Reportage au Liban

Je n’ai pas pu dire le mensonge facile et réconfortant.

« Non », ai-je dit à la femme, dont les enfants traumatisés s’accrochaient à ses jambes, « je ne peux pas dire que vous êtes en sécurité ici ; aucun d’entre nous n’est en sécurité. Les Israéliens sont des génocidaires. Mais au Liban, jusqu’à présent, je ne pense pas qu’ils aient bombardé une école ».

J’étais avec l’une des 67 familles, avec 215 enfants, qui vivent en tant que réfugiés dans une petite école à Ain Rumaila, dans le sud de Beyrouth. La zone jouxte la banlieue évacuée de Dahiya, que les Israéliens démolissent systématiquement, et les bombardements font trembler les fenêtres de l’école tous les jours.

Cette femme est institutrice lorsqu’elle est chez elle au Sud-Liban, et son mari est un militaire à la retraite. Ils ont dû quitter leur petite ville sans préavis, lors d’un raid aérien intense, alors que les bombes israéliennes détruisaient les bâtiments et tuaient et mutilaient les gens autour d’eux.

Ils n’ont pu sortir qu’avec ce qu’ils pouvaient porter. Leur maison a été détruite derrière eux.

Israël a pris pour cible les réfugiés dans tout le Liban. La veille encore, nous nous étions rendus sur le site d’un centre d’aide aux réfugiés dans le centre de Beyrouth, qui avait été la cible d’une attaque au missile. Le bilan de cette attaque s’élève désormais à cinq morts et dix-sept blessés graves.

J’ai atteint ce site avant d’avoir pu déterminer exactement quelle était la cible :

Mon objectif, en visitant l’école, était de permettre à quelques réfugiés de raconter à la caméra leurs propres histoires sur leur vie quotidienne avant la guerre et sur leurs communautés, afin que les gens puissent les voir comme des individus, et pas seulement comme une masse de misère entassée.

Je pense que cela a fonctionné. La vidéo qui en résulte sera disponible dans les 48 heures. Mais ce que cette femme voulait absolument que je lui dise, c’est que maintenant ils sont en sécurité.

Et je n’ai pas pu. Si les enfants comprenaient l’anglais, j’aurais peut-être menti pour eux et répondu que tout allait bien. Mais la situation est trop grave pour que l’on puisse s’égosiller.

Avant mon départ, l’une des familles que nous avons rencontrées, qui a tout perdu et qui a du mal à subvenir à ses besoins de base, a absolument insisté pour que nous nous asseyions et partagions son repas de salade et de lentilles, cuit sur un simple brûleur placé directement au-dessus d’une bouteille de gaz.

Ce fut une expérience profondément humiliante que de constater leur gracieuseté et leur chaleur à l’égard des étrangers.

Hier, Amos Hochstein, l’envoyé américain au Moyen-Orient, s’est rendu à Beyrouth pour « négocier » un accord de paix entre le Liban et Israël.

Plus de 3 500 Libanais ont été tués, dont une majorité de femmes et d’enfants. Les bombes qui les ont tués n’ont pas seulement été fabriquées aux États-Unis, elles ont été fournies par les États-Unis à cette fin. Il en va de même pour les avions qui les ont larguées.

Les Américains sont assez arrogants pour envoyer Amos Hochstein, né dans l’État terroriste de parents israéliens et lui-même ancien membre de Tsahal, en tant qu’« envoyé pour la paix ».

Que le poste officiel de Hochstein au sein de l’administration Biden soit celui de conseiller à la sécurité énergétique en dit long sur l’intérêt réel de l’Amérique pour la région.

Comme je l’ai souligné dans mon dernier article (*), l’intensification de la campagne de bombardements d’Israël est destinée à terrifier le Liban pour qu’il signe un accord de paix qui est en fait une capitulation. Cet accord garantit aux forces armées israéliennes un accès illimité au Sud-Liban et le survol militaire de l’ensemble du pays.

Dans le dernier projet, l’accès au Sud-Liban a été soi-disant atténué et formulé comme « dans le cadre du droit d’Israël à l’autodéfense ».

Comme le monde entier a pu constater l’année dernière que le « droit d’Israël à l’autodéfense » est interprété par Israël et les États-Unis comme le droit de commettre un génocide, le Liban serait tout à fait fou de signer ce document.

De même, le Liban est censé être rassuré par l’insertion des États-Unis en tant que « garant » de l’accord.

Vous avez bien lu : le pays qui finance et approvisionne actuellement le bombardement génocidaire du Liban va être le garant de sa sécurité.

Comme toujours dans ce genre de négociations, aucune des deux parties ne souhaite être perçue comme faisant obstacle à un accord. Les Libanais ont donc été polis avec Hochstein et celui-ci se rend maintenant à Tel-Aviv pour obtenir l’accord d’Israël sur de petites modifications linguistiques qui rendent le tout plus agréable à entendre.

Je m’inquiète pour le Liban. Dans un autre billet, j’essaierai d’exposer la myriade de moyens par lesquels les États-Unis et Israël tentent de rouvrir les anciennes divisions de la guerre civile pour saper la résistance.

L’un de ces moyens est bien sûr de convaincre les factions qu’Israël veut vraiment la paix et que le Hezbollah bloque un accord raisonnable. Il est évident que cet accord n’est pas raisonnable, mais les gens désespérés par la terreur d’État qu’Israël inflige à leur pays peuvent y voir ce qu’ils veulent croire.

Si le Liban accepte l’accord dans l’intérêt de la préservation de l’unité, comme le souhaitent les États-Unis, je n’ai aucun doute sur le fait que cet accord sera bientôt considéré comme une étape clé sur la voie de l’annexion du Sud-Liban par Israël.

Car il est essentiel de comprendre que le Grand Israël a toujours été l’objectif d’Israël et des États-Unis.

Si vous n’avez pas encore percé à jour la comédie de l’administration Biden qui prétend « essayer de freiner » Israël, tout en fournissant toujours plus de fonds et d’armes pour le génocide, alors à ce stade, vous êtes tellement dupe que je ne peux plus rien pour vous.

Craig Murray

Source: Craigmurray.org.uk  (Traduit de l’anglais par Arrêt sur info)

Deux semaines à Beyrouth

Les États-Unis tentent de soumettre le Liban