Blinken - Wang

Antony Blinken et le directeur du Bureau central des affaires étrangères de Chine, Wang Yi, se sont rencontrés à Pékin en juin de l’année dernière. (Département d’État américain, domaine public, Wikimedia Commons)

La nouvelle attention portée par l’OTAN à la Chine renvoie aux débuts de l’alliance belliqueuse.

Lors du sommet du 75e anniversaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord qui s’est tenu la semaine dernière à Washington, la Chine a occupé une place importante dans l’ordre du jour. La déclaration finale du sommet de l’OTAN a mentionné la République populaire de Chine (RPC) à 14 reprises. Elle note que « la RPC continue de poser des défis systémiques à la sécurité euro-atlantique » et que « les ambitions déclarées et les politiques coercitives de la Chine continuent de remettre en cause nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs ».

Les dirigeants des pays « partenaires » de l’OTAN, à savoir le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, ont participé au sommet. Ils ont rencontré collectivement le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, afin de définir une stratégie pour la région Asie-Pacifique. L’OTAN a annoncé quatre nouveaux projets conjoints avec des pays importants pour la tentative de Washington d’établir un bloc militaire contre la Chine. Pékin a réagi en accusant l’OTAN « d’inciter à la confrontation des blocs et d’exacerber les tensions régionales« .

Sans surprise, l’OTAN qualifie de défensive l’attention qu’elle porte à la Chine. « La RPC est devenue un catalyseur décisif de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine« , affirme le communiqué final du sommet. Selon ce scénario, les relations de la Chine avec la Russie menacent l’OTAN. Mais il s’agit d’une exagération. La Chine a adopté une approche prudente face à la guerre de la Russie, se conformant largement aux sanctions (illégales) des États-Unis et refusant de vendre des armes (bien que ses entreprises vendent certains produits à double usage à des sociétés russes). À l’inverse, la Corée du Nord et l’Iran vendent des armes à la Russie, tandis que les pays de l’OTAN font don de grandes quantités d’armes à l’Ukraine.

La comparaison des liens entre la Chine et l’Inde met en évidence l’exagération de l’OTAN. L’Inde achète plus de pétrole et d’armes à la Russie que la Chine et, lorsque l’OTAN a commencé sa réunion, le premier ministre indien Narendra Modi était à Moscou pour rencontrer le président Vladimir Poutine.

En 2022, l’OTAN a publié un concept stratégique mentionnant la Chine pour la première fois. Ce concept qualifiait Pékin de défi pour « les intérêts, la sécurité et les valeurs » de l’alliance et, à l’époque, M. Stoltenberg avait déclaré : « La Chine renforce considérablement ses forces militaires, y compris ses armes nucléaires, intimide ses voisins et menace Taiwan … ».

Tout cela fait partie de la tentative de l’empire US de contenir la montée en puissance de la Chine. Washington est obsédé par l’émergence d’un « concurrent » qui pourrait à terme rivaliser avec sa puissance.

S’il semble étrange qu’une alliance destinée à défendre l’ « Atlantique Nord » prenne pour cible un lointain État asiatique, l’OTAN n’est ni défensive ni axée uniquement sur l’Atlantique Nord. Les récentes guerres de l’alliance en Afghanistan et en Libye démontrent qu’il s’agit d’un outil permettant la domination mondiale dirigée par les États-Unis.

Cela est clair depuis 75 ans. Dans le cadre du débat parlementaire sur la création de l’OTAN, le ministre canadien des affaires étrangères, Lester Pearson, avait déclaré : « Il n’y a pas de meilleur moyen d’assurer la sécurité de l’océan Pacifique à ce moment précis que d’élaborer, entre les grandes puissances démocratiques, un accord de sécurité dont les effets se feront sentir dans le monde entier, y compris dans la région du Pacifique. » Deux ans plus tard il déclarait : « La défense du Moyen-Orient est vitale pour la réussite de la défense de l’Europe et de la région de l’Atlantique Nord. » En 1953, Pearson va encore plus loin : « Il n’y a plus qu’un écart géographique relativement faible [5 000 kilomètres] entre l’Asie du Sud-Est et la zone couverte par le traité de l’Atlantique Nord, qui va jusqu’aux frontières orientales de la Turquie. »

Pearson croyait que l’alliance « défensive » nouvellement créée justifiait l’envoi de 27 000 soldats canadiens en Corée. Dans un ouvrage sur l’histoire de la guerre de Corée de 1950-53 menée par les États-Unis, David Bercuson écrit que le ministre canadien des affaires étrangères « était d’accord avec [le président] Truman, [le secrétaire d’État] Dean Acheson et d’autres dirigeants américains pour dire que le conflit coréen était le premier véritable test de l’OTAN, même s’il se déroulait à l’autre bout du monde« .

La guerre de Corée était en partie une réaction à la révolution communiste/nationaliste de Mao en Chine en 1949. Après que les forces américaines se soient approchées de la frontière, la Chine est intervenue. La guerre a fait environ trois millions de morts.

En réalité, l’OTAN a été créée pour placer un monde en voie de décolonisation sous le parapluie géopolitique des États-Unis. Cela reste vrai 75 ans plus tard, car l’alliance continue de promouvoir l’hégémonie étatsunienne.

Yves Engler

Source: Antiwar.com, 19 Juillet 2024

Le dernier livre d’Yves Engler: Canada’s Long Fight Against Democracy.