Cet article nous a été proposé par Bruno Jaffré, écrivain, historien de la révolution du Burkina Faso (83 – 87), auteur d’une biographie du président Thomas Sankara et d’autres ouvages sur le Burkina, animateur du site thomassankara.net, animateur du réseau international « Justice pour Sankara Justice pour l’Afrique ».
Nous réagissons ici aux propos d’Emmanuel Macron en direction des dirigeants des pays ayant décidé de se passer de la présence de l’armée française dans leur pays. Nous en profitons pour publier des citations de Thomas Sankara trop peu connues sur l’impérialisme. Et nous rappelons par la même occasion les travaux de Rosa Luxemburg sur l’impérialisme, qui paraissent parfaitement d’actualité.
La déclaration d’Emmanuel Macron
Macron a encore lâché une phrase pleine d’arrogance et de mépris qui n’est pas passée inaperçue, entrainant de nombreux commentaires, en France mais aussi en provenance des pays africains concernés. Voici quelques extraits de ses déclarations à la conférence des ambassadeurs du 6 janvier 2025. Il me semble utile d’en restituer de larges passages.
Extrait 1 : « Nous avions une relation sécuritaire. Elle était de deux natures, en vérité. Il y a une partie, c’était notre engagement contre le terrorisme depuis 2013. On avait raison. Je crois qu’on a oublié de nous dire merci. Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps. L’ingratitude, je suis bien placé pour le savoir, c’est une maladie non transmissible à l’homme. Je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui avec un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région. »
Extrait 2 : « Et donc, nous avons proposé aux chefs d’État africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. Mais ne vous trompez pas, c’est nous qui l’avons… et parfois, il a fallu y pousser. Mais ce n’est pas parce qu’on est polis, corrects, et qu’on se réorganise nous-mêmes, qu’il faudrait que ce soit retourné contre nous en disant : « ils sont chassés d’Afrique ». Je peux vous dire que dans quelques uns de ces pays, on ne voulait pas enlever l’armée française ou même la réorganiser, mais on l’a assumé ensemble. C’est ça, le partenariat. Et donc, oui, nous sommes en train d’ouvrir un partenariat de sécurité et de défense nouveau, où on aura des bases stratégiques. Djibouti en fait partie, c’est pourquoi elle est d’une toute autre nature. Je l’ai évoquée devant nos militaires, elle sera pérenne, stable, parce qu’elle est régionale, et on va demander à nos partenaires de savoir exprimer leurs besoins en termes de défense ».
Les réponses en provenance du Tchad, du Sénégal
Les réactions ne se sont pas faites attendre. Plus posées, mais fermes et dignes, elles se passent de commentaires.
Du côté du Tchad, « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain et reconnaître la valeur de ses sacrifices. L’Histoire atteste que l’Afrique, y compris le Tchad, a joué un rôle déterminant dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales, un fait que la France n’a jamais véritablement reconnu. Les sacrifices immenses consentis par les soldats africains pour défendre la liberté ont été minimisés, et aucun remerciement digne de ce nom n’a été exprimé… En 60 ans de présence, marqués par des guerres civiles, des rébellions et une instabilité politique prolongée, la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien. Au lieu de s’en prendre à l’Afrique, le Président Macron devrait concentrer ses efforts sur la résolution des problèmes qui préoccupent le peuple français. », peut-on lire dans un communiqué du porte parole du gouvernement Abderaman Koulamallah[1].
Et au Sénégal, c’est le premier ministre Ousmane Sonkho qui a réagi dans un poste sur X[2] : « Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain… Constatons que la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses notées sur la stabilité et la sécurité du Sahel. C’est enfin le lieu de rappeler au Président Macron que si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, Allemande. »
Pris à son propre piège ! On se demande ce qu’Emmanuel Macron et ses conseillers connaissent de notre histoire commune. Et de la diplomatie ! Voire des simples règles de bienséance !
Largement désavoué aux élections, il continue à faire le malin, battant les records d’impopularité d’un président français dans son pays se permettant des blagues qui le ridiculisent, entrainant notre pays avec lui. La diplomatie n’est pas une suite de pantalonnades. Et il continue à parcourir le monde sans trop se poser la question de la façon dont les dirigeants des autres pays le perçoivent aujourd’hui. Et voilà qu’il se positionne maintenant en va-t-en guerre. Quant à nous les Français, c’est avec honte, teintée de colère que nous assistons à ces péripéties qui nous éloignent de cette région du Sahel que beaucoup d’entre nous ont aimé, pour les rapports d’amitié qu’ils entretenaient avec les populations de ces pays. Soit par des jumelages, soit par des activités d’associations qui ont mis en œuvre des projets de coopération, de soutien humanitaire, d’échanges culturels ou même par de multiples mariages mixtes ou autres liens développés ici en France avec la population immigrée issue de l’Afrique de l’Ouest.
AVERTISSEMENT
Il parait difficile de ne pas évoquer les graves nouvelles en provenance du Burkina, devant lesquelles le sujet de notre article parait bien dérisoire. La guerre redouble d’ampleur avec son lot de massacres de destruction. Le 11 mars des atrocités ont de nouveau eu lieu à Solenzo dans l’ouest du pays. Nous vous proposons trois documents qui ont circulé en rendant compte. La déclaration du mouvement SENS datée du 14 mars, un rapport de Human Right watch en anglais, dont vous trouverez un résumé en français sur le site de RFI, et la réaction de l’agence officielle du Burkina Faso. )
Ibrahim Traoré répond à sa façon à Emmanuel Macron
C’est au cours de la levée des couleurs hebdomadaires qui suit, le 13 janvier, devant le personnel de la Présidence qu’Ibrahim Traoré réagit. Il apparaît comme d’habitude, exhibant un grand sourire, toujours heureux de se présenter devant les Burkinabè, sans doute sûr de sa popularité. Il se lance dans une déclaration sans support écrit semble-t-il[3]. Nous en publions de larges extraits pour une information plus complète.
A propos de la stratégie des forces françaises en Afrique, il déclare : « … Il s’agit de dissoudre et de garder un dispositif socle… Ils ne partiront pas de certains pays. Ils ont juste dissous le dispositif. Vous ne les verrez plus dans des bases. Mais dans les ambassades, ils seront là… Ils vont constituer des sociétés de sécurité pour sécuriser leurs sociétés qui existent dans ces pays. Les soldats seront là, mais vous ne les verrez plus en tenue ou rassemblés dans les bases… Mais tout ce que nous savons, c’est que si vous voulez une rupture avec ces forces impérialistes, c’est simple. Il faut dénoncer les accords de défense… Les plus dangereux ne sont pas ceux-là que vous voyez dans les bases ; ce sont les conseillers militaires. Les conseillers militaires existent dans tous ces pays… Et, qui sont ces conseillers militaires ? Ce sont ceux-là qui sont censés mettre en pratique la politique de la France ici. Ils doivent travailler à rendre nos armées très faibles pour que la France puisse toujours avoir l’argument d’exister ici. Sous le Président Blaise Compaoré, ils avaient réussi. Nos sentinelles prenaient la garde avec des bâtons !… ».
Plus loin : « … Mais en réalité, ces officiers qui partent se former en France, pour la plupart, viennent pour servir l’État français dans leur pays. Ils ne viennent pas pour servir nos pays. Elle les forme pour qu’ils viennent servir les intérêts de l’État français. Ils ne viennent pas pour servir nos pays. Ils les forment pour qu’ils viennent servir les intérêts de l’État français. J’en veux pour preuve. Lorsque nous nous sommes révoltés, beaucoup d’officiers au Burkina qui ont été formés en France ont été immédiatement contactés pour leur dire que c’est le moment de se mettre en action parce que vous avez été formés pour ça, pour servir les intérêts de la France. La plupart de ces officiers nous ont rendu compte…».
Puis, sans doute emporté par son élan, il déclare ensuite : « Lorsqu’un officier formé en France arrive dans son pays et par malheur, meurt soit par accident ou sur le champ de bataille, en France, il y a une nuit d’hommage aux morts dans l’armée, comme partout ailleurs ; à la nuit d’hommage aux morts, on cite le nom de l’officier en question et on dit « mort pour la France. Elle ne le forme pas pour servir son pays, Elle le forme pour servir l’État français. »
Mais qu’est ce qui lui passe par la tête ? Parmi des passages où il dit de simple vérité, il faut souvent qu’il lâche une phrase qui a pour effet d’en annihiler les effets. Sur ce passage, voilà ce qu’en dit Sayoubé Traoré[4], ancien journaliste de RFI à la retraite « La RTB est aujourd’hui sur le satellite. Ça veut dire que le monde entier regarde ce que fait la chaîne nationale qui nous représente tous. Ils doivent faire quand même attention. Ridiculiser le Burkina, je ne vois pas en quoi cela sert le Capitaine Traoré en termes d’image. C’est lui le président des farfelus, quoi! C’est vraiment ce que vous voulez? ». Il y a quelque temps, Ibrahim Traoré, après avoir posé dans un champ de cacao, avait déclaré que dans 10 ans, le Burkina sera le premier producteur mondial de cacao.
Enfin à propos du passage d’Emmanuel Macron sur l’ingratitude, voilà sa réaction : « Mais en plus de ça, il a aussi insulté tous les Africains dans ses propos. Il y a une partie qui a retenu mon attention, là où il parlait d’ingratitude et que l’ingratitude est une maladie non transmissible aux humains. Lui, il est humain. Notre ingratitude n’est pas transmissible à lui. Voilà comment ce monsieur voit l’Afrique, voit les Africains. Nous ne sommes pas des humains à ses yeux Peut-être que c’est lui qui n’est pas humain. Il ne se met pas dans la classe des humains. Mais s’il a bien eu une grâce, c’est bien lui. Je pense que s’il n’est pas athée et qu’il prie, à chaque matin qu’il se réveille et qu’il prie, il devrait aussi prier les Africains. Parce que c’est grâce à nos ancêtres qu’il existe aujourd’hui en France. Il devrait nous prier. » !
Puis il termine son intervention en appelant les Africains à se réveiller et à lutter contre l’impérialisme.
Je n’ai guère beaucoup commenté ces deux discours, mais d’une certaine façon, les excès de l’un nourrissent les excès de l’autre. Les déclarations à l’emporte pièce du Président ne font que nourrir la popularité d’Ibrahim Traoré dans son pays.
Le Sahel est entré dans une nouvelle période historique de tout premier annonciatrice de changement profond. La rupture avec la France est consommée, et l’affirmation de choix décidé de l’indépendance nationale réelle réaffirmée. Nous n’allons pas le regretter. Mais nous nous inquiétons surtout de la méthode de direction du pays et de ses différentes dérives. Nous y reviendrons sans doute plus longuement. Mais pour que ce choix perdure et se consolide, n’est-il pas grand temps de changer de méthode de gouvernement comme de celle de mener la guerre ? Si les oppositions se taisent aujourd’hui par crainte de répression, leurs déclarations passées appelaient essentiellement à une concertation inclusive qui n’avait jamais eu lieu[5].
L’impérialisme vu par Ibrahim Traoré
Quelle fut ma surprise, lorsqu’après les élections américaines, je découvre qu’une bonne partie des jeunes soutiens d’Ibrahim Traoré se réjouissent de la victoire de Trump. Les déclarations anti-impérialistes d’Ibrahim Traoré ne concerneraient, selon leur perception de ses discours, que l’Europe, ou plutôt la France. Il ne s’attaque jamais aux Etats-Unis ni à la Russie, bien évidemment qui reste son allié stratégique principal.
Les dirigeants militaires du Burkina, se proclamant révolutionnaire, eux-mêmes en manque de repère idéologique, s’en remettent à Ibrahim Traoré. Ce dernier fait bien quelques références historiques, de temps en temps, au détour d’un discours, que ses conseillers lui ont probablement soufflées, mais ce ne saurait suffire. Peut-on s’autoproclamer dirigeant révolutionnaire sans s’appuyer sur de solides références idéologiques. Quelques initiatives de la part des civils ont lieu en direction des wahiyans[6] des ronds points, mais ça reste ponctuel.
Durant la période de la Révolution dirigée par Thomas Sankara, les CDR se devaient d’organiser de façon systématique des formations politiques. Ils disposaient de documents rédigés par le secrétariat général, souvent assez dogmatiques. Ainsi apprenait-on quelques rudiments du marxisme. Je me rappelle de l’instance avec laquelle on rappelait la nécessité du centralisme démocratique auquel devait se plier les CDR[7]. Par contre les discours de Thomas Sankara sont connus pour la permanence pour les dénonciations récurrentes sur la scène internationale des Etats-Unis qui soutenaient Israël et l’Afrique du Sud de l’apartheid. En même qu’il n, mais aussi Cuba et le Nicaragua en butte aux contras financés par les Etats-Unis, grâce à l’argent du trafic de drogue, pour ne pas apparaitre directement.
Deux longues citations de Thomas Sankara sur l’impérialisme
Nous allons ici rappeler quelques citations de Thomas Sankara, et tenter très succinctement de rappeler ce qu’est l’impérialisme. Ce terme est récurrent dans de nombreux discours et interviews.
La citation la plus connue est extraite d’un film, je pense que c’est Thomas Sankara l’homme intègre de Robin Shuffield : « Il y en a qui demandent ; « Mais où se trouve l’impérialisme ? » Regardez dans vos assiettes quand vous mangez : les grains de riz, de maïs, de mil importés, c’est ça l’impérialisme. N’allez pas plus loin. [Applaudissements] Donc, camarades, nous devons nous organiser pour produire ici et nous pouvons produire plus qu’il n’en faut »[8]. On conviendra que cette définition, plutôt une image, est assez réductrice. Il s’agit surtout d’un appel à produire plus pour ne pas subir les pressions de l’impérialisme, via les importations.
D’autres sont cependant plus consistantes. En voici par exemple deux exemples.
Extrait 1 « L’impérialisme qui essaie de nous dominer à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays. Cet impérialisme à travers ses multinationales, à travers son grand capital, à travers sa puissance économique essaie de nous contrôler en influençant aussi nos débats, en influençant la vie nationale. En nous créant des difficultés, il essaie de nous étouffer par un blocus économique. Il essaie en même temps de comploter contre nous, contre notre sécurité intérieure. Et cet impérialisme-là, pour le combattre, nous avons encore beaucoup de luttes [à mener]… L’impérialisme que nous combattons n’est pas un fait isolé. C’est un système. En tant que révolutionnaires, d’un point de vue dialectique, nous devons comprendre que nous devons nous aussi, avoir un système. Face à un système on oppose un système, face à une organisation on oppose une organisation. On n’oppose pas des personnes pleines de bonne volonté, de bons sentiments, d’honnêteté, de courage et de générosité. Donc l’impérialisme qui est mondial, et qui n’est pas simplement localisé dans tel ou tel pays doit être combattu par tout un système que nous allons tisser ensemble. En conséquence, nous devons nous connaître, nous devons nous comprendre, dégager une plate-forme, un terrain d’entente entre nous pour pouvoir combattre sérieusement, avec beaucoup de chance de succès, l’impérialisme »[9].
Extrait 2 « Sur le plan économique : La domination étrangère que nous dénonçons tant, n’a d’autre but que l’occupation économique de notre pays. Faire de notre pays un marché organisé et contrôlé pour les seuls intérêts des capitalistes qui ont épuisé ailleurs toutes les voies de réaliser de nouveaux profits. Voilà l’essence même de l’impérialisme présent chez nous.
Certes nous ne saurions nous replier sur nous-mêmes en nous imposant une autarcie suicidaire. Des biens nous sont nécessaires que nous ne saurions à cette étape de notre révolution nous procurer autrement qu’en les important. Les échanges commerciaux et financiers nous sont nécessaires. Mais entre cette nécessité de rapports économiques avec l’extérieur, limités au strict nécessaire et la caporalisation économique de notre peuple, il y a un pas qu’il nous faut cesser de franchir chaque jour comme nous l’avons fait jusque-là allègrement. Cessons de livrer notre peuple pieds et poings liés aux marchands de faux bonheur, de fausse coopération, à tous ceux-là qui nous inondent régulièrement des produits de leur société de consommation et nous gavent des gadgets superflus, voire dangereux de leur système capitaliste…
… Sur le plan politique, liquider la domination étrangère c’est nous éduquer quotidiennement sur les modes de pénétration de conquête, d’installation et d’exploitation de l’impérialisme chez nous. La subtilité, la ruse, la fourberie, et le cynisme de l’impérialisme ne doivent plus continuer à avoir raison de nous, de notre bonne foi, de notre honnêteté, de notre naïveté et de notre faiblesse organisationnelle. Liquider la domination étrangère c’est organiser et conscientiser les masses populaires pour qu’elle démasque désormais l’impérialisme quelque soit son manteau, c’est armer politiquement les masses populaires pour qu’elles résistent avec esprit de suite et sans défaitisme, aux attaques, aux agressions de l’impérialisme. Il faut que le pouvoir soit assuré par les masses populaires conscientisées car l’impérialisme craint les masses populaires comme le feu a peur des flots d’eau. »[10]
Retour aux sources, Lénine et Rosa Luxemburg
Une citation de Lénine forcément réductrice mais synthétique en rapporte l’essentiel dans un ouvrage consacré justement à l’impérialisme paru en 1916: « L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes[11] ».
Sans rentrer dans les débats qui ont animé on animent encore les marxistes, beaucoup attribuent à Rosa Luxemburg d’avoir analysé plus avant l’impérialisme et le colonialisme qui en est son corollaire, notamment dans son ouvrage L’Accumulation du capital, publié en 1913. Elle développe trois thèses principales.
En premier lieu, l’impérialisme est une nécessité pour le développement du capitalisme, en raison de ses contradictions internes. Il doit chercher à s’étendre et à rechercher des nouvelles ressources au-delà de ses frontières pour survivre. Et pour cela aller à la conquête de nouveaux territoires non régis par le capitalisme, mais aussi par une intensification des rivalités entre les nations capitalistes. Rappelons la première mondiale qui a opposé entre la France et l’Allemagne de 1914 à 1918.
En deuxième lieu, le capitalisme ne peut se développer en système clos. Le capitalisme a besoin des sociétés non capitalistes, ceux que l’on a appelé communément les pays sous-développés ou souvent les pays du tiers monde. Il en a besoin car la population des pays capitalistes ne peut consommer toute leur production. L’impérialisme est donc un moyen d’extorquer des ressources et des débouchés à l’extérieur du système capitaliste.
En troisième lieu l’accumulation du capital repose sur la destruction des modes de production non capitalistes et sur l’exploitation des populations colonisées[12].
Elle y critique aussi le pillage colonial et la destruction des structures traditionnelles des sociétés pré-capitalistes, la destruction des modes de vie locaux et imposait des conditions de vie précaires aux populations colonisées. Mais aussi les emprunts internationaux imposés aux pays colonisés pour financer des projets qui font profiter aux puissances coloniales tout en maintenant ses pays colonisés et leurs pays dans un état de dépendance et de surexploitation. C’est ce que dénonce si bien Thomas Sankara sans son fameux discours contre la dette, prononcé à l’OUA (Organisation de l’unité africaine) le 29 juillet 1987[13]. Et elle ajoute que la violence coloniale est systémique du capitalisme par la façon dont les puissances coloniales ont utilisé la force pour contrôler les ressources et les populations[14].
Nous allons en rester là. Nous reconnaissons nous-mêmes avoir beaucoup appris. Mais nous constatons que le monde dans lequel nous vivons nous offre de nombreuses illustrations de ces théories très succinctement évoquées. Les luttes pour les indépendances ont quelque peu transformés les formes d’exploitation coloniale, mais les puissances coloniales et impérialistes ne cessent de tenter de revenir sur la réalité des indépendances obtenues au prix de guerres d’indépendance et de nombreux sacrifices. Mais de nombreuses guerres persistent, celles dont on parle, en Ukraine, en Palestine et au Congo (RDC), et d’autres moins médiatisées pour mettre la main sur des richesses nécessaires au développement du capitalisme. Sans compter les conflits qui s’annoncent quand le président Trump ose déclarer aux yeux du monde vouloir envahir annexer les Groenland, le Canada et prendre possession du canal de Panama.
[1][1] Voir l’intégral du communiqué à https://www.com/2025/01/06/tchad-le-gouvernement-invite-emmanuel-macron-a-concentrer-ses-efforts-sur-la-resolution-des-problemes-des-francais/
[2] Voir l’intégrale du post à https://www.senenews.com/actualites/ousmane-sonko-repond-vivement-a-macron-aucune-discussion-ou-negociation-na-eu-lieu_522399.html
[3] Voir la vidéo de son intervention du 13 janvier à https://www.youtube.com/watch?v=Z_zb7Elm59A
[4] Très présent sur facebook, il a subi de nombreuses menaces et attaques sur sa page facebook: Si vous voulez suivre un peu ce qui se passe au Burkina, je vous le conseille, ces posts sont très pertinents, très fins et plein d’humour. Voilà une partie de sa réaction là-dessus
[5] On se reportera à notre article rendant compte de la mise en place de la Transition à https://blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre/blog/291122/burkina-transition-en-place-premier-ministre-sankariste-et-de-gros-defis-relever
[6] Le terme « Waayiyan » en mooré, qui signifie « venez, sortez ». Ce sont les gens qui se sont regroupés dans les ronds points pour défendre Ibrahim Traoré, alors qu’il se disait victime de tentative de déstabilisation. Voir aussi https://rightforeducation.org/fr/2024/12/20/les-waayiyans-au-burkina-faso/
[7] Il s’agit de la règle que doivent s’appliquer les organisations communistes. Après les discussions en interne génèrent des décisions et la ligne politique décidées par la majorité doivent d’appliquer à tous.
[8] Citation extraite du discours de clôture de la 2ème conférence nationale des CDR disponible en intégralité à https://www.thomassankara.net/discours-de-cloture-de-la-deuxieme-conference-nationale-des-cdr-dedougou-3-avril-1987/
[9] Interview réalisée par Ernest Harsch, le 17 mars 1985, publiée par Intercontinental Press le 29 avril 1985. Elle est disponible en intégralité à https://www.thomassankara.net/meme-ennemi-meme-combat-17-mars-1985/
[10] Discours du 4 août 1986, disponible à https://www.thomassankara.net/developpement-pret-a-porter-non-developpement-sur-mesure-oui-discours-du-thomas-sankara-du-4-aout-1986/
[11] Lénine dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, éditions de Pékin, p. 106. Lénine l’a écrit en 1916
[12] Ce passage est très largement inspiré d’une synthèse réalisée par l’intelligence artificielle à https://www.qwant.com/?client=brz-moz&q=Rosa+Luxemburg+et+l%27imp%C3%A9rialisme&t=web. On y trouvera aussi des références et des liens vers les textes qui ont inspirés cette synthèse.
[13] Le discours est disponible en vidéo à https://www.thomassankara.net/discours-sur-la-dette-des-pays-africains-video/ et la retranscription à https://www.thomassankara.net/il-faut-annuler-la-dette-29-juillet-1987-sommet-de-loua-addis-abeba/ .
[14] Sur la violence coloniale nous nous sommes inspirés de https://www.qwant.com/?client=brz-moz&q=Rosa+Luxemburg+et+la+violence+coloniale&t=web, qui utilise l’intelligence l’artificielle et qui cite aussi les ouvrages utilisés.
Source: Blogs.mediapart.fr/bruno-jaffre