Par Finian Cunningham – 9 novembre 2011

Difficile d’avoir cette semaine un gros titre plus sensationnel que celui-ci : «Le Monténégro dit avoir déjoué le plan soutenu par la Russie de tuer le Premier ministre Djukanovic». L’information spectaculaire a suivi l’annonce dimanche dernier par le procureur général du pays qu’une tentative de coup d’État effectuée – prétendument – par des nationalistes russes avait été déjouée pendant les élections parlementaires du mois dernier.

Sans fournir aucune preuve à l’appui de sa déclaration choc, le procureur général Milivoje Katnic a affirmé qu’une «organisation puissante» comprenant quelque 50 nationalistes russes, serbes et monténégrins avait comploté pour bloquer les élections tenues le 16 octobre et déclencher un coup d’État en assassinant le Premier ministre en poste depuis longtemps, Milo Djukanovic.

Il a été affirmé que le supposé coup d’État avait été déjoué par les autorités monténégrines la veille des élections. Maintenant les mêmes autorités ont conclu que le complot avait été ourdi à l’intérieur du territoire russe.

Sans dévoiler les identités des individus qui auraient été arrêtés, la version officielle manque de crédibilité.

Le porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov a rejeté les accusations d’interférence russe au Monténégro. Les partis politiques de l’opposition monténégrine ont quant à eux condamné ces affirmations comme de la «propagande grossière» destinée à pousser l’agenda du Premier ministre pro-OTAN et pro-européen de Djukanovic.

«Il est évident que le procureur spécial est devenu un serviteur du Parti démocratique des socialistes [au pouvoir]», a déclaré Milutin Dukanovic, chef de l’opposition Front démocratique, cité par Radio Free Europe.

En effet, depuis que Milo Djukanovic a annoncé, il y a près d’un an, ses projets d’adhésion à l’alliance militaire dirigée par les États-Unis qu’est l’OTAN, son gouvernement s’est heurté à une vive opposition au sein de la minuscule population du Monténégro, qui compte environ 620 000 habitants.

Beaucoup de Monténégrins se souviennent que leur pays a été bombardé par l’OTAN il y a 16 ans, lorsqu’il faisait encore partie de la Serbie résultant de l’ancienne Yougoslavie. En 2006, le Monténégro est devenu indépendant de Belgrade, mais les mémoires restent marquées par le bombardement aérien de l’OTAN, dans lequel des milliers de gens ont été tués au cours d’une campagne militaire, qui servait les intérêts occidentaux emmenés par les États-Unis pour démembrer les Balkans et en faire des États pro-occidentaux. Ces États ont depuis lors renforcé l’expansion de l’OTAN vers les frontières de la Russie.

Aujourd’hui, le Monténégro se trouve être le dernier tremplin pour l’agression de l’OTAN contre la Russie.

Cela semble plus qu’une coïncidence que trois jours seulement avant que le Monténégro ne porte ses graves accusations de subversion russe, la secrétaire adjointe de l’OTAN se soit rendue dans le pays, promettant qu’il serait élu 29e membre de l’alliance dès 2017.

L’adhésion du Monténégro à l’OTAN doit être approuvée par chacun des membres de l’alliance. Leur vote semble assuré à la lumière des dernières déclarations sur l’«agression» russe.

La Russie a longuement exprimé sa désapprobation officielle d’une nouvelle expansion en direction de ses frontières. Moscou a ouvertement apporté son soutien politique aux partis d’opposition au Monténégro, qui sont contre l’adhésion à l’OTAN.

Le gouvernement Djukanovic affirme que Moscou finance les partis d’opposition – des affirmations que Moscou et les partis à l’intérieur du pays nient catégoriquement. Ces derniers disent que les allégations de financement par Moscou ne sont que des entourloupes de Djukanovic pour discréditer l’opposition légitime à ses ambitions otanesques.

Avant les élections du mois dernier, le parti au pouvoir appréhendait les résultats. La désaffection profonde des Monténégrins à son égard ne vient pas seulement des plans d’adhésion à l’OTAN mais aussi de griefs pour ce qu’ils perçoivent comme connivences et corruption autour du Premier ministre. Il y a des soupçons largement répandus que Djukanovic et son cercle rapproché ont été achetés par des intérêts de l’OTAN.

Les partis d’opposition affirment de manière plausible que le prétendu coup d’État a été annoncé la veille des élections du 16 octobre afin d’inciter au soutien électoral de Djukanovic et de son gouvernement. En fait, le parti dirigeant n’a pas été capable de remporter une majorité suffisante pour former la prochaine administration. Ces dernières semaines, il a tenté de bricoler une coalition avec les partis d’opposition.

La dernière «bombe» du procureur général «concluant» qu’il y avait un élément soutenu par la Russie dans la «tentative de coup d’État» est vue comme un stratagème cynique de Djukanovic pour influencer certains membres de l’opposition à rejeter Moscou et à rejoindre une coalition avec son parti.

Ce résultat ouvrirait alors pour le pays la voie de l’accomplissement des projets pour finaliser son adhésion à l’OTAN.

Cette sordide mascarade est aussi à double tranchant. Non seulement l’OTAN gagne un autre pion dans son jeu à long terme contre la Russie. Mais l’alliance remplit aussi son réservoir assez vide avec davantage de propagande.

Le lendemain du jour où le Monténégro s’est plaint de la subversion russe – et d’une tentative d’assassinat du Premier ministre, pas moins – l’OTAN a annoncé qu’elle allait de l’avant avec «le plus grand renforcement des moyens de défense depuis la fin de la guerre froide». Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a dit aux médias britanniques que 300 000 hommes de troupe de l’alliance avaient été mis en état d’alerte.

«Nous avons vu que la Russie était beaucoup plus active de diverses manières», a dit Stoltenberg, avec un manque de précision digne davantage d’un secrétaire que d’un général.

Le mois dernier, les chefs de l’OTAN ont convenu de renforcer les «forces de réaction rapide» stationnées en Europe de l’Est et dans les États baltes. Comme Stoltenberg l’a dit à la presse britannique : «Il y a un grand nombre de gens dans les forces armées des alliés de l’OTAN. Nous examinons comment davantage d’entre eux peuvent être prêts dans un délai plus court.»

Et, surprise, grâce à son partenaire du Monténégro, l’OTAN a une excuse pour justifier une augmentation massive de ses forces à proximité de la Russie. Ce qui pourrait normalement être considéré comme une agression flagrante contre la Russie peut maintenant être justifié comme une «défense collective de l’OTAN».

Les déclarations occidentales officielles sur l’expansionnisme russe depuis le conflit entre la Géorgie et l’Ossétie de 2008 et la crise en Ukraine de 2014 ont toujours sonné creux par manque de preuves. Les déclarations occidentales sur les avions et les navires de guerre russes maraudant à proximité des territoires de l’Europe aussi. Tout comme les affirmations que la Russie est à la veille d’envahir la région de la Baltique.

Ce doit être atrocement frustrant pour les planificateurs de l’OTAN de trouver des justifications crédibles à présenter au public occidental pour leurs escalades militaires coûtant des milliards de dollars et leur bellicisme irresponsable à l’égard de la Russie.

La semaine dernière, les médias britanniques étaient saturés d’affirmations extravagantes émises par le maître espion du MI5 Andrew Parker accusant la Russie de menacer la sécurité de l’État et de semer la division en Europe. De telles histoires de croque-mitaine risquent de passer pour ridicules et les auteurs de tels contes d’apparaître tout aussi absurdes.

Mais alors – quel soulagement ! – arrive le minuscule Monténégro avec des «informations» sur un complot ignoble de la Russie pour renverser le gouvernement et assassiner son Premier ministre. Et donc toute la mascarade continue à un rythme renouvelé. Les dirigeants de connivence du Monténégro arrivent à rester au pouvoir pour traire encore plus le pays, l’OTAN semble assurée d’un nouveau tremplin pour intimider la Russie et l’alliance dirigée par les États-Unis s’affranchit du crime suprême d’agression sous couvert de «défense des alliés».

Oh le beau petit jouet – euh, partenaire – que le Monténégro s’est révélé être pour l’OTAN.

Finian Cunningham

Source: Strategic Culture

Traduit par Diane