alarmant, la participation à la Marche des drapeaux s’est intensifiée au fil des ans. D’une poignée de fanatiques adeptes du rabbin Zvi Yehuda Kook en 1967, la participation est passée à environ 70 000 personnes, principalement des jeunes, en 2022. Le groupe sioniste d’extrême droite Am KeLavi, qui organise la marche, a estimé à près de 100 000 le nombre de participants au défilé de 2024, qui comprend également des familles d’otages détenus par le mouvement de libération du Hamas.

Des jeunes israéliens attaquent un groupe de journalistes, pour la plupart palestiniens, à la porte de Damas, dans la vieille ville de Jérusalem, avant la Marche des drapeaux, le 5 juin 2024. (Chaim Goldberg/Flash90)
Cette vision raciste et restrictive de Jérusalem des participants à la marche a pris une tournure inquiétante lorsque les journalistes venus couvrir le défilé ultranationaliste ont été systématiquement pris pour cible. À l’instar des massacres notoires de journalistes internationaux dénonçant la machine génocidaire du gouvernement Netanyahou à Gaza, les manifestants d’extrême droite ont battu le journaliste palestinien indépendant Saif Al Qawasmi et ont agressé, malmené et frappé des reporters locaux et étrangers. Il s’agit d’une attaque flagrante contre les garants de la liberté de la presse au sein de la communauté internationale, et d’une réflexion à mener alors que l’extrême droite israélienne tire sur les messagers.
Le silence criminel du régime de Netanyahou sur la Marche des drapeaux illustre parfaitement son degré de responsabilité. Une tentative délibérée de blanchir le sectarisme affiché à Jérusalem, alors que la ville est en proie à des violences communautaires, religieuses et ethniques, est à l’œuvre. Le gouvernement Netanyahu est composé de fanatiques incontrôlés d’extrême droite qui pensent que faire la guerre à une population occupée relève du droit de l’État juif, tout comme défiler avec des drapeaux israéliens et provoquer les Palestiniens en les assassinant et en déclenchant des incendies criminels.
Pour conclure, la Marche des drapeaux n’a rien à voir avec le nationalisme. Elle n’est tout simplement motivée que par la haine.
Source: Almayadeen.net, 10 juin 2024