Il était prévisible que la deuxième présidence Trump, après un succès électoral presque triomphal, puisse déranger (du point de vue idéologique) ou déstabiliser (du point de vue des rapports de force) la Commission Von Der Leyen, née d’une majorité serrée, la plus faible de l’histoire de l’UE. Il était toutefois difficile de s’attendre à ce que les tensions éclatent aussi vite, et de manière aussi retentissante, et montrent une Europe si manifestement au bord de la crise de nerfs.
Le vice-président américain, J.D. Vance, est arrivé en Europe à la suite des droits de douane imposés par Trump sur l’acier et l’aluminium européens, et en quelques jours, il a distribué quelques claques à droite à gauche. Le Digital Service Act de l’UE ? Des règles absurdes, car si protéger les enfants des pédophiles est une chose, prétendre dicter à une personne adulte ce qu’elle peut ou ne peut pas lire en est une autre. L’intelligence artificielle ? Nous ne la craignons pas, nous ne l’entraverons pas et serons la référence mondiale. Vous avez peur de la Russie et de la Chine ? Inquiétez-vous plutôt de ce que vous avez fait en Roumanie et que vous voulez faire en Allemagne… Outre les oreilles de Thierry Breton, grand propagandiste des activités des services secrets roumains qui ont mené à l’annulation du premier tour des élections présidentielles roumaines, il fallait voir les mines de Von der Leyen et consorts.
Le ridicule de Kaja Kallas
Mais la véritable étincelle qui a mis le feu aux poudres a été le veni vidi vici de Donald Trump sur le scénario de négociations entre la Russie et l’Ukraine pour mettre fin à la guerre provoquée par l’invasion ordonnée par le Kremlin le 24 février 2022. En quelques semaines, Trump a repris contact avec Vladimir Poutine et a convaincu ce dernier et Volodymyr Zelensky d’explorer l’hypothèse de négociations. Le ciel nous est tombé sur la tête ! Les nerfs des Européens ont alors soudainement lâché et le krach a donné lieu à un spectacle à la fois grotesque et pénible. Tout cela est plutôt incompréhensible : les Européens n’ont pas voulu faire la paix, ils n’ont pas su gagner la guerre, et se sont aplatis devant les Démocrates américains comme s’ils étaient les locataires éternels du Capitole. Ce sera une pax americana, bien sûr, what else ?
Dans la section des absurdités, citons d’abord Kaja Kallas, l’ancienne Première ministre d’un pays d’un million d’habitants, dont la nomination au poste de Haute représentante de l’Union européenne, qui compte 450 millions d’habitants, est totalement absurde. Regardez la vidéo dans laquelle Kallas affirme que sans la participation de l’UE, “aucun accord (sur l’Ukraine, ndlr) n’aura de valeur”, et vous n’en croirez pas vos oreilles. Ceci ne concerne pas tant la relation entre les États-Unis de Trump et l’UE de Von der Leyen, que la relation avec l’Ukraine.
Car Zelensky a également dit oui aux négociations. Il est clair que cela ne lui fait pas plaisir, mais mettez-vous à sa place : les Russes avancent, il cherche même à recruter des jeunes de 18 à 24 ans (en leur offrant un prêt immobilier à 0 % d’intérêt, quel luxe), et il sait très bien (et il le dit un jour sur deux) que sans les États-Unis (c’est-à-dire avec la seule UE à ses côtés), les espoirs seraient réduits à néant. Lui le sait, mais Mme Kallas non. Car à quoi pense-t-elle quand elle dit que sans l’UE, même si la Russie, les États-Unis et l’Ukraine s’entendaient, rien ne pourrait être signé ? Que l’UE pousserait l’Ukraine à continuer à se battre ? Ou qu’il faudrait peut-être poursuivre la guerre même contre la volonté de l’Ukraine ?
L’Europe, théâtre de l’absurde
C’est un triste théâtre de l’absurde auquel il faudrait mettre fin. Un théâtre sans frontières. Emmanuel Macron, notre rhéteur, a déjà prévenu : “Que cette paix ne signifie pas capituler devant la Russie”. Il ne se demande évidemment pas qui a contribué à une situation aussi catastrophique, quels sont les politiciens (lui compris) qui ont martelé pendant trois ans qu’ils allaient vaincre la Russie sur le champ de bataille, la mettre à genoux à coups de sanctions, puis la briser. Et maintenant, oups, c’est le contraire qui se produit, et c’est bien sûr la faute de… Trump. Je termine avec l’ineffable Frank-Walter Steinmeier, président de l’Allemagne. Il ne veut pas que “nos sociétés soient détruites par TikTok ou par X”. Il a déjà dû oublier qu’il a été ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne pendant la crise du Donbass (2014-2022), et qu’il était à ce titre garant du processus de paix alors avorté et des accords de Minsk. Est-il en paix avec sa conscience ? Est-il satisfait des résultats de son travail qui ont tant influencé nos sociétés ?
Une bouffonnerie en cache une autre, avec quelques intermèdes malheureusement sérieux. Citons par exemple le rapport des services secrets danois, qui prévoient une guerre à grande échelle de la Russie contre l’Europe d’ici cinq ans. Le même scénario a également été envisagé à plusieurs reprises par les Polonais, qui ont pour ministre des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski qui occupait le même poste en 2014 lors de l’Euromaïdan, et ce qui vaut pour Steinmeier vaut également pour lui. Ou les comparaisons hasardeuses entre l’invasion russe de 2022 et le nazisme, indéfendables selon toute analyse historique, politique et militaire sérieuse, mais qui ne manquent pas de maintenir les tensions dans la confrontation avec la Russie.
La réaction de la Russie
On a du mal à croire à l’absence de réflexion sur les préjudices subis par l’Ukraine au bord de l’effondrement. Et comment ne pas s’interroger sur les dégâts causés au fil des ans par cette obsession d’assimiler tout événement contemporain au fascisme ou au nazisme (à l’exception bien sûr des militants du bataillon Azov, qui lisent Kant), obsession qui, dans toute sa vanité, et dans un monde où les démocraties renversent un État après l’autre et massacrent les Palestiniens, explique en partie pourquoi la droite progresse partout, de la France à l’Allemagne, de l’Autriche aux Pays-Bas et à l’Europe du Nord (et l’Italie ?).
Il serait peut-être temps, pour la politique de haut vol, de moins se fier aux médiocres mouchards des médias acquis ou financés, et de réaliser que le monde prend une autre direction.
La Russie a réagi tardivement et avec exaspération à certaines interventions. Certains simples d’esprit continuent d’affirmer que les Russes sont tous des attardés mangeurs d’enfants. Cependant, prenez le temps d’y penser, et regardez autour de vous : la diplomatie russe vous paraît-elle si naïve ou imprudente ? S’ils réagissent ainsi, à froid, il n’y a que deux raisons possibles. La première est que Sergueï Lavrov et ses associés ont le sentiment que quelqu’un s’efforce de faire avorter les perspectives d’un cessez-le-feu en Ukraine. Deuxième raison, corollaire : la Russie tient à parvenir à un accord. Elle est lasse de la guerre qu’elle a déclenchée il y a trois ans. Sur le terrain, elle gagne, n’est-ce pas le moment d’en profiter ?
Source:Insideover.com – 15 février 2025
Traduction: Spirit Of Free Speech