
Des Palestiniens se pressent pour recevoir des colis alimentaires et humanitaires distribués par la Fondation humanitaire de Gaza à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le jeudi 29 mai 2025. (AP Photo/© Abdel Kareem Hana)
Au milieu du silence mondial, les forces israéliennes tuent et blessent plus de 600 Palestiniens dans des centres de distribution d’aide en une semaine
L’armée israélienne a tué et blessé plus de 600 Palestiniens près de trois centres de distribution d’aide qu’elle avait établis dans des zones sous son contrôle dans la bande de Gaza, le tout en l’espace d’une semaine. Cet incident prouve de manière flagrante que ces sites fonctionnent comme des zones de mort, utilisées pour cibler et exécuter délibérément des civils sur le terrain.
Le silence mondial face à l’escalade de la campagne génocidaire d’Israël dans la bande de Gaza, qui approche maintenant de son vingtième mois, est à la fois honteux et profondément alarmant. Au cours des derniers mois, Israël a non seulement soumis les civils à la famine, mais a également établi de soi-disant centres humanitaires, près desquels il a tué des civils qui tentaient désespérément d’accéder à de maigres rations dans des conditions dégradantes. À ce jour, il n’y a eu ni obligation de rendre des comptes ni enquête crédible et indépendante sur ces graves violations.
L’équipe de terrain d’Euro-Med Monitor a documenté les tirs de l’armée israélienne sur des milliers de civils rassemblés à l’aube du mardi 3 juin près d’un centre de distribution d’aide humanitaire à Tel al-Sultan, à Rafah, dans le sud de Gaza. Au moins 27 civils ont été tués et 90 blessés. Le bilan devrait s’alourdir en raison du nombre élevé de blessés graves, et de l’effondrement des services de santé causé par le blocus et les attaques répétées de l’armée israélienne contre les installations médicales.
Les tirs étaient intenses et aléatoires. Tout le monde était allongé au sol, les balles sifflaient au-dessus de nos têtes, personne n’osait se lever, car se lever revenait à mourir. — A. B., survivant de l’incident
Selon les témoignages et les informations recueillis par les enquêteurs d’Euro-Med Monitor sur le terrain, les tireurs d’élite de l’armée israélienne ont délibérément pris pour cible des civils affamés, principalement à la tête, alors qu’ils ne représentaient aucune menace pour les forces israéliennes.
Dans son témoignage à Euro-Med Monitor, un survivant qui a souhaité rester anonyme a déclaré :
“Vers 3 h 50 ce matin, un quadricoptère israélien a survolé la foule de civils et a pris des photos. Puis, l’armée a ouvert le feu depuis une grue dans la zone. J’ai personnellement transporté trois personnes touchées à la tête. La plupart des blessés ont été touchés à la tête. Les gens venaient chercher de quoi manger pour apaiser leur faim, mais ils ont été tués ou blessés”.
Dans un autre témoignage, A. B. 38 ans, a déclaré :
“Je suis allé vers 3 heures du matin dans la zone près d’Al-Alam à Rafah et j’ai attendu près d’une cafétéria en bord de mer. Les tirs étaient intenses et aléatoires. Tout le monde était allongé au sol, les balles sifflaient au-dessus de nos têtes ; personne n’osait se lever, car se lever revenait à mourir.
“Vers 5 heures du matin, les gens ont commencé à s’approcher de la route menant au centre d’aide, et des coups de feu ont éclaté depuis un drone quadricoptère, de véhicules derrière les dunes et de bateaux de la marine”, a-t-il ajouté.
Il a poursuivi :
“Il y a eu de nombreux blessés et morts. Vers 5 h 45, nous avons réussi à entrer dans le centre et j’ai pu obtenir un colis d’aide. En sortant, j’ai rencontré une femme d’une quarantaine d’années qui m’a dit qu’elle n’arrivait plus à avancer et que ses enfants et elle souffraient de la faim et de la pauvreté. Je lui ai donné mon colis et je suis retourné en chercher un autre, mais il n’y en avait plus. Un quadricoptère survolait la zone et diffusait des insultes : ‘Bande d’animaux, fichez le camp, il n’y a plus rien à distribuer’. »
“Alors que je partais et que j’approchais d’une sortie, j’ai vu un enfant qui criait très fort : “Maman, lève-toi, maman, lève-toi”. Je me suis approché et j’ai trouvé la femme à qui j’avais donné mon colis, gisant dans une mare de sang. Elle est morte”, a-t-il dit. “Avec un groupe de jeunes hommes, nous l’avons transportée dehors et placée dans une ambulance. J’ai accompagné son fils à l’hôpital. Sur le chemin, le long de la route côtière, j’ai vu sept corps gisant sur le bord de la route.
“Quand je suis retourné à ma tente, j’ai juré devant Dieu, ma femme et mes enfants que je n’irais plus jamais dans un centre de distribution d’aide, même si la vie devient trop difficile, même si je dois manger du sable”.
Dans l’un des cas d’exécution sommaire de civils documentés par Euro-Med Monitor, l’armée israélienne a tué Khaled Ahmed Abu Sweilem, 41 ans, alors qu’il tentait d’atteindre un centre de distribution d’aide humanitaire à l’ouest de Rafah mardi matin pour obtenir de la nourriture.
Après avoir réussi à obtenir un colis d’aide, il a été abattu dans le dos alors qu’il quittait le centre. La balle l’a touché derrière l’oreille droite et s’est logée dans sa tête, le tuant sur le coup. Son corps a d’abord été transféré à un hôpital de campagne, puis à l’hôpital Nasser de Khan Yunis, dans le sud de Gaza.
L’armée israélienne, en collaboration avec l’organisation soutenue par les États-Unis qui gère les centres de distribution de l’aide, ordonne aux Palestiniens de venir chercher l’aide dans des sites désignés, leur enjoignant d’attendre leur tour après avoir été soumis à des contrôles et à diverses humiliations. Une fois sur place, ils sont exposés aux tirs directs des snipers, des drones quadricoptères, des hélicoptères et parfois des obus de chars, sous prétexte que les forces israéliennes stationnées à quelques centaines de mètres seraient menacées.
Les incidents sur le terrain montrent que l’armée israélienne a délibérément placé les centres de distribution de l’aide dans des zones dangereuses et militarisées sous son contrôle, sans prévoir de couloirs sécurisés. C’est un piège mortel pour des milliers de civils affamés qui, après plus de trois mois de fermeture des frontières, risquent leur vie pour obtenir un peu de nourriture. Beaucoup reviennent blessés, quand ils reviennent.
L’armée israélienne nie généralement toute responsabilité dans ces crimes graves ou tente de justifier son recours aux tirs à balles réelles en affirmant que des “suspects” se sont approchés des zones où ses forces sont déployées. Ces affirmations sont avancées sans la moindre preuve et contredisent souvent des récits antérieurs, révélant un mépris total pour la vie des civils affamés. Ce comportement est la conséquence directe de l’impunité dont Israël jouit depuis trop longtemps.
La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates et décisives pour contraindre Israël à mettre fin à son dispositif inhumain de distribution de l’aide dans la bande de Gaza. En seulement huit jours, ce dispositif a permis des massacres quotidiens qui ont fait 102 morts et près de 500 blessés parmi les Palestiniens, dont beaucoup dans un état critique.
Le chaos qui règne dans les centres de distribution de l’aide humanitaire renforce les inquiétudes soulevées précédemment quant à l’incapacité du dispositif israélien à acheminer efficacement l’aide humanitaire. Les centaines de centres existants ne peuvent être remplacés par seulement quatre sites qui ressemblent à des centres de détention militaires et ne disposent même pas des infrastructures de base nécessaires pour accueillir les civils et distribuer l’aide de manière sûre et efficace.
Ces incidents ne doivent pas être minimisés comme étant de simples problèmes de procédure pouvant être résolus par des ajustements opérationnels. Ils doivent être replacés dans le contexte plus large et plus grave du contrôle exercé par l’armée israélienne sur l’aide humanitaire. Il est inconcevable que l’entité accusée de commettre un génocide depuis près de 20 mois puisse être chargée d’améliorer les conditions humanitaires de la population qu’elle cible.
Il est essentiel de mettre immédiatement fin au dispositif israélien de distribution de l’aide dans la bande de Gaza, car il est devenu le théâtre d’exécutions sommaires et ne respecte aucune des normes humanitaires les plus élémentaires. Euro-Med Monitor souligne la nécessité de rétablir le dispositif précédemment mis en place par les Nations unies afin de garantir la distribution sûre et efficace de l’aide à la population de Gaza.
Tous les États et les acteurs concernés doivent exercer une pression maximale sur Israël pour l’empêcher de contourner ou de compromettre l’œuvre des agences expérimentées de l’ONU dans la bande de Gaza.
Euro-Med Monitor souligne le rôle crucial et impartial que jouent ces agences dans l’acheminement de l’aide humanitaire et la coordination de la réponse apportée à plus de 2,2 millions de Palestiniens confrontés à la mort et à la famine.
Euro-Med Monitor – 3 juin 2025
Article original en anglais Euromedmonitor.org