Il y a une attitude hypocrite dans la politique étrangère occidentale et en particulier celle des États-Unis. En ce qui concerne Israël, les États-Unis sont prompts à déclamer qu’«Israël a le droit de se défendre». Pour la Syrie, ce même droit ne semble pas exister.
Par Rick Sterling
Paru le 6 octobre 2016 sur Strategic Culture
Quand Israël a exécuté ses campagnes de bombardement intense contre Gaza en 2008, 2012 et 2014, les États-Unis ont justifié les attaques. Aux Nations Unies, le 18 juillet 2014, leur ambassadrice, Samantha Power, a déclaré : «Le président Obama a parlé avec le Premier ministre Netanyahou, ce matin, pour réaffirmer le fort soutien des États-Unis au droit d’Israël à se défendre […] Les attaques du Hamas sont inacceptables et seraient inacceptables pour tout État membre de l’Organisation des Nations Unies. Israël a le droit de défendre ses citoyens et de prévenir ces attaques.»
Israël a affirmé qu’il répondait simplement par légitime défense. Le groupe de défense des droits de l’homme, BtSelem rapporte qu’au cours de la décennie entre juin 2004 et juillet 2015, les Palestiniens ont lancé plus de 8700 roquettes et 5000 mortiers depuis Gaza vers Israël. Mais le nombre total de civils tués en plus de 10 ans était de 28, soit une moyenne de moins de trois personnes par an. En utilisant cela comme une justification, Israël a attaqué par air et par terre, envahissant Gaza pendant ces années et provoquant beaucoup plus de victimes palestiniennes. Par exemple, les attaques israéliennes sur Gaza de l’été 2014 ont tué plus de 2 000 habitants de Gaza, en grande majorité des civils, dont beaucoup d’enfants.
Avec si peu de morts et de dégâts causés par les roquettes à partir de Gaza, il semble que les Palestiniens les ont lancées comme autant de symboles de protestations contre la répression israélienne. L’économie de Gaza est extrêmement restreinte, les frontières sont fermées et même le ciel et l’océan sont hors d’atteinte. Beaucoup de gens diraient qu’Israël maintient l’ensemble de la population de Gaza dans des conditions analogues à celles d’une prison. En outre, de nombreux habitants de Gaza sont des descendants de réfugiés des villes et des villages israéliens voisins. En vertu des Conventions de Genève et la résolution 194 de l’ONU, ils ont le droit de revenir, mais en ont été privés en plus de la plupart de leurs autres droits.
En résumé, les Palestiniens ont lancé des roquettes et des mortiers pour protester contre la politique d’occupation et d’apartheid israéliens. Les Palestiniens ne cherchent pas le renversement de l’État d’Israël, mais plutôt la reconnaissance de leurs droits et la fin de l’occupation. Les victimes de roquettes ont été peu nombreuses. En réponse, l’Occident a donné à Israël un laissez-passer virtuel pour attaquer les Palestiniens à Gaza et bombarder des zones urbaines densément peuplées, où il y a forcément d’énormes pertes civiles.
Le caractère disproportionné de ces attaques israéliennes suggère que le gouvernement israélien ne se défend pas ; il punit une population captive et sans défense.
L’État syrien subit une véritable attaque
La situation en Syrie est radicalement différente. L’opposition armée en Syrie a infligé un grand nombre de morts et de sérieux dégâts en cinq ans de campagne pour renverser le gouvernement. Les données de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, pourtant favorable à l’opposition, indiquent ce chiffre de victimes depuis mars 2011: les forces pro-gouvernementales (armée et milices) – 105 000; les forces anti-gouvernementales – 101 000; les civils – 86 000.
Ces chiffres révèlent l’intensité de la violence et combien les critiques jugeant le président Bachar al-Assad et le gouvernement syrien coupables de tous les morts sont inexactes. Comme le montrent ces chiffres, les soldats et les milices qui défendent l’État constituent le plus grand nombre de victimes.
Le conflit à Alep fait actuellement la une des nouvelles. Alep était la plus grande ville de Syrie et son moteur industriel et financier. La plus grande et la plus efficace force d’opposition à Alep est une filiale d’al-Qaïda, le front al-Nusra, reconnu comme organisation terroriste, même par les États-Unis, et n’a jamais fait partie du « cessez le feu. » Il y a d’autres factions et groupes de défense à Alep qui cherchent à détruire l’État syrien. La plupart de ces groupes sont explicitement des sectaires wahhabites, hostiles à la laïcité, au christianisme et aux religions islamiques modérées.
L’opposition en Syrie est lourdement équipée en armes, en munitions et en explosifs. Elle tire quotidiennement des missiles sur l’ouest d’Alep, tuant au hasard dans cette partie de la ville contrôlée par le gouvernement. Les voitures piégées ont tué des milliers de civils et de soldats. Les bombes placées dans les tunnels en ont tué des milliers d’autres.
Alep a été relativement calme jusqu’à l’été 2012, lorsque des milliers de combattants armés ont envahi et occupé des quartiers dans la partie orientale de la ville. Les rebelles ont été détestés par la majorité de la population dès le début. Ceci a été documenté, même par des journalistes occidentaux tels que James Foley et Stephen Sotloff, qui sont allés là-bas dans un esprit favorable à l’opposition (Foley et Sotloff ont ensuite été capturés et décapités par les djihadistes d’État islamique).
Martin Chulov du Guardian décrit les quartiers est d’Alep en 2015 et estime sa population à seulement 40 000 personnes. À l’opposé, une large population d’environ 1,5 million de Syriens vit dans le reste de la ville. C’est le reflet de la réalité : la grande majorité des Syriens soutient le gouvernement et a la haine des terroristes. Même ceux qui critiquent le parti Baas et qui veulent des réformes, mais pas la violence et la destruction. Ce fait important est généralement ignoré par les médias occidentaux (la situation actuelle dans l’ouest d’Alepest décrite ici par la journaliste Eva Bartlett).
Contrairement aux guerres périodiques israéliennes contre Gaza, le gouvernement syrien est vraiment en train de se battre pour se défendre, lui et sa population civile, contre une opposition armée qui est violente, sectaire et impopulaire auprès de la grande majorité des Syriens.
Ajoutant à la légitimité du gouvernement syrien à se défendre, l’opposition armée en Syrie a été fortement soutenue par des gouvernements étrangers. Les États occidentaux et leurs alliés du Golfe ont fourni des armes, de la formation, du soutien logistique et des salaires à plusieurs milliers de combattants. Al Jazeera du Qatar a désinformé, raconté des histoires fabriquées et des rapports fortement biaisés, dès le début.
Les mêmes gouvernements ont été complices du recrutement et du transfert en Syrie de milliers d’étrangers venant de toutes les régions du globe. Les gouvernements européens, nord-américain et australien «regardaient de l’autre côté» pendant que leurs citoyens étaient recrutés et voyageaient jusqu’en Syrie, via la Turquie, pour rejoindre EI ou al-Nusra. Selon une étude, plus de 12 000 étrangers, dont 3 000 en provenance d’Europe et d’Amérique du Nord, se sont rendus en Syrie au cours des trois premières années du conflit. C’était avant que l’EI ait atteint sa gloire. Ce n’est que l’année dernière, suite aux actions terroristes en Occident, que les gouvernements occidentaux ont commencé à arrêter et détenir les recrues et les recruteurs.
Violer la loi internationale
La situation en Syrie est plus extrême, mais garde quelques similitudes avec la situation au Nicaragua dans les années 1980, lorsque l’administration Reagan a secrètement fourni armement et financement aux Contras, une armée rebelle qui a infligé la mort et la destruction dans certaines régions du Nicaragua. Le 27 juin 1986, la Cour internationale de justice a statué:
«Les États-Unis d’Amérique, en formant, en armant, en équipant, en finançant et en approvisionnant les forces Contras ou, autrement dit, en les encourageant, les appuyant et les aidant à exercer leurs activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, ont agi contre la République du Nicaragua, en violation de leur obligation, en vertu du droit international coutumier, de ne pas intervenir dans les affaires d’un autre État.»
Le tribunal a également décidé que le États-Unis devraient des réparations au Nicaragua, pour le préjudice causé par ses violations du droit. Les États-Unis ont ignoré la décision et, plus tard, se sont retirés de la juridiction de la Cour internationale de Justice.
L’ancien ministre des Affaires étrangères du Nicaragua et ancien président de l’Assemblée générale des Nations unies, le père Miguel D’Escoto, a écrit : «Ce que le gouvernement des États-Unis est en train de faire en Syrie équivaut à une guerre d’agression, qui, selon le Tribunal de Nuremberg, est le pire crime possible qu’un État peut commettre contre un autre État.» (Correspondance personnelle citée avec autorisation).
Certains gouvernements étrangers qui cherchent à «changer le régime» à Damas ont versé d’énormes sommes d’argent dans ce qu’on appelle le «soft power», par le biais du financement d’un éventail d’organisations portant des noms à consonance agréable, pour contrôler le récit et influencer l’opinion publique.
Par exemple, le Syrian Justice and Accountability Center, créé par la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, pour se préparer à la justice du vainqueur. Ou le Syrian Network for Human Rights, qui ignore en grande partie les décès de soldats syriens et milite pour une intervention US/OTAN. Ou encore le Syrian Civil Defense, également connu sous le nom de Casques blancs, un groupe de soutien à al-Qaïda / al-Nusra, mais surtout un outil de lobbying politique militant activement pour une intervention US/OTAN.
Toutes ces organisations, et beaucoup d’autres, sont dites «syriennes» et «indépendantes». Mais elles ont toutes été créées après le début du conflit et sont tous financées par des gouvernements étrangers qui cherchent à renverser le gouvernement syrien.
Celles-ci, comme d’autres organisations, soutiennent l’opposition de diverses manières, diabolisent le gouvernement syrien et idéalisent l’opposition. Elles font partie de la raison pour laquelle beaucoup de gens dans le monde croient que les manifestations anti-gouvernementales de 2011 ne sont devenues violentes qu’à la suite de manifestations pacifiques ayant été brutalement écrasées, ce qui est faux. Sept policiers ont été tués au cours des premières manifestations, à Deraa. Suivis par des dizaines de soldats massacrés à Deraa et Banyas à la fin mars et en avril 2011.
En justifiant la poursuite des violences «rebelles», ce «soft power» agit de concert avec un «hard power», le pouvoir militaire. Par exemple les Casques blancs, qui étaient à l’origine nommés Syrian Civil Defense, ont commencé avec un sous-traitant militaire formant des Syriens en Turquie. Ce groupe a ensuite été rebaptisé les «Casques blancs» par une société de marketing de New York appelée The Syria Campaign. Depuis lors, la marque «kiss cool» des Casques blancs a été fortement promue.
Comme mesure du succès de sa commercialisation, les Casques blancs ont récemment remporté le Right Livelihood Award pour 2016 et sont même nominés pour le Prix Nobel de la Paix. Ironie du sort, il y a une VRAIE Syrian Civil Defense opérant depuis 1953 et de VRAIS Casques blancs, les Cascos Blancos argentins, qui ont reçu bien peu de publicité comparés aux branchés «Casques blancs», créés et promus par ce cabinet de relations publiques de l’ombre. Seulement une image de propagande déchirante, conçue pour justifier une opération militaire américaine en Syrie contre le gouvernement syrien.
Le soft power déforme la réalité de ce conflit. Ainsi, on ne nous dit pas que le gouvernement syrien se défend contre des terroristes, mais que le «régime Assad» «cible les hôpitaux et les marchés civils». Ces revendications sont-elles vraies ? Mon enquête sur les allégations concernant «l’hôpital Al Quds», soutenu par Médecins Sans Frontières en avril 2016, a révélé que les accusations étaient pleines de contradictions, d’incohérences et d’affirmations non vérifiées.
L’«hôpital» était un bâtiment non signalé ; les dégâts n’étaient pas précisés ; le nombre de décès variait énormément et n’a pu être vérifié. La preuve photographique, fournie par les omniprésents Casques blancs, était douteuse. L’enquête a abouti à une lettre ouverte à MSF. Jusqu’à présent, ils ont échoué à corroborer ou documenter leurs accusations.
Médecins Sans Frontières continue d’émettre des messages politiquement biaisés. Leur tweet du 2 octobre à propos d’un «bain de sang dans l’est d’Alep» a conduit à de fausses accusations, prétendant que deux adolescents avaient été tués par les bombardements de l’État syrien, alors qu’ils ont été effectivement tués, mais par des attentats terroristes.
Actuellement, l’Union des soins médicaux et des organismes de secours (UOSSM), financée par la France et d’autres pays, a été à l’avant-garde en accusant la Syrie et la Russie de bombarder intentionnellement un hôpital souterrain. Est-ce une histoire véridique ou de la simple propagande ? Les Russes et les Syriens tentent de combattre les terroristes; pourquoi gaspilleraient-ils des ressources et généreraient-ils de la publicité négative en attaquant un hôpital ? Les rapports semblent être basés sur des conversations par téléphone ou par Skype avec des sources de fiabilité inconnue.
Le récit promu par le «soft power» est que le gouvernement syrien est une dictature impopulaire dominée par le groupe religieux alaouite. Est-ce exact ? Au contraire, les ministères clés, notamment la Défense et les Affaires étrangères, sont détenus par des dirigeants sunnites. La majorité de l’Armée arabe syrienne est sunnite. Les visiteurs de la Syrie rencontrent facilement des mères qui sont fières de leurs fils morts en défendant leur pays contre le terrorisme soutenu par l’étranger.
Le récit promu par le «soft power» est que le soulèvement syrien était en grande partie progressiste, laïque, et à la recherche de la démocratie. Ce mythe rationalise le soutien à une guerre pour un «changement de régime» contre la Syrie, mais il est contredit par la Defense Intelligence Agency états-unienne. Dans un rapport classifié d’août 2012, la DIA a analysé le conflit comme suit : «Les salafistes [sic], les Frères musulmans et al-Qaïda en Irak, maintenant connu comme EI ou État islamique, sont les forces principales menant l’insurrection en Syrie.»
Le soft power en Syrie a impliqué la création et le financement de groupes syriens qui véhiculent un message de soutien aux objectifs de «changement de régime». Par exemple, il y a un groupe dans la ville de Kafranbel, qui affiche chaque semaine une bannière rédigée en anglais. Le message est fourni au groupe par une source étrangère et le groupe tient la bannière pour être photographié avec, et posté sur les médias sociaux occidentaux. La plupart des habitants n’ont probablement aucune idée de ce qu’il y est écrit.
Puis il y a l’Aleppo Media Center, qui crée des vidéos pour influencer le public occidental, et les Casques blancs mentionnés précédemment. Ces groupes créés par les Occidentaux sont les exemples de la «révolution syrienne» par ceux qui promeuvent ce récit. Quel genre de «révolution» est-ce, pour être en contrat avec le Département d’État des États-Unis ?
La situation actuelle et la crise à venir
Le gouvernement syrien, avec le soutien de la majorité des Syriens, est en train de faire de son mieux pour se défendre contre une attaque financée par certains des pays les plus riches et les plus puissants au monde. Les milices populaires et l’armée syrienne ont subi d’énormes pertes, mais avancent quand même. L’année dernière, la Russie a fourni un appui aérien crucial. Contrairement à l’invasion de la terre syrienne et de son espace aérien par les États-Unis, l’intervention russe est en conformité avec le droit international, car elle fait suite à une demande d’assistance du gouvernement internationalement reconnu de Syrie, alors que le gouvernement américain et ses alliés n’ont pas une telle autorisation.
Actuellement, le gouvernement syrien et ses alliés cherchent à virer al-Nusra et les autres groupes terroristes de l’est d’Alep. Si c’est un succès, ils pourraient alors se concentrer sur EI à Raqqa et sur les terroristes restants dans les autres régions du pays. Contrairement à Gaza densément peuplée, il reste très peu de civils dans les zones d’Alep détenues par l’opposition, la plupart étant partis. Bien que des victimes civiles se produisent dans toutes les guerres, il n’y aurait aucun sens à ce que l’armée syrienne cible des civils. Au contraire, le gouvernement a ouvert des couloirs pour permettre aux civils et aux combattants de quitter Alep.
En grande partie non reporté en Occident, le gouvernement syrien a un programme de réconciliation active, qui permet aux anciens hommes armés de se déplacer vers une autre région ou de se réintégrer dans la société. Il a été utilisé avec succès pour nettoyer les derniers bastions terroristes d’Al Waer près de Homs et de Darraya près de Damas. Plusieurs milliers de combattants syriens ayant été contraints ou soudoyés pour se joindre à l’opposition ont déposé leurs armes, signé un accord et rejoint la société.
En contraste avec la frénésie et la panique dans les médias occidentaux et les milieux politiques, il y a un optimisme et un espoir croissant parmi la grande majorité des gens dans Alep. Le journaliste syrien Edward Dark a récemment tweeté : «Alep sera bientôt libérée des djihadistes qui l’ont envahie et détruite. Après 4 ans d’enfer, son peuple va enfin connaître la paix.» Ils sont impatients de la défaite finale et de l’expulsion des terroristes qui ont envahi la ville en 2012.
Que pourront faire les ennemis étrangers de la Syrie pour empêcher cela? Vont-ils continuer et intensifier leur campagne, pour détruire la Syrie comme ils ont détruit l’Afghanistan, l’Irak et la Libye ? Sont-ils prêts à risquer une potentielle troisième guerre mondiale avec la Russie ? Le mois dernier, la Turquie a envoyé des troupes dans le nord de la Syrie et les États-Unis ont attaqué l’armée syrienne à Deir Ezzor, tuant au moins 62 soldats. Ils prétendent que c’était un accident, mais beaucoup pensent que c’était intentionnel.
Depuis l’effondrement du cessez-le-feu, la propagande du «soft power» s’est accélérée. Les accusations disant que les Syriens et les Russes ciblent les hôpitaux sont liées à de nouvelles campagnes de la part de médias sociaux pour «sauver Alep».
Deux choses sont claires :
– Le public devrait se méfier des histoires des médias reposant sur des revendications d’acteurs biaisées et non étayées par des preuves solides
– Le gouvernement syrien a le droit de se défendre contre des extrémistes violents financés par l’étranger et cherchant à le détruire.
Rick Sterling
Source: Strategic Culture